Olivier BOMSEL : "l’article 7 de la loi DADVSI vise de manière abstraite la protection du consommate

30 mars 2006 à 00h00
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Chercheurs au CERNA, Olivier BOMSEL et Anne Gaëlle Geffroy donnent leur point de vue sur l'article 7 de la loi DADVSI, traitant des DRM

Chercheurs au CERNA, Centre d'Economie Industrielle de l'Ecole des Mines de Paris Olivier Bomsel et Anne Gaëlle Geffroy donnent leur point de vue sur le fameux article 7 de la loi DADVSI, traitant de l'interopérabilité des moyens techniques de protection des contenus.

Le débat sur la loi DADVSI a souffert de la faiblesse de l'argumentaire économique avancé pour justifier des questions de propriété, pourtant essentielles à la structuration des industries culturelles et à la distribution de leurs produits. Le texte voté en première lecture par l'Assemblée Nationale porte encore des traces de sa trajectoire chaotique. Notamment dans l'article 7 sur l'intéropérabilité. Nous proposons ici, une grille de lecture économique sur cette question. Elle peut, nous semble-t-il, éclairer le prochain examen du texte au Sénat.

Les articles 7 et 7 bis traitent de l'interopérabilité des moyens de protection techniques en cherchant à servir l'intérêt du consommateur. Cette question est abordée de manière essentiellement technique suivant une formulation qui en obscurcit les enjeux. Les objectifs annoncés de l'intéropérabilité et les moyens effectifs de l'obtenir (divulgation des codes, décompilation, droits du consommateur...) excèdent la directive EUCD et fragilisent les autres dispositions de protection des Moyens Techniques.

Il faut recadrer ce débat sur l'interopérabilité sur le plan, non pas de l'offre faite au consommateur — lequel a toujours, s'il est clairement informé, la liberté de refuser — mais sur la relation économique verticale “contenu/distributeur”. Autrement dit, la question de l'interopérabilité n'est pas qu'une question de liberté du consommateur, c'est avant tout un point d'ordre visant la concurrence dans la distribution des contenus.

Pourquoi l'interopérabilité ?

Dans sa version actuelle, l'article 7 vise de manière abstraite la protection du consommateur, et non la nature de la concurrence dans la distribution, qui est sa garantie effective. Il faut, nous semble-t-il, réorienter l'article sur les enjeux économiques de la distribution. En effet, l'application effective du droit d'auteur est un élément de la concurrence entre réseaux de distribution, lesquels intègrent désormais les équipements terminaux : les systèmes mal protégés ou potentiellement contournants créent des distorsions de concurrence défavorables à tous les autres, et donc à la valorisation conjointe des contenus et des réseaux légaux.

L'intéropérabilité n'est donc pas une fin en soi, mais une condition à remplir dans les réseaux où la non-intéropérabilité incite à contourner les droits au bénéfice des systèmes d'accès ouverts. En d'autres termes, il faut réduire l'alea moral qui permet à l'équipementier et au réseau ouvert auquel il se connecte de distribuer du contenu contourné.

Position du problème

· Il existe deux types de systèmes : ceux dans lesquels les fichiers circulent dans des équipements dédiés (sous accès conditionnel, AC), et ceux dans lesquels les fichiers circulent dans des équipements en accès ouvert. Dans les premiers, l'équipement est généralement subventionné par le distributeur qui tarifie le contenu (parabole, décodeur, boîtier TV...). Dans les seconds, le consommateur achète un terminal et un accès séparé.

· Dans les systèmes AC la distribution est maîtrisée, i.e. le contenu peut circonscrire l'alea moral de la distribution. Le distributeur propose à l'ayant droit un accès exclusif sur le terminal dédié. L'ayant droit est libre de refuser. Le consommateur, quant à lui, accepte ou non le service. S'il refuse, il refuse aussi l'équipement de contrôle d'accès. Pas de tromperie, ni d'obligation d'achat chez un vendeur exclusif.

· Dans les systèmes ouverts, le consommateur choisit (à ses risques et périls) entre des fichiers en clair éventuellement illégaux et des fichiers sous MT. La non intéropérabilité des MT transforme le terminal, soit en terminal dédié, soit en équipement possiblement contournant. Ce point est embarrassant, en particulier pour les fichiers ayant vocation à être lus un grand nombre de fois (musique). Car dans ce cas, l'intéropérabilité est particulièrement utile au consommateur. Et les seuls fichiers intéropérables sont les fichiers non protégés, donc partageables à l'infini. Le niveau des amendes, inférieur à l'espérance du gain pour le consommateur, donc non dissuasif, incite alors à contourner pour accéder au seul format intéropérable.

· Ce point qui bénéficie entièrement à l'équipementier et au réseau d'accès (de fait, distributeurs) au détriment de l'ayant droit est une forme d'alea moral, générateur de distorsion de concurrence dans les réseaux de distribution. Son effet est d'abaisser la valeur de marché des contenus et des réseaux qui le distribuent loyalement. Les producteurs indépendants et les distributeurs régionaux non intégrés sont particulièrement vulnérables. Le législateur doit réduire cet alea moral, et uniquement celui-là.

Les moyens pour obtenir l'interopérabilité

· L'objectif est, rappelons-le, de réduire l'alea moral du contournement qui distord la concurrence dans la distribution. Une fois l'objectif fixé, il convient d'adapter les moyens.

· Le texte actuel vise les “fournisseurs de mesures techniques” lesquels “doivent donner accès aux informations essentielles à l'interopérabilité”. Au-delà des implications de cette divulgation forcée sur les règles de propriété et de droit de la concurrence, la question de la mise en œuvre de l'interopérabilité est laissée en suspens. Elle est abordée comme une question technique, non comme une question industrielle. Il n'y a aucune logique économique dans cette démarche.

· Il faut donc introduire un mécanisme d'internalisation comparable à la règle pollueur/payeur. La règle devrait être que le bénéficiaire de l'alea moral fait les frais de l'interopérabilité. Autrement dit, qu'il se conforme au principe d'une concurrence loyale dans la distribution. Ainsi, si le MTP est inscrit dans un lecteur, soit ce lecteur est un terminal dédié (il n'accepte aucun autre format, potentiellement contournant), soit le MTP est intéropérable, permettant ainsi aux distributeurs non intégrés d'atteindre ce marché. On est ainsi en conformité avec la règle de concurrence.

Note écrite par Olivier Bomsel et Anne Gaëlle Geffroy
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