Avez-vous le droit de refuser de déverrouiller votre smartphone face à la police ?

Vincent Mannessier
Publié le 08 novembre 2022 à 13h00
© Screen Post
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La Cour de cassation a censuré, ce lundi, une décision de la Cour d'appel de Douai qui donnait raison à un homme refusant de déverrouiller ses téléphones portables au cours d'une garde à vue.

Arrêté pour trafic de stupéfiants, un homme a refusé, en garde à vue, de livrer aux policiers les codes de déverrouillage de ses téléphones portables. Considérant que ceux-ci ont vraisemblablement été utilisés pour commettre des délits, la police le somme devant la justice de les remettre, ce qui entraîne une bataille judiciaire au cours de laquelle même les différentes cours appelées à trancher sur le cas ne parviennent pas à tomber d'accord.

Déjà relaxé à trois reprises…

Devant la justice, les policiers considèrent que le code de déverrouillage est une « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie ». Le refus de donner cette convention de déchiffrement, si elle est susceptible d'avoir été utilisée pour commettre un délit ou une infraction, est un délit passible de trois ans de prison.

Mais la version de la défense, qui a été validée à deux reprises devant le tribunal correctionnel de Lille puis la Cour d'appel de Douai, a refusé la qualification de « convention de chiffrement ». Pour ces deux cours, le code ne permet que d'accéder à un écran d'accueil et non pas à des données chiffrées, et ne peut donc pas être considéré ainsi.

… l'homme devra à nouveau être jugé

Mais la Cour de cassation, en 2020, réfute une première fois la décision, considérant que la cour d'appel de Douai a eu un jugement erroné et trop généraliste. La même Cour de Douai, chargée de rejuger l'affaire, ne change pas pour autant son interprétation des faits en 2021, et refuse de condamner l'homme. L'affaire se transforme alors en guerre de position juridique, puisqu'une deuxième fois ce lundi, la Cour de cassation censure la décision. Elle précise à ce moment la jurisprudence, expliquant que le code d'un téléphone portable peut systématiquement être considéré comme un moyen de cryptologie si « l’activation de ce code a[vait] pour effet de mettre au clair les données cryptées que l’appareil contient ou auxquelles il donne accès ».

L'homme devrait donc, une nouvelle fois, retrouver le banc des accusés. Et si la jurisprudence semble établie, le manque d'enthousiasme avec lequel certains magistrats la font appliquer ne clarifie pour l'instant pas vraiment la situation. Alors si vous ne voulez absolument pas que la police ait accès au contenu de votre téléphone, mais surtout si vous êtes prêt à vous lancer dans un marathon judiciaire, vos chances de gagner sont encore loin d'être nulles.

Vincent Mannessier
Par Vincent Mannessier

Rédacteur indépendant depuis des années, j'ai rédigé plus de 1.000 articles sur Internet sur une large variété de sujets. J'aime tout particulièrement écrire sur les actualités des réseaux sociaux et des GAFAM, mais les jeux vidéos et l'innovation numérique en général me passionnent aussi.

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Commentaires (10)
Remoss

Exemple criant de la lenteur d’adaptation de nos institutions…

gamez

Debloquer son téléphone? Permettre de savoir qui sont les complices? Vous êtes fou, on bafoue les droits de l’Homme quand on accède à l’écran d’accueil. :scream: :scream: :scream: :scream:

(certains on lu le commentaire au 1er degré donc j’ai ajouté des smileys pour les aider à comprendre que ce n’est pas à lire au 1er degré…)

pecore

Même face à une jurisprudence établie par les plus hautes instances voire carrément à des lois certains magistrats pensent que leur avis est plus important. Du style :« la loi c’est moi ».


C’est véritablement un problème car les juges sont intouchables pour des raisons d’indépendance de la justice et pour l’instant (presque) rien n’existe pour empêcher certains de faire prévaloir leur opinions personnelles par rapport au droit.

sylvebarbe78

En supposant que vous ayez une fille, cette dernière se fait violer par plusieurs individus et que la police désire connaître certaines relations d’un des violeurs arrêté. Accepteriez -vous que ce dernier refuse qu’on accède à son téléphone ???

serged

Bon, les flics peuvent fort bien consulter l’opérateur pour accéder à la liste des appels, des SMS…

Sinon, c’est quoi le code de « déblocage » ? Le déblocage de la SIM ou celui de l’écran d’accueil (qui peut être un shéma, une empreinte digitale, une empreinte vocale ou une identification visuelle) ?

Ccts

Que la loi française mette des bâtons dans les roues de ses propres enquêteurs c’est vraiment dommage et ça doit être particulièrement frustrant pour eux de voir ce mec acquitté et repartir tranquille avec son téléphone. Les lois doivent évoluer avec la technologie… Google a accès à plus d’infos aujourd’hui que les policiers qui enquêtent… bravo

keyplus

de la necessite de reformer le systeme judiciaire ubuesque
notament enlever l 'indépendance de la justice et des juges pour la petite criminalité et ne garder l indépendance de la justice que pour les affaires de corruption et faire élire ces juges par le peuple

Jiwe

J’espère que tu plaisantes …

Arcetnathon

Et pourtant le temps est indispensable pour juger ou porter un jugement eclairé.

ultrabill

Si je comprends bien on joue sur le rôle du code d’accès. S’il sert à déverrouiller le téléphone alors le suspect peut garder le silence. Si, en revanche, il sert à déchiffrer le contenu alors le suspect doit le communiquer.