Tristan NITOT, Mozilla Europe : "Le succès de Firefox dépasse nos espérances les plus folles"

08 août 2005 à 00h00
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Directeur de Mozilla Europe, Tristan NITOT revient sur la création de Mozilla corp et son impact sur le développement de Firefox

JB - Tristan Nitot, bonjour. Pourquoi la fondation Mozilla crée t'elle une société commerciale comme Mozilla Corp ? Quelles sont ses ambitions ?

TN - Mozilla Corp n'est pas vraiment une société commerciale. Nous préférons parler "d'entité soumise à l'impôt sur les sociétés". Sa vocation n'est pas de générer du profit ou de la valeur pour ses actionnaires. Son unique actionnaire, c'est Mozilla Foundation, une fondation américaine à but non lucratif. Son objectif, c'est de résoudre un problème essentiellement fiscal : Mozilla Foundation se doit de vivre principalement de dons, compte tenu de son statut de "non-profit organization". Seulement Firefox génère des profits via le Mozilla Store ou encore les partenariats avec certains sites listés dans son champ de recherche situé en haut à droite de l'interface utilisateurs. On y retrouve des grands noms comme Amazon, eBay, Google et , entre autres. Ces revenus sont plus importants qu'on ne l'imaginait, ce qui pourrait à long terme être incompatible avec le statut fiscal de la Mozilla Foundation. Mozilla Corporation a pour objectif de résoudre cela. Ça n'est pas une société commerciale qui vise une introduction en bourse ni la distribution de stock-options. C'est plutôt un mécanisme qui permet au projet Mozilla de mieux vivre et d'être plus réactif, plus efficace, car disposant de ressources financières qui assurent sa pérennité mieux que ne le feraient les seuls dons. Je me dois de préciser que Mozilla Europe (entité complètement distincte) vit par contre essentiellement de ses dons, et j'encourage vos lecteurs à donner généreusement sur http://www.mozilla-europe.org/fr/contribute/ :-)

JB - Est-ce que cette création est bien accueillie ou bien comprise par la communauté de développeurs ?

TN - Oui, très bien. Il faut dire qu'un comité consultatif (advisory committee) a été créé pour aider dans cette transition. Ce comité, dont j'étais partie prenante, était ouvert à plusieurs membres de la communauté et a permis de prendre en compte le point de vue des développeurs, qui ont bien réalisé que la démarche était bénéfique au projet dans son ensemble.

JB - Des sociétés comme Xiti créditent Firefox de 15% de part de marché en Europe. En tant que président de Mozilla Europe, vous attendiez vous à un tel succès ?

TN - Franchement, cela dépasse nos espérances les plus folles. Il faut voir comment est organisé le marché avant que Firefox ne connaisse le succès : Opera était alors autour de 1,5%, la suite Mozilla autour de 3%, et Internet Explorer à près de 95%, malgré le fait qu'il n'était plus développé et que son support des standards était très inférieurs aux navigateurs modernes. En octobre 2004, avant le lancement de Firefox, mon collègue de l'époque, Bart Decrem, a commencé à parler publiquement d'un objectif de 10% pour fin 2005. Ça nous paraissait à tous démesuré. On a vu qu'il s'est effectivement trompé, mais dans l'autre sens, car la barrière des 10% a été franchie au printemps !

JB - Quels sont vos objectifs désormais ?

TN - Notre objectif, notre mission, c'est de rétablir le choix et la concurrence sur le marché des logiciels client Internet (navigateur et messagerie). C'est une approche plus qualitative que quantitative. On l'a vu, quand Microsoft a obtenu le monopole en anesthésiant puis tuant Netscape, le développement d'Internet Explorer s'est brusquement assagi puis carrément arrêté. En 1999 est sorti IE 5.5, puis début 2001, IE 6.0, qui apporte finalement bien peu de choses. En quatre ans et demi, quasiment rien. Et pour cause, l'absence de concurrence n'incite pas Microsoft, société cotée en bourse, à apporter la moindre innovation à un produit qui ne rapporte rien car il est gratuit. Le navigateur monopolistique s'est donc mis à stagner, alors que tant de choses restent à inventer dans ce domaine : le Web n'a encore qu'une douzaine d'années ! Pendant ce temps là, le spyware, le phishing, les virus, les pop-ups, le spam se sont développés comme jamais, et l'expérience utilisateur s'est progressivement dégradée.

Notre objectif est double : d'une part, apporter un navigateur et une messagerie modernes à tous les utilisateurs, qu'ils soient sous Windows 2000, XP, Mac OS X ou Linux. D'autre part, pousser l'acteur dominant à sortir de sa léthargie et moderniser son navigateur, pour que tout le monde en profite. Avec l'avancement de la sortie d'IE7 (seulement disponible pour XP Service Pack 2, soit une petite minorité d'utilisateurs), ainsi que l'annonce qu'il devrait s'améliorer en terme de support des standards, est une excellente nouvelle. Je suis persuadé que si Firefox n'avait pas connu un tel succès, Microsoft en aurait fait beaucoup moins, tant au niveau des standards qu'en terme de dates de disponibilité. On remarquera aussi que dans notre approche visant à rétablir le choix et la concurrence sur Internet, les navigateurs Opera, Safari (Apple) et Konqueror (Linux) sont plus des alliés que des concurrents.

JB - Tristan NITOT, je vous remercie.
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