Chaque semaine, Anicet Mbida nous livre son avis sur l'actualité numérique.
Pour mémoire, CyanogenMod est une alternative au logiciel système des mobiles Samsung, HTC, LG et consorts. Son intérêt ? Pouvoir bénéficier des dernières évolutions d'Android, même quand le mobile n'est plus mis à jour. Exemple : on l'installe sur un Galaxy S de 2010, bloqué sous Android 2.3, donc incapable de faire tourner une application comme Vine. Et comme par magie, le mobile évolue en Android 4.2, compatible avec les dernières applications. Un pied de nez aux constructeurs et aux opérateurs qui préfèreraient nous voir acheter de nouveaux appareils.
Problème, installer CyanogenMod n'est pas à la portée de tous. On ne compte plus les bidouilleurs du dimanche qui s'y sont cassé les dents, transformant leur mobile en presse-papier. C'est pourquoi j'applaudis l'annonce d'un « installeur » qui s'occupe de tout en quelques clics. Tout le monde va enfin pouvoir donner une nouvelle vie aux mobiles qui trainent dans les placards et préserver mère nature. CyanogenMod m'a par exemple permis de ressusciter une tablette TouchPad abandonnée par HP. Elle est aujourd'hui totalement fonctionnelle sous Android 4.2 alors qu'elle était promise à la poubelle.
Appliquer la même recette que Canonical avec Ubuntu Linux
CyanogenMod est aussi une belle opportunité pour des fabricants comme Archos, Wiko ou Xiaomi. Ils pourraient lui confier le développement du système et la gestion des mises à jour, pour mieux se concentrer sur le matériel. Exactement comme les fabricants de PC avec Windows ou Linux. Si le succès est au rendez-vous, cela pourrait même aiguillonner Samsung, HTC et Sony. Les inciter à abandonner leurs insupportables surcouches TouchWiz, Sense et autres BlinkFeed, pour l'interface Android standard, comme sur la gamme Google Nexus ou sur CyanogenMod. Vous imaginez. Une même expérience utilisateur. Entre des mobiles Android de plusieurs marques. On peut toujours rêver.Même les entreprises pourraient en tirer parti. Cyanogen a tout ce qu'il faut pour livrer une déclinaison professionnelle de son système avec des fonctions de gestion de flotte, géolocalisation de mobile perdu, déploiement à distance, etc. Les partisans du « BYOD » auraient ainsi à disposition un système d'exploitation professionnel, indépendant et commun à plusieurs marques d'appareils.
En appliquant à Android la même recette que Canonical à Ubuntu Linux, Cyanogen entre dans un cercle vertueux. D'un côté, il profite de la force du logiciel libre et de sa communauté. De l'autre, il devient un interlocuteur sérieux à même de gérer le support technique, négocier avec des entreprises, des constructeurs, des éditeurs... bref une société capable d'assumer ses responsabilités le moment venu.
Son PDG a précisé qu'il n'avait aucune intention de créer une nouvelle branche d'Android. Il veut obtenir une licence du système au même titre que Samsung, HTC et consorts. Et surtout garder la compatibilité avec les services Google. La firme de Mountain View a donc peut-être trouvé son meilleur allié avec Cyanogen : le parfait canal pour diffuser, directement à l'utilisateur final, un Android standardisé hors du circuit des constructeurs/opérateurs. L'arme fatale à la fragmentation.
Vous l'aurez compris, les bénéfices sont nombreux. Mais pour l'instant, ils restent théoriques. On ne gère pas une entreprise comme une communauté de développeurs. Les intentions sont bonnes, encore faudra-t-il transformer l'essai. Et surtout affronter l'ire des grands fabricants de mobiles Android. Car maintenant que Cyanogen est une entreprise commerciale, Samsung et HTC pourraient lui mettre des bâtons dans les roues et verrouiller l'accès à leurs pilotes. Or sans pilotes, sans accès bas niveau au système, impossible d'installer cet Android indépendant.
Sans oublier qu'il reste beaucoup à faire pour perfectionner le système. Beaucoup se plaignent du lecteur multimédia ou de l'application photo. On aimerait aussi améliorer les performances, réduire les temps de latence ici et là (meilleure DVM). Il n'empêche, Ubuntu a su donner une nouvelle jeunesse à Linux. Un Cyanogen bien inspiré pourrait amener un sérieux bol d'air à l'univers Android.