De la R&D aux chaines de production, plongée au cœur de l'empire Hisense

À la tête d’un véritable empire industriel et technologique prenant ses racines à Qingdao, dans la région du Shandong, Hisense nous a ouvert ses portes et fait découvrir les coulisses de ses activités. Du centre de R&D à ses chaines de productions de TV et Laser TV, en passant par la Hisense Tower et le Hisense Exploration Center, nous vous invitons à entrer avec nous chez un incontournable acteur de la Tech chinoise.

Il nous aura fallu pas moins de 17 heures en avion pour rejoindre la ville côtière de Qingdao, fief du Hisense Group. Plus connue en Europe pour la célèbre brasserie Tsingtao, héritée de l’Empire colonial allemand, la ville a connu une très forte croissance depuis le début des années 2000 et a vu se multiplier les buildings, entre le ballet incessant des conteneurs dans les terminaux de son port en eau profonde donnant sur la mer Jaune. Qingdao rayonne aussi à l’international par l’implantation de deux géants de la Tech dont les activités sont variées, on parle bien sûr d’Haier et d’Hisense. Leader sur le marché du téléviseur en Chine, Hisense s’est largement imposé sur son marché national et poursuit sa croissance à l’internationale sur le brun comme le blanc, tout comme avec ses nombreuses filiales et activités diverses.

C’est néanmoins l’image, la vidéo, le cinéma, qui nous a menés à Qingdao ! L’objectif étant de mieux connaitre la stratégie du groupe en Europe avec ses téléviseurs et Laser TV, de découvrir les produits proposés sur le marché chinois, mais surtout d’en savoir plus sur le développement et la production avec la visite de l’un des nombreux centres de R&D du constructeur, ainsi qu’une de ses usines d’où sortent des millions d’unités chaque année.

Hisense : des pions bien avancés sur l’échiquier européen

Cela fait maintenant plus de vingt ans qu’Hisense occupe la place de numéro un en Chine, une position que le constructeur semble avoir pérennisée grâce à une stratégie commerciale taillée pour répondre aux besoins des consommateurs chinois. Encore inconnue en Europe une dizaine d’années en arrière, Hisense est parvenue à avancer ses pions sur le vieux continent comme à l’internationale. Présent dans plus de 160 pays, le groupe vise deux marchés clés pour poursuivre son développement, à savoir ceux des États-Unis et de l’Europe.

© Matthieu Legouge pour Clubic

Il faut dire que les chiffres ont de quoi réjouir le constructeur. Alors que le marché TV subit une baisse de volume ces dernières années, Hisense ne cesse de poursuivre sa croissance, en devenant le deuxième mondial, derrière Samsung, en matière de volume pour l’année 2023, avec un peu plus de 26 millions d’unités expédiées sur l’année, si l’on prend en compte Toshiba (racheté par le groupe en 2017).

Le groupe Hisense est également parvenu à se faire une place de choix dans l’Hexagone en conquérant 10 % de parts de marché en seulement 10 ans de présence sur le territoire. Une prouesse en considérant la saturation du marché, dominé par les acteurs japonais et coréens. Les moyens déployés sont néanmoins à la hauteur de l’enjeu. Le groupe n’a pas hésité, dès 2016, à parrainer le Championnat d’Europe de football UEFA, avant de poursuivre son partenariat en 2020, puis de devenir le sponsor officiel de la Coupe du Monde de la FIFA en 2018 et de nouveau en 2022, en parallèle d’autres évènements d’envergure. En France, l’engagement d’Hisense dans le marketing sportif lui a également permis de gagner en notoriété et en visibilité, avec un autre groupe qui connait lui aussi une forte croissance ces dernières années : le Paris Saint-Germain.

Let There Be Light : le Laser TV comme solution d’avenir ?

La stratégie d’Hisense pour gagner en notoriété va de pair avec le développement de ses technologies d’affichage et de projection. Parmi elles, la TV joue évidemment un rôle de premier plan, notamment avec un focus important pour faire évoluer la technologie Mini-LED. Cela passe aussi par la poursuite des efforts du groupe pour s’imposer comme une marque fiable proposant aussi bien des modèles d’entrée de gamme que des produits premium à tarif concurrentiel.

La stratégie du groupe sur le marché européen poursuit toutefois un objectif plus complexe, portée par le constat que les consommateurs s’équipent moins qu’avant, avec un taux de pénétration qui ne cesse de reculer, passant de 98,4 % en 2010 à 92,6 % en 2022. Cette baisse historique a de nombreuses causes, la plus probante étant sans doute le fait que les consommateurs passent désormais plus de temps sur d’autres types d’écrans que devant leur téléviseur, avec des terminaux qui se sont multipliés au sein des foyers : smartphone en premier lieu, mais aussi tablettes et laptops.

Plus qu’une simple tendance, ce phénomène marqué pousse les constructeurs à innover et aller chercher de nouveaux marchés. Comme d’autres, Hisense mise ainsi sur les téléviseurs de très grande diagonale, comme nous l’avons vu à l’occasion du CES 2024 avec le téléviseur Mini LED Hisense 110UX, et surtout sur ses Laser TV et Laser Cinema.

