Live Japon : les merveilles de l'électro mobilité

15 novembre 2008 à 00h05
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Qui sera dans 20 ans le numéro un mondial des robots d'assistance et des modes de locomotion pratiques et écologiques les plus efficients en fonction des distances? On parierait ici volontiers pour un groupe automobile japonais, mais lequel?

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Honda, aussi connu pour ses scooters et motos que pour ses voitures, conduit des recherches incessantes dans le champ de la robotique depuis des décennies, travaux qui donnent parfois lieu à la présentation d'innovations troublantes et pour le moins inattendues. Ainsi a-t-il dévoilé il y a quelques jours des jambes artificielles conçues pour soulager les humains dans leurs activités quotidiennes et au travail. Ces "pattes électroniques", contrôlées automatiquement par un micro-processeur, accompagnent les efforts fournis par l'humain pour marcher, grimper une pente, monter ou descendre des escaliers, se baisser puis se relever, travailler ou encore se divertir. "Notre objectif est de concevoir des technologies qui assistent l'humain dans sa vie quotidienne", résume un ingénieur de Honda, Jun Ashihara, un personnage pour le moins passionnant et surprenant.

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Bien que fragiles en apparence, les jambes mécatroniques articulées en question s'avèrent être de sacrées "béquilles", qui, selon les études effectuées avec plusieurs testeurs (hommes et femmes, au top de leur forme physique ou affaiblis), diminuent d'un cinquième environ les efforts à fournir. Ces paires de gambettes expérimentales, pas très sexy mais potentiellement bien utiles, ont déjà été répliquées à plusieurs exemplaires pour permettre aux chercheurs de multiplier les essais in situ afin d'améliorer leur ergonomie en fonction de la physionomie propre à chaque sexe et selon les applications.

Divers usages futurs sont déjà sérieusement envisagés. "Nous songeons notamment à leur emploi dans des centres de rééducation physique", précise M. Ashihara.

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Honda pense aussi, voire surtout, à une utilisation dans des usines où les ouvriers sont contraints d'effectuer des gestes répétitifs dans des postures éreintantes. Le groupe va donc tester très prochainement la pertinence de l'outil sur ses lignes de production d'automobiles, là où des individus sont sans cesse forcés de se se pencher et s'agenouiller pour inspecter les contours des véhicules. Pour mettre au point cet objet, le groupe a tiré un grand parti de ses recherches conduites depuis des lustres sur la marche humaine, travaux fondamentaux qui ont abouti en 2000 à la création du premier robot bipède humanoïde, Asimo, lequel a depuis appris à courir.

Honda n'en est pas à son premier appareillage du genre. Il a déjà présenté à plusieurs reprises un prototype fonctionnel d'un système d'assistance à la marche, une légère structure robotisée qui se fixe aux cuisses et permet à une personne affaiblie de se déplacer en minimisant ses efforts. Ce dispositif de moins de trois kilogrammes se présente sous la forme d'une sorte de harnais qui part du bas du dos et descend jusqu'à la moitié des cuisses. Un ensemble de capteurs permet de détecter la volonté du sujet de marcher, entraînant, par l'entremise d'un micro-processeur, la mise en route de micro-moteurs qui actionnent les barres le long des cuisses pour accompagner le mouvement au rythme idoine en réduisant les efforts musculaires requis. Tests à l'appui... ça marche.

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Les travaux de Honda rejoignent en partie ceux d'une jeune pousse japonaise, Cyberdyne, qui vient de lancer la production en série d'une structure robotique, HAL, elle aussi censée alléger le travail des muscles.

Plaqué le long du corps d'une personne, l'"Hybrid Assistive Limb" (membre de soutien hybride) lui donne des forces surhumaines. Cet exo-robot a été conçu par le professeur de l'Université de Tsukuba, Yoshiyuki Sankai, également fondateur et PDG de Cyberdyne. HAL est notamment destiné aux assistants médicaux et personnels de soins pour leur permettre de soulever facilement des personnes dépendantes. "Le moment est venu de mettre ce produit sur le marché", a récemment déclaré son concepteur.

