Un FAI a-t-il intérêt à devenir MVNO ?

04 novembre 2004 à 00h00
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Consultant chez Greenwich Consulting, Marc-Antoine Franc s'interroge sur l'opportunité pour un fournisseur d'accès internet de devenir opérateur mobile virtuel

Le développement de l'Internet mobile, l'arrivée des services 3G mais aussi l'entrée sur le marché des MVNO poussent les FAI à s'interroger sur la possibilité de fournir eux-mêmes des services mobiles. L'arrivée de technologies nouvelles sur le marché (Wi-fi, Voix sur IP, ...) laissent à penser que les leviers de croissances des FAI existent, mais sur un marché déjà concurrentiel où les opérateurs mobiles veulent aussi leur " part du gâteau ".

Le contexte politique et économique est favorable à l'entrée des FAI sur le marché des MVNO

· Les infrastructures sont là... place désormais au marché des services mobiles. Après avoir investi lourdement pour déployer leurs infrastructures et leur réseau, 3 opérateurs historiques se partagent aujourd'hui le marché de la téléphonie mobile en France : Orange 48,3%, Bouygues 16,3% et SFR 35,4% (sources ART - Observatoire Juin 2004). L'intérêt est donc limité pour de nouveaux acteurs à implanter des infrastructures réseaux complètes. En revanche le marché des services mobiles reste juteux et en plein développement avec l'arrivée des services 3G. D'autres marques et acteurs souhaitent donc se positionner sur ces services en devenant Opérateurs Mobiles Virtuels (MVNO).

· Le cadre réglementaire est favorable au développement des MVNO. Sur les marchés jugés peu concurrentiels, le nouveau cadre réglementaire européen autorise les régulateurs (comme l'ART), sous certaines conditions, à forcer les opérateurs mobiles à ouvrir leur réseau aux MVNO. La France est l'un des marchés les plus exposés, avec un régulateur sensible aux revendications des consommateurs et des candidats MVNO actifs, comme Tele2 ou 9Telecom. Depuis le 23 juillet 2004, l'ART est compétente pour imposer aux opérateurs mobiles puissants, la mise en œuvre d'offres d'accès pour des MVNO potentiels. Elle détient un pouvoir de sanction auprès des opérateurs si les torts sont avérés sur un litige.

Le FAI n'entre pas en terrain inconnu parmi les opérateurs

· Un métier semblable avec des services identiques... la mobilité en plus ! Le FAI gère déjà la fourniture d'accès data sur un réseau fixe. Il maîtrise les problématiques de sécurité ou d'acheminement du contenu mais aussi la gestion du client et des offres, notamment pour les services Entreprises même si on n'atteint pas le même degré de complexité que les services mobiles dans la configuration des offres. A ce niveau, les FAI ont donc la possibilité de capitaliser sur leur savoir-faire et leur SI existant.

· Un parc de clients adressable non-volatile. Fin 2003, on recensait 3 millions de lignes ADSL actives (2 fois plus qu'en 2002, source Point-topic), soit autant de clients qui payent des factures tous les mois. La clientèle est globalement peu volatile car les abonnements, à l'instar des opérateurs mobiles, s'engagent sur la durée avec des frais de résiliations généralement non négligeables.

· Un réseau de distribution adapté. Les FAI ont les moyens de distribuer efficacement des offres mobiles via le réseau déjà en place : en adressant le marché Entreprise en vente directe ou via des installateurs et revendeurs privés, ou en attaquant le marché grand public via la distribution indirecte (grandes surfaces...). Les FAI n'ont pas de nouveau système de distribution à mettre en place, à la différence d'autres MVNO, qui doivent mettre en place intégralement leur réseau de distribution.

· Des compétences en terme de support technique. La complexité ou la technicité de certaines offres rend le support technique déterminant pour la satisfaction client et pousse même certains opérateurs mobiles à externaliser ce support à des sociétés spécialisées. Les offres data mobiles par exemple requièrent une forte expertise à tous les niveaux : avant-vente (compatibilité avec le terminal le PC ou PDA), installation et après-vente (support). Le FAI maîtrise ces étapes de commercialisation de vente et de suivi déterminantes dans la conquête et la fidélisation des clients. Les FAI ont donc une carte à jouer grâce à leur maîtrise des produits et de la relation client notamment en terme de support technique.

Vers une nouvelle gamme de services complémentaires...

· Un accès Internet à la maison et en mobilité possible. L'augmentation des ventes de PDA, SPV... montrent l'intérêt croissant pour les terminaux mobiles sophistiqués et les assistants personnels du type Treo ou Palm. L'usage et la vente de ces "extensions du PC portables" devraient être boostés par le multimédia mobile. C'est donc l'occasion pour les FAI d'attaquer le Grand Public avec ces outils déjà commercialisés à grand renfort de publicité depuis fin 2002 par Orange puis SFR. Dans les entreprises, les perspectives de croissance de PDA restent relativement faibles. Sur ce marché, les FAI misent beaucoup sur les extensions du VPN (Virtual Private Network) aux entreprises notamment pour relier les sites distants de leurs clients via les technologies de boucle locale type ADSL, LS, RNIS...Les offres de services mobiles leur permettront également de connecter le personnel itinérant, VRP, commerciaux, en complétant leurs offres avec le GPRS et l'UMTS.

· Les FAI proposent déjà des offres de téléphonie attrayantes. La Voix sur IP (VoIP) est une alternative importante à la téléphonie fixe classique car elle abolie la notion de distance voire la notion de durée. Les offres de téléphonie illimitée (via la voix sur IP) se multiplient chez les fournisseurs d'accès, en complément des offres Internet haut débit et parfois des offres TV (cf. Offre "Triple Play" de et de Free). Ces offres permettront d'attirer d'autant plus les futurs clients fixes+mobiles à des prix intéressants.

