Stanislas HINTZY, OD2 :" Avec le Peer-to-peer, l'industrie du disque est en danger"

26 mars 2003 à 00h00
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JB - Stanislas hintzy, bonjour. En quelques mots, pourriez vous présenter votre parcours ?

SH - Je suis issu d'une école de commerce. Après une expérience en conseil en organisation et une dans le monde de la publicité, j'ai décidé de partir aux Etats-Unis pour obtenir un MBA. J'ai complété cette formation avec des études d'ingénieur du son puis j'ai rejoins l'industrie du disque avec successivement un activité de journaliste, de responsable international dans différents labels (dont Boucherie Productions) pour enfin rejoindre OD2 en Avril 2001. On peut dire que j'ai un triple profil : managérial, technique et musical.

JB - Comment peut-on définir OD2 ? Un serveur musical crée par Peter Gabriel ?

SH - OD2 (OnDemand Distribution) est le leader européen dans la distribution en ligne de musique.

JB - Qui sont les partenaires d'OD2 en France ? Pourquoi avoir opté pour un mode de commercialisation uniquement indirecte ?
SH - En France, OD2 travaille avec des fournisseurs d'accès comme Wanadoo et Tiscali, des portails comme MSN.fr et MTV.fr et des e-marchands comme la FNAC et Alapage.

Nous avons opté dès le début pour un modèle BtoB, dans le cadre duquel nous facturons à nos clients des frais de mise en place de la marque blanche et à qui nous rétrocédons une commission sur les ventes. Ce modèle nous permet d'économiser les frais liés à la création d'une marque et à la création de trafic.

JB - Comment expliquez vous que des "vendeurs de CD" comme Wanadoo (alapage) ou la FNAC aient décidé de travailler avec vous plutôt que de développer leur propre solution ?

SH - Le marché du téléchargement musical est encore à un stade embryonnaire. Ni les technologies, ni les modèles économiques ne sont mûres et il faut encore compter avec la concurrence des solutions PtoP pirates. Face à cette situation, très peu de sociétés disposent des moyens et même de la volonté de se lancer sur un marché aussi difficile et préfèrent travailler avec OD2 pour tester le marché.
Si le marché décolle, ces sociétés changeront peut-être de stratégie mais nous pourrons toujours collaborer avec eux pour fournir de la technologie ou partager notre savoir-faire.

En attendant, OD2 ne craint pas la concurrence. Au contraire, elle permettrait certainement de développer le marché.

JB - Le téléchargement musical pirate est une application très répandue mais qui ne génère aucun revenu. Quelle est votre estimation de cette pratique ? Quelles sont vos prévisions commerciales pour votre solution légale et payante ?

SH - Il est difficile de répondre à cette question mais l'industrie du disque estime que pour 1 disque vendu, il existe entre 1 et 2 disques piratés, par CD vierge ou par internet (MP3 pirate). Au dernier Midem, à Cannes, l'industrie musicale a évalué le recul de ses ventes en 2002 de 15 %. Notre secteur est donc en grand danger.
En France, près d'un habitant sur 3 est un internaute et on estime que 40% de ces internautes télécharge illégalement de la musique. Cela signifie que plus de un français sur dix est un pirate ! Cela donne une idée de l'ampleur du phénomène...

Sur le plan commercial, nous ne fournissons encore aucun chiffre. T
Toutefois, nous sommes convaincus que le marché est prometteur. Selon nos études, plus de 50% des internautes sont prêts à payer et le prix n'est pas forcément un problème, sauf pour le téléchargement à l'unité qui reste encore trop cher.

JB - Napster ou Kazaa ont popularisé le téléchargement musical. Selon vous, quel mécanisme poussera les internautes vers les solutions légales et payantes ? la peur du gendarme ou la qualité du service ?

SH - La qualité de service sera une obligation et je pense qu'on en est pas très loin. En matière de répression, la balle est dans le camp des pouvoirs publics ou des maisons de disque. L'idéal serait un système de filtre mais à ma connaissance, aucune solution technique n'est satisfaisante. La seule évidence, c'est que la piraterie ne peut pas continuer car les revenus de trop de gens sont en jeu.

JB - Combien de titres avez vous à votre catalogue ? Quelles sont vos ambitions ?

SH - OD2 propose aujourd'hui 160.000 titres en téléchargement et nous disposons d'un potentiel de 320.000 titres une fois que nous aurons intégré l'ensemble des catalogues auxquels nous avons accès. Nous avons signé récemment avec Universal Europe et Sony Music UK. Les discussions continuent en France.

