Live Japon: macha et Stap, curieux mélange...

21 décembre 2014 à 06h50
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Les deux histoires qui suivent sont a priori sans rapport, et en apparence plutôt éloignées des centres d'intérêt de cette chronique. Pourtant, il existe un lien entre la machine à thé "macha" (prononcer "matcha") de Sharp, l'abandon des travaux sur les cellules dites Stap, et les technologies au Japon.

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Suivez le raisonnement. Cette semaine, l'auteur de ces lignes a fait une découverte et un achat: la machine électronique à thé "macha" - poudre très fine de thé vert - développée par Sharp. Cet appareil est au thé vert ce que la cafetière expresso est au café. Sharp a mis un point d'honneur à reproduire mécaniquement tout l'art manuel de la préparation du macha, une gestuelle ancestrale pour moudre et mélanger le thé. Explications: un premier compartiment enferme un moulin électrique constitué de deux plaques de céramique. "L'avantage par rapport à des plaques en acier inoxydable est que cela ne chauffe pas", en dépit des frottements, explique un marchand de thé du quartier Tachiaigawa à Tokyo.

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On introduit dans ce moulin deux ou trois cuillères de thé en feuilles, on appuie sur le bouton et au bout de 5/6 minutes le tout est réduit en poudre très fine d'un vert caractéristique. Ensuite on introduit cela dans le deuxième compartiment qui mélange savamment cette poudre avec de l'eau chaude ou du lait comme le ferait une spécialiste de la cérémonie du thé, et voilà, c'est prêt. Et c'est excellent.

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C'est typiquement le genre d'appareils qu'apprécient les femmes japonaises. Et Sharp en a toute une collection: comme ses fours à courant de vapeur avec un carnet de recettes automatiques d'une très grande simplicité, ou encore ses aspirateurs-robots ou ses purificateurs d'air. Seulement voilà, Sharp est une entreprise japonaise qui fait des produits pour femmes, quasiment sans femmes. Et elle n'est pas la seule dans ce cas, tant s'en faut.

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Il se trouve que cette semaine, l'auteur de ces lignes a pu s'entretenir quelques minutes tour à tour avec plusieurs des hauts dirigeants de cette société centenaire. Dans le comité de direction de Sharp, sur 11 personnes il n'y a qu'une femme, et elle n'est pas du tout impliquée dans le développement des produits, mais s'occupe des questions juridiques. "Quel est le pourcentage de femmes aux postes d'encadrement ?". Réponse du patron, Kozo Takahashi , "3%". C'est peu, il le reconnaît, il veut augmenter cette part, justement parce que les femmes peuvent jouer un grand rôle dans le développement des produits qui leur sont grandement destinés. Mais l'objectif n'est pas très élevé: "5% dans un premier temps" (le Premier ministre, lui, demande 30% d'ici à 2020).

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Las, la volonté seule ne suffit pas, il faut les trouver les femmes qui veulent travailler dans ce genre d'entreprises manufacturières. "Nous recrutons essentiellement dans les filières scientifiques, et les filles y sont peu nombreuses", justifie M. Takahashi. En effet, en effet... Pour que les filles prennent plus une orientation technique et scientifique, il faudrait qu'elles y soient incitées... Or, ce n'est pas le cas et ce n'est pas le fait divers majeur de cette semaine qui va les y inciter.


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"Les recherches sur les cellules Stap sont stoppées": a en effet annoncé le laboratoire public japonais Riken. Ce faisant, il a brisé net la carrière d'une jeune chercheuse dont il était si fier il y a moins d'un an.

"Nous n'avons pas pu reproduire le phénomène des cellules Stap et avons décidé d'interrompre les expériences", a expliqué un directeur de recherche du Riken, Shinichi Aizawa, lors d'une conférence de presse.

Le 29 janvier 2014, un jour néfaste dans le calendrier japonais, Haruko Obokata avait révélé sa méthode chimique de création de cellules revenues à un stade quasi embryonnaire. Dans une communicatio parue le lendemain dans la revue scientifique britannique Nature, elle expliquait comment créer ces cellules indifférenciées et capables d'évoluer en divers organes ou tissus à partir de cellules matures, par un procédé inusité et relativement simple en apparence. 

Ce fut alors une envolée d'éloges dans le monde entier pour un travail considéré comme extraordinaire et potentiellement révolutionnaire pour le développement de la médecine régénérative. Las, quelques jours après la publication dans Nature, le grand doute. Une commission d'enquête du Riken a conclu à des manipulations et retouches de visuels et Nature a fini, avec le consentement soutiré à l'intéressée et l'approbation des 13 coauteurs, par retirer début juillet les articles en question.

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Le laboratoire Riken a poursuivi les investigations, dans un premier temps avec des chercheurs tiers, sans résultats concluants, puis séparément avec Mme Obokata en personne, placée sous haute surveillance, mais sans que cette dernière ne parvienne à prouver ses dires.

"La fraude découlant de l'inexpérience ne peut être tolérée. La conclusion est que les cellules Stap n'existent pas", a tranché brutalement le ministre de la Science, Hakubun Shimomura.

Mme Obokata, qui était devenue en quelques jours la coqueluche des médias nippons a déploré par écrit le fait que les choses se terminent aussi mal. "j'ai travaillé sans relâche pour présenter des résultats, maintenant je suis simplement exténuée". Celle qui avait affirmé en avril "les cellules Stap existent, j'en ai créé plus de 200 fois", dit avoir été "soumise", durant les tests ces trois derniers mois, "à des restrictions qui dépassaient de loin ce qu'elle aurait pu imaginer". Elle a démissionné et va être sanctionnée.

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"Nous ressentons une forte responsabilité dans les effets que cette affaire pourra avoir sur la crédibilité de la recherche scientifique japonaise", a reconnu M. Aizawa.

Surtout, il y a aussi de quoi s'interroger sur les motivations de l'archarnement dont a aussi été victime Mme Obokata, un profil exceptionnel dans le milieu très masculin et vieillissant de la recherche. Jalousie ? Voilà en tout cas une sale histoire décourageante qui ne va pas aider à résoudre le problème de l'absence de femmes dans les entreprises japonaises.
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