La projection laser bénéficie en effet de nombreux avantages pour se présenter comme une alternative crédible face aux téléviseurs et être envisagée comme solution d’avenir. Bien plus performante que les systèmes à ampoules, la technologie laser prend différentes formes chez Hisense, avec la projection à ultracourte focale accompagnée d’un écran (le Laser TV), sans écran afin de laisser plus de flexibilité dans le choix de la diagonale notamment (le Laser Cinema), et la courte focale ajustable d’un projecteur comme l’Hisense C1 qui proposent une image ajustable de 65 jusqu’à 300 pouces.

Usine de Huangdao : nous avons assisté à l’assemblage complet d’un Laser TV

À Huangdao, Hisense dispose d’un impressionnant complexe avec des chaînes de production modernes et automatisées. Alors que nous n’avons pu voir qu’une petite partie des lignes TV en bout de chaîne, Hisense nous a néanmoins ouvert les portes d’une grande partie de l’assemblage de ses Laser TV, ainsi que celui de l’assemblage des éléments qui composent l’optique en salle blanche.

Depuis le début de chaîne, chaque élément est assemblé à la carcasse du vidéoprojecteur, de la carte mère au panneau de connectique, jusqu’aux haut-parleurs et au bloc optique. Certains éléments sont bien sûr construits ailleurs et livrés par différents fournisseurs, comme c’est le cas du bloc d’alimentation, ou encore de la puce DLP fournie par Texas Instruments.

Sur cette chaîne de production de Huangdao, ce sont environ 1 500 vidéoprojecteurs qui sont assemblés chaque jour, pour un total de plus de 400 000 unités à l’année. L’assemblage n’est d’ailleurs qu’une partie du travail effectué sur cette chaîne, chaque produit poursuit ensuite son chemin sur une ligne de tests. Les vidéoprojecteurs entrent sous une série de dark room en post-aging où ils sont mis à l’épreuve par le biais de différents protocoles. Il s’agit d’abord de vérifier le bon fonctionnement de l’alimentation et de chacune des connectiques, mais aussi du son et de l’image, avec la vérification du bloc optique.

Une fois toutes ces étapes terminées, le produit est envoyé sur une plateforme où il projette une image pendant 45 minutes, nous n’avons toutefois pas pu avoir plus de précision sur ce protocole, secret industriel oblige.

Pourquoi Hisense mise-t-il tant sur le Laser TV ?

Avec 2 414 brevets déposés sur la technologie laser et des innovations constantes, Hisense s’est imposé comme une pointure sur ce secteur. Il faut dire que le constructeur chinois a largement fait évoluer ses vidéoprojecteurs laser depuis son premier modèle en 2017. Depuis cette date, le Laser TV d’Hisense n’a cessé de faire reculer son prix de vente, tout comme le volume du produit avec des projecteurs de plus en plus compacts, preuve en est avec le Laser TV 4K Ultra Slim annoncé lors du CES 2024. C’est également le cas du côté des performances et des fonctionnalités, comme le montre l’Hisense 120LX, premier Laser TV 8K, accompagnée d’un écran sonore Sonic Screen de 3,4 m², pour le moment uniquement disponible en Asie.

Comme nous l’évoquions plus haut, Hisense tente de se faire une place sur un marché qui ne semble pas encore touché par la crise : celui de la très grande diagonale, du home cinéma, un segment en pleine croissance malgré les années moroses qui se succède pour les téléviseurs. C’est là que la technologie de projection DLP entre en jeu. Associé à une source lumineuse laser TriChroma pour les Laser TV ou monolaser bleu avec roue chromatique pour les Laser Cinema, les projecteurs à ultra-courte focale du constructeur ont de précieux atouts à faire valoir.

La projection laser a donc toutes les cartes en main pour continuer de se démocratiser : les Laser TV s’utilisent comme une Smart TV classique, disposent d’une durée de vie similaire, s’installent très facilement et surtout offrent une image d’excellente qualité avec une souplesse d’utilisation qui n’a rien à voir avec celle d’un téléviseur de grande taille.

Hisense R&D : des protocoles stricts avant la mise en production

Outre la Hisense Tower et l’Hisense Exploration Center, où nous avons pu découvrir l’histoire de la société, nous avons eu l’occasion de visiter l’un des plus importants centres de R&D du constructeur, au pied de la chaine de montagne sacrée Laoshan qui accueille certains des plus anciens sites taoïstes de Chine.

Hisense y tient notamment un showroom présentant une grande partie de ses activités dans des secteurs divers : le médical et les télécommunications, l’électroménager, et bien sûr l’affichage, non seulement avec les produits grand public que nous connaissons mais aussi avec ses solutions consacrées aux professionnels. Au total, 26 centres de R&D Hisense sont répartis sur le globe, dont 10 en Chine. Avec une surface de 280 000 m² et un total de 7 000 employées, le centre de R&D de Laoshan s’apparente à un véritable vivier d’ingénieurs.