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Alimentée par une batterie, la structure extérieure HAL, qui entoure le dos, suit les jambes et les bras, est bardée de capteurs. Ces derniers détectent le signal d'activation des muscles humains émanant du cerveau. L'ensemble se met alors en mouvement, grâce à des micro-moteurs, afin de prendre en charge une partie de la force musculaire requise pour porter une masse, se lever, s'asseoir, marcher ou monter des escaliers. Quelque 500 unités (production d'une année) seront dans un premier temps proposées en location aux hôpitaux et autres institutions médicales. "Cette technologie n'est utile que si elle est mise au service des hommes. Je refuse tout emploi à des fins militaires", a d'emblée précisé le professeur Sankai. Cyberdyne a conclu l'an passé un contrat avec le promoteur immobilier Daiwa House prévoyant une poursuite des développements techniques de HAL et son exploitation par Daiwa House dans ses centres de soins, maisons de repos, résidences, ou salles de sport. L'exo-robot est aussi un moyen de déculpabiliser les individus qui ont besoin d'être portés vis-à-vis de ceux qui les aident, dixit un handicapé.

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Le groupe Daiwa House, qui pense que le métier de bâtisseur n'a de réel avenir au Japon que s'il se conjugue à celui de prestataire de services, possède également un centre de recherche sur le vieillissement, notamment chargé d'imaginer des concepts et solutions pour rendre meilleur l'hébergement des personnes âgées. "Nous étudions aussi une possible utilisation de HAL sur les chantiers où les travailleurs doivent porter des charges importantes", complète un responsable de Daiwa House, Takashi Hama.

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Dans un registre un peu différent, mais avec la même ambition de faciliter la vie des gens, Toyota joue également sa partition, et pas seulement avec des robots humanoïdes trompettistes et violonistes, virtuoses adorés des caméras censés prouver les performances techniques accomplies.
Bien que malmené comme tous les constructeurs automobiles par la conjoncture économique pourrie, Toyota n'est pas aux abois, tant s'en faut. Il martèle en outre sa philosophie première: "pas question de sacrifier les budgets de recherche et développement". Priorité est certes donnée à la conception de voitures et aux technologies et composants afférents, mais le groupe consacre aussi des sommes croissantes à d'autres domaines, dont la robotique et la mobilité multimodale.

Dans ce registre, la dernière invention toyotiste inattendue en date se nomme Winglet. Il s'agit d'un nouvel engin pour simplifier et rendre plus rationnels les déplacements unipersonnels dans les rues, les gares, les aéroports, les centres commerciaux ou autres vastes lieux publics. Sorte de trottinette motorisée high-tech, le Winglet se présente sous la forme d'une petite plate-forme à deux roues parallèles, avec une partie verticale à coincer entre ses chevilles (modèle S), entre ses jambes (modèle M), ou un manche à guidon à tenir à la main (modèle L).

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Non, ce n'est pas une copie japonaise du Segway américain. Si le concept est effectivement en partie comparable, le Winglet se révèle autrement plus compact, plus léger plus maniable, plus précis, plus grand public, et plus sûr dans les zones d'affluence. Il est en outre plus adapté au marché japonais puisqu'il passe partout. Il apparaît en revanche peu pensé pour les Américains, puisqu'il n'admet que des individus mesurant moins de 1,85 m et pesant moins de 100 kg (la taille minimale recommandée est 1,5m et la masse corporelle doit être supérieure à 35 kg pour que l'objet détecte correctement les forces exercées). Le Winglet, sur lequel le passager se maintient en posture debout, enferme un petit moteur électrique, une batterie, des capteurs et plusieurs innovations technologiques pour garantir une manipulation aisée et sûre. Le prototype du modèle le plus facile à manier (celui qui comporte un manche et des poignées) peut même dans l'absolu intégrer un terminal d'information et de localisation, à coup sûr le téléphone portable.