En Grande-Bretagne, nos accords nous permettent de proposer entre 70% et 80% du top des ventes d'album. Nos clients recherchent majoritairement des morceaux récents. En France, cela pose d'ailleurs un problème car des artistes comme Eminem ou Jenifer (Universal) ne sont pas encore disponibles chez nous, ce qui pousse peut-être certains internautes à rechercher une alternative sur les sites pirates.

Par contre, nous n'avons pas constaté d'engouement pour de vieux morceaux de musique. Internet est peut-être plus proche de la radio interactive que du magasin de disque traditionnel.
JB - En matière de DRM et d'encodage, vous avez opté pour la solution de Microsoft. Quels avantages dispose t'elle par rapport à Helix de RealNetworks ou au MP3 pro de ?

SH - Lors du lancement d'OD2, nous avons avant tout cherché la meilleure solution de DRM. Nous avions alors le choix entre celle de Microsoft, celle de Liquid Audio, celle d'intertrust et celle de Preview. La solution de Microsoft nous a semblé la plus fiable et bénéficiait du parc installé de millions de lecteurs WindowsMedia players. Il se trouve également qu'aujourd'hui, c'est la seule à encore exister !

A l'époque, Microsoft ne dissociait pas DRM et codec de compression, ce qui explique l'adoption de ce format. Nous pourrions éventuellement en adopter un autre si le marché le réclamait mais il se trouve que la division de Microsoft a fait un excellent produit et que nous nous félicitons de ce partenariat. Nous travaillons actuellement à la conversion de notre catalogue au format WindowsMedia 9.

JB - Peux t'on dresser un premier bilan des Digital Download Day ?

SH - Nous avons observé un décuplement du trafic et un accueil positif des internautes et des partenaires web. C'est aussi l'occasion de relancer le débat sur le piratage musical et d'essayer d'y trouver une solution. Plutôt que de brandir le bâton du gendarme ou de pleurnicher, OD2 montre que l'industrie de la musique peut apporter des solutions constructives pour tous.

JB - Que pensez vous de vos homologues américains PressPlay ou MusicNet ?

SH - Nous aimerions bien avoir le même nombre d'employés ! :-) Plus sérieusement, leurs lancement aux Etats-Unis nous ont fait beaucoup de bien car ils ont eu un effet pédagogique extraordinaire, en particulier vis à vis de leurs actionnaires qui sont majoritairement des maisons de disque. Ce que nous cherchions à leur expliquer est enfin devenu pertinent.

Ces distributeurs entendent rester aux Etats-Unis et OD2 restera en Europe. Nous avançons de concert et nous trouvons souvent des réponses proches aux questions que soulève cette activité.

JB - Le journal du Net affirme que les fournisseurs d'accès vont lancer leur propre solution de téléchargement musical. Êtes-vous liés à ce projet ?

SH - C'est une extrapolation un peu rapide de la part d'un journaliste qui a confondu la "plate-forme de négociation des fournisseurs d'accès" vis à vis de la SACEM avec une véritable plate-forme technologique dédiée aux téléchargements.

JB - Les réseaux UMTS ou WiFi commencent à se déployer partout dans le monde. Peut-on accéder à OD2 sur un mobile ? Travaillez vous avec les opérateurs cellulaires ?

SH - Nous avons réalisé quelques essais avec Orange mais, autant le marché de la musique sur le web n'est pas encore mûre, autant le marché de la musique sur les mobiles est inexistant pour le moment. Je pense que nous allons donc encore attendre un peu.

JB - La société OD2 va t'elle se concentrer sur la musique ou pourriez vous élargir votre offre à la vidéo, ebook ou aux jeux ?

SH - "a bit is a bit", nous pourrions donc tout faire et je crois que c'était l'ambition de nos concurrents. Mais notre société est composée aux deux tiers de techniciens et pour un tiers de personnes issues de l'industrie musicale. Nous resterons donc liés à la musique même si nous n'excluons pas d'ajouter à notre catalogue des vidéos musicales comme des clips ou des concerts.

JB - Souhaitez vous ajouter quelque chose ?

SH - Le marché est dur mais je reste optimiste pour le long terme. J'invite donc les internautes à découvrir les digital download days sur 21mars.net et bien sûr à s'inscrire aux music-Clubs de nos partenaires !

JB - Stanislas HINTZY, je vous remercie.
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