Yves BAYARD : Responsable Commerce Électronique aux 3 Suisses

23 mars 2000 à 00h00
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Acteurs traditionnels de la vente par correspondance, les 3 Suisses ont naturellement élargit leur activité à l'Internet. Yves BAYART, le "monsieur e-commerce" du groupe, a bien voulu répondre à nos questions dans un contexte marqué par l'apparition d'u

JB - Monsieur Bayart, bonjour, en quelques mots, pourriez vous vous présenter ?

YB - Bonjour. Je suis chargé de la télématique, des nouveaux médias et du Commerce Électronique pour le Groupe 3 Suisses. De formation juridique, je suis entré aux 3 Suisses pour m'occuper du crédit à la consommation.. J'ai été responsable des Relations Clientèle : interface entre les directions, Achats, Marketing et Service Clientèle. A ce titre, j'ai eu la responsabilité de tous les supports de communication automatique.

JB - Quel volume représente la VPC en France ? Quelle est la part de marché des 3 Suisses ?

YB - Seule la fédération des entreprises de vente à distance pourrait vous répondre précisément mais on peut estimer le volume de la VPC à 5% du total des ventes de détail. Les 3 suisses se classent deuxième, derrière la Redoute du groupe PPR. Nous touchons près de 10 millions de foyers dont 100 000 sur le web et ce chiffre est en constante augmentation.

JB - Quel part de vos transactions réalisez vous par minitel et par le web ? Croissance ou simple cannibalisation ?

YB - Bien que le rythme de croissance soit élevé, les transactions par Internet ne représentent que 1% de notre chiffre d'affaires. Les ventes par minitel pèsent entre 15 et 20% de notre CA mais devraient être cannibalisées par le web d'ici 5 ans. En outre, les ventes par téléphone représentent près de 40% de notre chiffre d'affaire. Le canal traditionnel du courrier en papier est donc désormais minoritaire. Au delà de la substitution annoncée du papier par tous les canaux passant par le téléphone, l'un des plus gros enjeux est d'adapter notre activité à un rythme plus court. Nos 7 millions de catalogues papiers suivent un rythme saisonnier alors que des catalogues électroniques sont en mesure d'adopter des rythmes différents. On peut être beaucoup plus réactif, notamment vis à vis de la météo ou proposer des versions personnalisées en fonction de nos clients.

JB - Pensez vous que l'on puisse tout acheter par correspondance ou le Net n'est-il qu'une étape dans le processus d'achat de certains biens ?

YB - Je pense qu'il faut être raisonnable quand on parle de commerce électronique. Le Net ne remplacera pas le lèche vitrine et le plaisir que l'on peut éprouver en se baladant dans une rue piétonne. En outre, il ne faut pas négliger que le commerce est avant tout une affaire de confiance entre un marchand et un consommateur. Ainsi, toute entreprise de vente par correspondance doit savoir qu'elle sera exposée à des appréhensions tout à fait légitimes, dès lors qu'elles demanderont des informations telles qu'un numéro de carte bancaire, à leurs clients. Il faudra en outre investir massivement dans la logistique, proposer l'échange de produits et s'appuyer sur une présence physique pour rassurer le consommateur. Voyez l'exemple de la banque directe de Paribas qui a du mal à décoller. Il faut allier le physique et le virtuel, le "click and mortar" comme disent les américains. C'est important que ce soit un livreur des 3S qui vous livre votre commande. C'est son sourire qui contribue à créer la confiance et à fidéliser votre clientèle. Par contre, le Net est un formidable outil de comparaison de prix qui redonne un statut de négociateur au consommateur. Mais il faudra toujours une présence physique au moment de la prise de commande pour des biens importants comme des automobiles par exemple.

JB - Comment expliquez vous que les 3 suisses ne soient pas, aux yeux de l'opinion, assimilée à une net compagnie alors que vous exercez fondamentalement le même métier qu'un certain nombre de start-up "à la mode"

YB - Vous avez raison de souligner que beaucoup de ces société ne font pas grand chose d'autre que de réinventer la vente par correspondance. Pour des professionnels de la VPC comme les 3S, le Net n'est qu'un nouveau canal de distribution, après le courrier, le téléphone et le minitel. Nous pensons néanmoins que beaucoup de ces jeunes sociétés ont tout à apprendre dans ce métier et que les pionniers n'en sont encore qu'en phase d'apprentissage. Bien qu'elles dépensent beaucoup d'argent en communication, elles devront investir encore beaucoup plus dans le référencement, la logistique et la relation client. N'oublions pas qu'avec près de 100 000 clients, nous sommes probablement le premier site français de commerce électronique. Cette nouvelle concurrence nous pousse à toujours améliorer notre service et il n'est pas impossible que les 3S deviennent un prestataire de service pour des start-up qui voudraient bénéficier de notre réseau logistique par exemple.