... et un vrai bénéfice client

· Un opérateur et une facture Télécoms uniques. Les consommateurs se perdent avec un nombre trop important d'acteurs et de marques avec des services qui se superposent voir se confondent. Une partie du grand public pourrait se tourner vers un opérateur unique pour ses services de téléphonie fixe ou mobile ainsi que son accès Internet à la maison ou en mobilité. Sur le marché des Entreprises, un opérateur unique permettrait aux clients de mieux gérer ses consommations en simplifiant les offres, réduisant le nombre d'interlocuteurs et le nombre de factures. Les entreprises attendent aussi une simplification de la tarification, de la facturation et surtout un travail d'accompagnement de l'opérateur.

Mais le marché manque encore de maturité

· Les services d'Internet mobile peinent à décoller sur le grand public... Alors que les services WAP sur les GSM n'ont pas rencontré le succès escompté, à cause de l'ergonomie et la lenteur d'accès, rien ne laisse présager une véritable explosion des services data sur le Grand Public. L'Internet mobile peine encore à se développer. Bouygues Telecom annoncent 250 000 abonnés à l'i-mode. Mais pour quel usage et surtout quel revenu ?

· ... et la peur de l'opérateur unique règne. Les 3 opérateurs mobiles souffrent déjà d'une image relativement négative en terme de politique tarifaire et de système de paiement vis-à-vis de leurs abonnés. Le concept d'un opérateur unique fixe+mobile ne viendrait-il pas renforcer le sentiment de dépendance que peut avoir le client final ?

Les opérateurs mobiles ont les cartes en main

· Ils sont maîtres du jeux... Les opérateurs ne prendront pas le risque de façon proactive de signer des accords qui cannibaliseront leurs produits. Malgré certaines contraintes réglementaires, ils évalueront avec beaucoup de précaution les candidats qui souhaiteront devenir MVNO sur leur réseau en privilégiant la logique de dynamique globale du marché et la création de valeur pour tous les acteurs.

· ... et maîtres des coûts. Les opérateurs n'ont pas l'obligation pour le moment de vendre à prix coûtants, ces derniers étant d'autant plus difficile à établir. Beaucoup de différends opposent d'ailleurs les associations de consommateurs aux opérateurs sur le prix de revient du SMS par rapport à son prix de vente. Etablir le coût de revient d'une minute de communication (voix ou data) à refacturer au MVNO risque d'être aussi difficile et sujet à polémique. La logique de facturation qui consiste pour l'opérateur mobile à ajouter une marge sur le prix coûtant (ou « Cost Plus »), semble donc écartée. Les opérateurs s'orientent davantage vers une logique de « Retail Minus » qui consiste à évaluer et appliquer une réduction sur le prix de vente au consommateur final dans le calcul du prix à refacturer au MVNO.

Les opérateurs mobiles ont une longueur d'avance sur l'accès Internet mobile...

Les opérateurs mobiles (SFR et Orange) sont les premiers à déployer des bornes WI-FI sur des zones étendues et commencent déjà à investir le marché de l'Internet mobile avant même l'arrivée de la 3G. Cela reste pour le moment un marché de niche. Avec ce type de services, les FAI n'adressent par ailleurs que le domicile de l'abonné. Impossible de dire s'ils seront vraiment en mesure d'adresser le marché au-delà des foyers en déployant des bornes sur des zones étendues. Pour le moment, ce sont les opérateurs mobiles qui gardent la maîtrise du déploiement de réseau.

... et sont déjà sur les rangs pour le marché du fixe.

Deux acteurs sont sur les rangs : Bouygues Telecom préparerait une offre ADSL pour la rentrée 2004, potentiellement couplée avec son offre de téléphone mobile. Si cette information se vérifie les concurrents sont susceptibles de lui emboîter le pas. Le groupe France Telecom, qui joue sur le fixe et le mobile, a déjà intégré les services data d'Orange (GPRS, Wi-Fi, et bientôt la 3G) à ses offres fixes avec l'offre "Business Everywhere" pour les entreprises. Mais la convergence et les offres intégrées n'existent pas encore sur la voix.

CONCLUSION : Les services data entreprises sont le nouvel eldorado !

Pour les FAI qui adressent à la fois le marché Entreprise et le marché Grand Public, la question du segment concerné par des offres mobiles est majeure. Le marché Grand Public semble prometteur en terme de croissance et de besoin, mais peut finalement s'avérer réfractaire à l'entrée de nouveaux acteurs. Le marché Entreprise semble a priori moins risqué avec une demande forte sur les services data en mobilité. Avec 50.000 entreprises et 3 millions de lignes mobiles, ce secteur ouvre des perspectives particulièrement juteuses aux services data entreprises avec l'émergence de la 3G. Le rôle de l'UMTS pourrait être cantonné à ses débuts au transfert de données via les "
data cards" (carte contenant une carte SIM que l'abonné insère dans son PC). SFR a lancé la carte VMCC (Vodaphone Mobile Connect Card) 2,5 et 3G, suivi récemment par Orange avec la commercialisation de sa PC Card. Même si ce type de cartes n'est distribué qu'à quelques milliers d'exemplaires seulement, elles promettent de devenir un service phare dans les services data Entreprises. Là encore, la concurrence risque d'être vive entre les opérateurs fixes et mobiles. 9 Telecom sera probablement pionnier sur ce secteur parmi les opérateurs fixes... A suivre donc de très près.

Marc-Antoine Franc
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