[Silicon Valley] Momindum : "Pour nous, la stratégie de l'éclaireur a été gagnante"

17 juin 2010 à 12h22
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Killian Aubert.
Momindum, société française spécialisée dans le rich media à la demande, s'est implanté il y a deux ans aux Etats-Unis, en empruntant une voie souvent décriée par les entrepreneurs de la Silcon Valley : l'envoi d'un collaborateur pour effectuer une veille avant implantation. Stratégie gagnante selon Killian Aubert, responsable du bureau de San Francisco, et Thierry Manissol, directeur de Momindum aux Etats-Unis et actionnaire de Momindum.

Bonjour Messieurs. La Silicon Valley est souvent vue comme l'Eldorado pour les startups étrangères, pourquoi avoir choisi de créer votre siège américain à Boston ?

Thierry Manissol Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord personnelles : lorsque j'ai rejoint Momindum en 2009, je suis tombé amoureux du projet. J'y ai donc investi, considérant que Momindum était né d'une vision innovante. Fournir du contenu et de la connaissance, essayer de changer le mode d'éducation des universités grâce au rich media... Et il se trouve que quand j'ai pris la tête de la division américaine de Momindum, j'étais déjà implanté à Boston depuis 1999. J'y ai un réseau auprès des entrepreneurs, des investisseurs...

Ensuite, il faut noter que sur le plan de l'organisation c'est intéressant d'être à Boston par rapport à San Francisco, ne serait-ce que parce qu'il y a seulement six heures de décalage avec Paris. Ca peut sembler un point de détail, mais il est primordial de combler le fossé culturel avec la France lorsqu'on souhaite s'implanter aux Etats-Unis. Et de ce point de vue, le décalage horaire important peut ruiner la santé et l'efficacité d'une entreprise.

Dernier point : Boston est la seconde Silicon Valley aux Etats-Unis. Il y aici un environnement hi-tech important, beaucoup d'argent, beaucoup de sociétés, des ressources humaines non négligeables et une cible importante, comme les régions de New-York, de Washington et de Philadelphie à proximité. C'est un centre économique au coeur du nord-est des Etats-Unis.

Killian Aubert C'est vrai que l'implantation à Boston nous aide beaucoup, même pour le bureau de San Francisco, car il nous faut souvent des retours de la R&D. Quand il faut passer par la France, avec le décalage horaire, ça augmente les délais, et donc ça diminue notre réactivité. Le bureau de Boston, entre les deux, permet une meilleure communication, et donc de meilleurs résultats. Quand j'étais seul, au début, j'avais souvent des questions techniques auxquelles je devais répondre, et ça prenait trop de temps. C'est un grand avantage d'avoir trois bureaux.

TM J'ajouterai que l'écosystème de Boston est différent, et nous permet de toucher beaucoup de startups dans le secteur de la biotech, qu'il n'y a pas en Californie. C'est sûr que si on veut vendre une société en Californie, il faut être en Californie. Mais premièrement Momindum n'est pas à vendre, et ensuite c'est de toute façon une société française.

La stratégie consistant à envoyer un éclaireur n'est pas la plus prisée non plus des entrepreneurs français aux Etats-Unis. Pourquoi avoir fait ce choix ?

KA Une startup minimise clairement le risque en choisissant d'envoyer quelqu'un pour faire de la veille avant une éventuelle implantation. C'était important pour nous de voir comment le marché réagirait. Pour nous, la stratégie de l'éclaireur a été gagnante, car elle a permis de comprendre l'évolution à long terme. Beaucoup de startups envoient tout le monde d'un coup, mais ne comprennent pas forcément la différence culturelle, et n'ont pas forcément de pertinence ici. Nous avons eu un avantage car le fait de faire de la veille en pleine crise a permis de comprendre la stratégie à adopter à long terme. De plus, les Français sont souvent vus comme des gens arrogants ici, et il y a un intérêt à se remettre en question en permanence. Ce que permet largement une veille non agressive pendant six mois, comme nous l'avons fait.

TM C'est vrai qu'il y a un vrai problème de différence culturelle. Les sociétés françaises envoient souvent des éclaireurs, mais sans qu'ils soient bien gérés par l'entreprise. C'est pour cette raison que ça ne fonctionne pas la plupart du temps. Le patron est déphasé, comprend difficilement son contact sur place. Les Français ne comprennent pas certaines choses, comme le besoin de packaging qu'il y a ici. Les produits ne sont souvent pas finis au regard des Américains : la documentation n'est pas soignée, etc. En France, on délivre de la technologie. Ici, on dit : « voilà le problème que je vais régler pour vous avec mon business. » Et c'est dans cette optique de compréhension de ces différences qu'une veille peut être intéressante.

Quels sont les obstacles que vous avez pu rencontrer en vous implantant aux Etats-Unis.

TM D'abord, il faut bien comprendre une chose : la Californie, avec toutes ses difficultés, reste bien plus ouverte que le reste des Etats-Unis. A Boston, c'est différent, il est plus dur de réussir lorsqu'on est étranger. Mais globalement, les problèmes restent généraux aux Etats-Unis. Il y a la question du packaging, primordiale, dont je vous parlais. Il y a le problème de l'accent... Lors de ma première conférence téléphonique avec un Américain, nous avons passé une heure à discuter sans rien comprendre. Nous n'en avons donc rien tiré. Et chaque jour, nous sommes face à des gens qui ne comprennent pas ce que nous faisons...

Au-delà, il y a un autre écueil très important, et qui concerne les barrières culturelles. La France n'est pas les Etats-Unis, et il y a ici un certain protectionnisme qui nous oblige à arriver avec une vraie valeur ajoutée. A valeur égale, il sera très difficile de concurrencer une société américaine. Notre avantage, c'est que notre technologie est beaucoup plus réfléchie et plus poussée que sur le marché américain. Tout le problème pour la faire réussir ici est d'ordre marketing. Enfin, il faut noter les obstacles financiers. Venir aux Etats-Unis coûte très cher.

Merci beaucoup, messieurs.
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