Thierry Piolatto - Global Interface : "Editeurs, majors et marques ont tout intérêt à se développer

30 janvier 2006 à 00h00
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A l'heure des débats sur le DADVSI, M. Piolatto, responsable stratégie chez Global Interface, précise la problématique de sécurisation des échanges de données.

AB - Thierry Piolatto, bonjour. Pouvez-vous présenter brièvement l'activité de Global Interface sur le marché de la sécurisation des échanges de données ?

TP - Global Interface répond avec son offre de logiciels à une problématique juridique, existante ou à venir, qui se pose aux entreprises.

Cela s'applique aussi bien au secteur des médias avec le copyright, qu'au secteur de la finance à travers le Sarbanes-Oxley Act, ou aux métiers de la santé avec les règlements de l'Agence européenne d'évaluation des médicaments (EMEA) et de la FDA (Food and Drug Administration).

Nous proposons deux solutions, Content Tracker et Content Secure qui combinées permettent de conserver l'intégrité d'un document, sa traçabilité et sa confidentialité.

AB - Le développement de la société de l'information est-il envisageable sans système de gestion des droits numériques (DRM) ?

TP - Avec un peu d'imagination, tout à fait. Le développement de la presse en ligne avec un modèle reposant le plus souvent sur la gratuité de l'information et sur les recettes publicitaires générées est complètement viable aujourd'hui.

Concernant la filière "musique", il s'agit plutôt de savoir comment les artistes pourraient gagner de l'argent dans cette économie numérique. Imaginons des reversements de droits calculés sur le nombre d'écoutes et financés par de la publicité ou une revente de "leads" auprès d'enseignes, ou encore de la revente d'informations destinées à du télémarketing.

Le problème avec les nouvelles technologies est bien connu : Comment détruire de la valeur quelque part pour en recréer ailleurs ? C'est ce qu'ont fait des sociétés comme Skype et Google, et personne ne s'en plaint.

AB - Certains utilisateurs estiment que les DRM restreignent le droit à la copie privée, d'autres parlent de "flicage numérique". Quel est votre point de vue sur le sujet ?

TP - Sur la copie privée, les permissions DRM les plus fréquemment mises en place consistent à pouvoir effectuer 5 copies. Personnellement, je trouve que c'est déjà pas mal et rien n'empêche d'étendre cette permission à un nombre plus important de copies.

Concernant "le flicage", les outils mis à la disposition de tout un chacun - analyse de logs, spywares, cookies, DRM, collecte d'adresses IP, etc. - permettent de faire "du flicage" à grande échelle, donc le débat n'est pas technologique mais juridique.

Il faudrait mettre en place un vrai contrat de confiance (Creative Commons en est un exemple) et que ce contrat de confiance soit respecté par tous dans un cadre juridique strict qui garantisse l'anonymat des consommateurs.

En France, la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) s'en charge. Le risque est que ce contrat de confiance soit rompu par un ensemble de dérives sécuritaires...

AB - En mars 2006, les débats parlementaires sur le projet de loi DADVSI* vont reprendre, notamment sur les mesures techniques anti-piratage. Quelles solutions propose Global Interface dans ce cadre ?

TP - Global Interface propose de la traçabilité avec Content Tracker et de la protection de contenus (DRM) avec Content Secure. Quant aux choix technologiques, ils doivent être appréciés par chaque éditeur en fonction de la valeur ajoutée de chaque information.

La traçabilité est un outil puissant qui est intéressant, d'une part, du point de vue d'un éditeur : "Je suis créateur donc je suis en droit de savoir où est diffusée mon œuvre", et d'autre part, du point de vue du consommateur : "Je suis consommateur par conséquent je suis en droit de savoir d'où provient l'information que je consomme."

C'est le phénomène "vache folle". Dans un hamburger, la viande est issue de 20 provenances différentes. On le sait aujourd'hui grâce à la traçabilité de la chaîne alimentaire. C'est un progrès.

AB - Pensez-vous que le principe de "licence globale" qui permettrait de rémunérer les ayants droits sur les échanges P2P de musiques et de films à travers un forfait payé par les internautes, soit une utopie ?

TP - Philosophiquement, c'est un bon principe. Technologiquement, la méthode du sondage n'est pas au point. Au final, cela reviendrait à ajouter une taxe supplémentaire sur les échanges de fichiers sans parvenir à une répartition équitable des droits d'auteur.

Ce système profiterait aux blockbusters mais un artiste perdu dans un fond de catalogue aurait peu de chance de gagner un peu d'argent par son travail. Dans ce sens, les DRM sont plus égalitaires.

AB - Global Interface propose une solution pour l'échange P2P "légal" de fichiers. Quelles sont ses fonctionnalités ? A quelle cible est-elle destinée ?

TP - Le P2P légal développé par Global Interface est basé sur le principe de la super distribution en OMA (Open Mobile Alliance), fichier et licence étant deux éléments distincts.

Chaque licence peut contenir des permissions évolutives et autorise la mise en place de nouveaux modèles économiques basés sur du "multishots", autrement dit "plus un contenu est consommé, moins je paye".

Cela incite à découvrir de nouveaux talents, à baisser les prix de vente, et à faire du marketing viral. La gestion des licences s'opère au sein d'une "clearing house". Elle a comme rôle de répartir les droits, mais on pourrait imaginer demain une vraie interopérabilité au service des consommateurs.

Un exemple : Si vous perdez votre licence, la "clearing house" vous garantit l'envoi d'une nouvelle licence quel que soit votre terminal. Les internautes, contrairement à ce qui se dit, ne sont pas réfractaires aux DRM mais ils ne veulent pas payer X fois la même chose (étude Novatris/Global Interface).

Un éditeur de contenus, une major, une marque ont tout intérêt à se développer dans le peer-to-peer (P2P). Ces acteurs ne peuvent plus aujourd'hui se couper d'un canal de distribution représentant plus de 85% des échanges de fichiers dans le monde !

AB - Quelle est votre vision d'un avenir numérique ?

TP - L'anonymat sur les réseaux, car le dicton "pour vivre heureux, vivons caché" est de plus en plus menacé. Si les propositions de lois actuelles vont plutôt à l'encontre de ce droit élémentaire, alors imaginons des services privés garantissant cet anonymat.

Enfin, il est utile de préciser qu'anonymat n'équivaut pas au pillage des contenus.

AB - Thierry Piolatto, je vous remercie.

  • DADVSI : le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information.
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