TAFTA : Filippetti obtient et défendra l'exclusion de l'audiovisuel

17 juin 2013 à 18h31
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Le 14 juin dernier, le Conseil européen confiait le mandat de négociations à la Commission européenne dans le cadre d'un accord de libre-échange avec les États-Unis. Le texte exclut bel et bien l'audiovisuel du champ des négociations, comme le souhaitait la France et le Parlement européen. De quoi susciter de vives tensions avec la Commission européenne.

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Vendredi, le Conseil européen est parvenu à un accord pour donner mandat à la Commission de négocier avec les États-Unis dans le cadre du TTIP (Transatlantic Trade and Investments Partnership). Au grand bonheur d'Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, l'institution a respecté la position fermement défendue par la France depuis plusieurs mois, à savoir la suppression de l'audiovisuel dans le champ des négociations, afin de protéger « l'exception culturelle ».

Pour elle, cette exclusion était cruciale pour protéger une industrie qui emploie 6,7 millions de personnes en Europe. « Aujourd'hui, le système fonctionne très bien. Les Français peuvent aller voir des films américains s'ils le désirent, mais dans le même temps, ils peuvent profiter des oeuvres françaises et européennes parce que nous les protégeons, en fixant une programmation minimale ». Désormais, affirme-t-elle, « il ne faut surtout pas baisser la garde ».

Rappelons que ce texte suscite une certaine polémique, ses détracteurs estimant que TAFTA pourrait bien devenir un accord ACTA déguisé. Quand bien même l'audiovisuel serait exclu du mandat européen, tel que souhaité par le Parlement européen, ils craignent que l'accord de libre-échange ait des retombées très néfastes en matière de brevets ou encore de propriété intellectuelle.






Reste que l'exclusion de l'audiovisuel ne semble pas vraiment du goût de la Commission européenne, qui s'occupera de mener les tractations avec les États-Unis. Suite à la signature de l'accord, le commissaire Karel de Gucht a clairement laissé entendre qu'il comptait bien négocier tout de même sur ce point avec les américains. « Les services audiovisuels ne sont pour le moment pas inclus dans le mandat, mais il indique clairement que la Commission a la possibilité de revenir vers le Conseil dans le cadre de nouvelles directives de négociations », indique-t-il dans un communiqué.

Une position vivement critiquée par la ministre de la Culture, qui tenait ce lundi une conférence de presse sur le sujet. « Il fallait défendre l'exception culturelle sous peine de prendre le risque de voir l'industrie américaine laminer les créations françaises », s'est-elle justifiée. « Nous n'en démordrons pas. Pour que la Commission puisse négocier en la matière il lui faudra au préalable obtenir un nouveau mandat, soumis à la règle de l'unanimité. Nous nous y opposerons quoi qu'il arrive », a-t-elle ajouté, brandissant de nouveau la menace d'un veto français.

Pour Barroso, la position de la France est « réactionnaire »

Les eurodéputés socialistes français se veulent du coup très méfiants à l'égard de l'attitude de la Commission européenne. Dans un communiqué intitulé « Karel de Gucht : un commissaire à surveiller », l'élue Catherine Trautmann se dit ainsi « particulièrement choquée » par les propos de Karel De Gucht, qui déclare qu'il discutera audiovisuel avec les Etats-Unis. Et d'ajouter : « en tant que Commissaire il devrait respecter la démocratie et le droit : le Parlement européen d'abord, puis les membres du Conseil, ont exigé l'exclusion de la culture des négociations. De quel droit, avec quelle légitimité, peut-il ainsi revenir à la charge ? Je demande expressément à José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, de le rappeler à l'ordre : de telles paroles sont inacceptables ».

Reste que ce dernier n'a fait qu'amplifier la polémique, en critiquant vertement la position de la France sur ce dossier. Le président de la Commission européenne a ainsi affirmé : « Cela fait partie de ce programme antimondialisation que je considère comme totalement réactionnaire », a-t-il déclaré dans un entretien accordé à l'International Herald Tribune. Et d'ajouter que les défenseurs de l'exclusion de l'audiovisuel ne comprennent pas les bénéfices de la globalisation, y compris dans le domaine culturel.

La ministre, unanimement soutenue par les ayants droit et de nombreux artistes signataires d'une pétition visant à défendre l'exception culturelle, s'est dite « consternée ». « Ce sont des propos inacceptables, une attaque en règle envers la France et tous les pays qui partagent notre vision ». Pour elle, la Commission européenne « n'a jamais reçu la légitimité démocratique », à l'inverse du Parlement européen qui s'est exprimé en faveur de l'exclusion.

En ce sens, Aurélie Filippetti considère que la « Commission a échoué » et se trouve aujourd'hui « isolée dans sa logique ultra-libérale ». Et d'ajouter : « Notre position n'est ni défensive, ni conservatrice. Elle est au contraire résolument moderne, au service d'une Europe dynamique ». Voilà qui ne devrait pas réchauffer les relations souvent tendues entre la France et la Commission européenne.

De nombreux ayants droit et artistes étaient présents au cours de la conférence de presse de la ministre. Tous se sont félicités du mandat tel qu'il a été accordé à la Commission européenne. La Sacem dit ainsi accueillir cette décision avec un « profond soulagement » tout en saluant l'action et l'engagement de l'exécutif français sur le dossier. Même son de cloche du côté de la Scam, qui nuance cependant en promettant de « rester vigilante ». Avant même d'en connaître les tenants et les aboutissants, l'accord de libre-échange a au moins le mérite de faire ressortir les positions de chacun sur la question.
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