JB - Comptez vous vous développer vers les produits culturels et en particulier sur la vente de produits immatériels par téléchargement

YB - Le site des 3S baptisé "3suisses boulevard" a une vocation de portail commercial généraliste. Nous proposerons donc une activité dédiée à la vente de produits culturels mais probablement avec un partenaire spécialisé. N'oublions pas que notre principal concurrent s'appelle La Redoute, le "R" du groupe PPR, propriétaire de la FNAC, spécialisée sur ce terrain.

JB - Que pensez vous des nouveaux modes d'affectation des prix : Enchères, achat groupé, enchères inversées...

YB - Je trouve cela très intéressant car c'est une forme de retour au sources de la relation marchande, avant les "prix uniques" ou les "mono prix". Le Net rend la chose plus facile et plus ludique. On redonne la parole aux consommateurs et aux industriels avec un meilleur partage de l'information commerciale. Néanmoins, ces ventes à prix variable posent un problème aux 3S qui produisent des catalogues papier avec un prix de référence. Nous ne souhaitons pas déstructurer notre réseau commercial actuel mais nous proposerons sans doute quelque chose sur notre site internet pour des produits excédentaires ou de l'avant vente par exemple. Néanmoins, il faut faire la part des choses entre le côté ludique de l'achat groupé par exemple, et le risque de perdre un besoin d'individualité. Le consommateur n'a pas envie d'avoir le même produit que son voisin. La valeur reste associée au sentiment d'exclusivité. Il faut donc pouvoir associer les économies d'échelle d'une centrale d'achat avec une relation personnalisée entre le produit et le consommateur.

JB - Vous disposez d'une clientèle très importante. Comptez vous avoir recours à des points de fidélisation comme le beenz pour conserver des clients de plus en plus sollicités par de nouveaux concurrents ?

YB - Nous disposons déjà de la carte 4 étoiles pour fidéliser notre clientèle et nous observons avec attention l'émergence de ce type de solution de fidélisation multi enseignes. Outre le Beenz, nous nous demandons si ce n'est pas l'unité téléphonique qui pourrait se substituer aux monnaies traditionnelles. des expériences très intéressantes ont déjà eu lieue en Finlande.

JB - Compte tenu des difficultés rencontrées par les moyens de paiement traditionnels sur le Net, on commence à observer des rapprochements entre organismes financiers et opérateurs télécoms pour proposer des factures uniques. Y avez vous songé ?

YB - Il est très tentant de rapprocher ces deux métiers mais nous restons persuadés qu'ils sont tout de même très différents. De toutes les façons, la CNIL verrait ça d'un très mauvais œil et les opérateurs seraient obliger d'apprendre un métier de gestion du risque et de la trésorerie assez éloigné de leur activité traditionnelle. Néanmoins comme je l'ai dit, l'unité téléphonique pourrait devenir un monnaie de paiement. Avec la téléphonie mobile, les français apprennent à gérer un budget de minutes de communication, tout comme ils gèrent un compte en banque. Nous devrons donc continuer à élargir notre palette de moyens de paiement comme nous le faisons actuellement avec ITI achat d'Itineris, Mobiplus de BouygTel et bien évidemment CyberComm.

JB - Les 3 suisses sponsorisent depuis longtemps les expérimentations de réalité virtuelle (batru, 2M, Archinet,...). Vous pensez que le succès de la VPC passe par l'amélioration des interfaces homme / machine ?

YB - Disons que les 3S manifestent de l'intérêt pour l'ensemble des applications issues des haut débit. Pour l'instant, le Web reste assez proche d'un catalogue et nous cherchons à comprendre ce que pourra être le comportement du consommateur dans ces nouveaux environnements. nous sommes attentifs à des application comme l'imagerie en 3 dimensions pour mieux visualiser un produit. Nous essayons aussi de réfléchir à des outils d'accompagnement du consommateur comme la "co-navigation" ou "l'assistance téléphonique IP" pendant l'acte d'achat ou pour un service d'après vente par exemple. La généralisation des réseaux cellulaires entraîne l'apparition d'une forme de consommation "TGV" à laquelle les réseaux à haut débit devront pouvoir répondre. Outre la montée en puissance du Net, nous misons beaucoup sur les centres d'appels téléphoniques. A l'avenir, les consommateurs exigeront une service consommateur irréprochable avec des horaires d'ouverture de plus en plus larges.

JB - A quoi ressembleront les 3 suisses en 2010 ?

YB - En 2010, le Net sera devenu aussi banal que le réseau électrique et la convergence des réseaux numériques aura profondément modifié notre relation aux objet et au choses. Les 3S sauront s'adapter à cet environnement en proposant de plus en plus de services immatériels périphériques à la consommation comme les services financiers ou des guides d'aide à l'achat. Je pense que nous serons en mesure d'offrir des solutions clé en main pour nos clients. En outre, nous aurons modifié notre activité d'édition de catalogue en proposant des services plus personnalisés et plus interactifs, mêlant papier et électronique. Enfin, nous aurons élargit notre périmètre d'activité vers le BtoB et en étant incubateur de start-up.

JB - Monsieur Bayart, je vous remercie.

Entretien réalisé en février 2000 par Jérôme BOUTEILLER
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