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La plate-forme mesure 26,5 centimètres de long et 50 cm de large. Ne pesant qu'une dizaine de kilogrammes, le plus petit modèle se plie et peut se porter comme un sac-à-main pour prendre le train ou le métro. Il peut parcourir des distances de 5 à 10 kilomètres, selon les versions, et avancer sur une pente à 20 degrés sans que le passager se rende compte qu'il grimpe. " La charge totale de la batterie nécessite deux heures et confère une autonomie de 30 km environ ", précise un responsable d'un site d'essai de Toyota, Tomio Tsukagoshi. Selon Toyota, le "Winglet", encore au stade expérimental, se veut un véritable futur nouveau mode de locomotion. Peu rapide (6 km/h), il est d'abord pensé pour permettre aux piétons d'allonger les distances de déplacement sans fatiguer, pour donner à ceux qui ont des difficultés à marcher la possibilité de retrouver une certaine autonomie et pour offrir aux personnes très mobiles par obligation une nouvelle solution afin de mieux combiner les modes de transport sans perdre de temps.

Le grand public est parfois invité ici ou là à tester le Winglet une dizaine de minutes par personne. "Nous allons effectuer de nombreux essais avec un maximum d'individus pour recueillir autant d'avis divers", précise M. Tsukagoshi.

Après une brève démonstration des fonctions et de la liberté de mouvement que donne l'objet, les candidats se pressent généralement pour grimper dessus: tirage au sort pour départager. Par ailleurs, les mineurs, les obèses (plus de 100 kg), les trop maigres (moins de 35 kg), les personnes en état d'ébriété, les chauffards (sans permis de conduire en bonne et due forme) ne sont pas autorisés à expérimenter la machine. Chez Toyota, on ne plaisante pas avec la sécurité. Se conformant à presque tous les critères discriminants, l'auteur de ces lignes a exceptionnellement pu tester ledit Winglet. La prise en main s'effectue en un rien de temps, en suivant scrupuleusement les indications des techniciens de Toyota.

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Pour avancer, il suffit de se pencher légèrement en avant, la vitesse étant fonction de l'inclinaison. Pour tourner, plusieurs possibilités sont proposées. Si l'on veut faire une rotation sans avancer, le plus simple est d'appuyer sur un bouton prévu à cet effet, ce qui ne nécessite aucun effort. Lorsqu'on avance ou recule, c'est au contraire en exerçant une force avec les jambes d'un côté ou de l'autre, tout en maintenant son corps droit, que l'on dirige le plus facilement l'engin à droite ou à gauche. Le principe est le même que lors d'une descente à skis. Grosso modo, en cinq minutes, tout le monde pige et commence à s'amuser à faire des tours de piste de plus en plus vite avec une adresse croissante.

La commercialisation est prévue en 2010, d'abord pour un usage en site fermé, et ensuite, une fois toutes les règles posées avec les autorités, en extérieur. Le prix ? Il n'est pas encore fixé, mais pourrait se situer aux alentours de 200.000 yens (1300 euros), selon M. Tsukagoshi. Toyota songe aussi à un service de location dans les gares, centres commerciaux ou aéroports. Il prévoit en outre de tester le Winglet dans ses vastes usines dans l'objectif futur d'y accélérer les déplacements et d'y doper la productivité.

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Ce nouveau mode de locomotion, qui a exigé une huitaine d'années de recherche, a été développé dans le cadre d'un projet plus vaste de "robots partenaires" lancé depuis plusieurs années par Toyota et entré récemment dans une phase plus concrète avec un budget plus conséquent. A noter enfin que le Winglet a été conçu sur la base de recherches initialement conduites par Sony, lequel a abandonné par la suite cet axe de développement pour se recentrer sur ses domaines de prédilection (électronique, audiovisuel).

Les chercheurs impliqués dans ces premiers travaux dans les laboratoires du géant de l'électronique sont désormais salariés de Toyota. Ce dernier est devenu le fer de lance japonais de ce secteur en gestation fortement poussé par les pouvoirs publics conscients que la société nippone vieillit vite et que la main-d'oeuvre agile va se raréfier (pour plus de détails sur ces recherches et sur la société nippone, lire "Les Japonais", essai paru aux éditions Tallandier).
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