Une partie non négligeable des locaux de ce centre sont dédiés au benchmarking. Les téléviseurs et vidéoprojecteurs, les barres de son, ainsi que les produits blancs de la marque, suivent des protocoles stricts afin de s’assurer qu’ils répondront aux exigences des consommateurs d’un côté, mais avant tout aux organismes de certification et à ceux de santé publique de l’autre.

Comptant parmi les points de contrôle les plus importants pour la mise sur le marché, les émissions d’ondes électromagnétiques des produits sont scrutées avec beaucoup de précautions par le constructeur. La chambre de test électromagnétique, équipée de sorte que les mesures soient les plus précises possible, permet aux ingénieurs de garantir que les niveaux d’émissions de ces ondes respectent les standards en vigueur.

Nous avons ainsi appris qu’Hisense s’impose une norme de contrôle interne plus sévère que les standards du marché asiatique et européen en matière d’exposition aux ondes, ce afin de garder une marge de sécurité. Ce ne sont pas moins de 150 références différentes de téléviseurs qui passent par cette salle de test chaque mois. Les produits en R&D sont ainsi testés très régulièrement, tandis que les produits déjà sur le marché continuent d’être mis à l’épreuve, une fois par trimestre.

Nous avons poursuivi à la découverte d’une pièce entièrement conçue par la société allemande Landtop Faist, spécialisé dans la construction de chambre anéchoïque acoustique. Absorbant les ondes sonores, cette chambre dont le niveau de bruit n’excède pas 14 dBA élimine toutes réflexions et échos afin de ne capter que les signaux émis par le produit. Tous types de produits passent par cette chambre, à commencer par les machines à laver et autres produits nécessitants d’évaluer les niveaux sonores, et bien entendu les téléviseurs, notamment testés pour évaluer la puissance sonore et la distorsion.

Direction la chambre noire pour la suite, où les téléviseurs sont passés au crible sur de nombreux critères avec des mesures d’homogénéité de la dalle, de volume et de couverture colorimétrique, de pic lumineux, de contraste et ainsi de suite. Les ingénieurs ont mis au point un système entièrement automatisé : le générateur de mire, que l’on aperçoit en bas à gauche de l’image, envoie les signaux tandis que la sonde et le téléviseur sont tous deux montés sur un système de rails motorisés. Ce sont uniquement les téléviseurs en développement qui entrent dans cette chambre, le protocole mis en place a une durée de deux heures, une centaine de tests est réalisée tous les mois. Les mesures obtenues sont utilisées pour apporter des corrections sur différents modes d’image, y compris avec les signaux HDR.

Les téléviseurs et vidéoprojecteurs subissent toutes sortes de tests © Matthieu Legouge pour Clubic

Nous avons terminé notre visite pour le labo de fiabilité, une véritable chambre de torture pour téléviseurs et vidéoprojecteurs. Le laboratoire contient un total de six chambres à environnement contrôlé, où la température et l’humidité sont ajustées précisément en fonction du produit à tester : 45 °C et 75 % pour les TV, 40 °C et 75 % pour les vidéoprojecteurs. Hisense explique la différence de température entre les deux chambres par le fait que les vidéoprojecteurs produisent plus de chaleur que les téléviseurs et qu’il convient donc de prendre en compte cette différence de fonctionnement.

Le but de ce test est d’estimer la durée de vie des produits. Ce ne sont pas moins de 24 références d’un même produit qui sont placées dans une de ces chambres, et ce durant 42 jours, allumés et diffusant des images 24h/24 et 7j/7. À première vue, il semble délicat de juger de la durée de vie d’un produit de cette manière, Hisense nous explique néanmoins qu’il n’est pas possible de faire tourner un produit 25 000 heures durant avant sa mise sur le marché.

Naturellement, cela signifie qu’il sera nécessaire d’attendre de longues années supplémentaires avant que le produit arrive dans nos salons. Hisense juge ce protocole suffisant pour mettre ses produits à l’épreuve, surtout qu’il ne s’arrête pas là. Une fois les 42 jours passés, une dizaine de produits sont conservés dans la chambre afin de les faire tourner jusqu’à ce qu’ils tombent en panne. De cette manière, le constructeur s’assure de la résistance et la fiabilité des produits qu’il s’apprête à mettre sur le marché.

Hisense : un constructeur qui a tout compris du marché ?

En nous conviant sur les terres de ses origines et en jouant la carte de la transparence, Hisense cherche à démontrer que sa croissance phénoménale en Europe ces dernières années n’est pas seulement due aux importants moyens qu’il alloue à ses campagnes marketing.

Capitalisant sur sa position confortable de numéro 1 en Chine, le constructeur a su adopter une stratégie gagnante sur le vieux continent. En ouvrant les portes de ses infrastructures, Hisense a dévoilé une partie des coulisses de son empire, prouvant par la même occasion la modernité de ses chaînes de production et la rigueur de ses contrôles qualité, nous offrant une meilleure compréhension du succès du groupe à l’internationale.

Nul doute que le constructeur va continuer de peser et d’étendre sa vision dans nos contrées, sur le marché du téléviseur et de la vidéoprojection, comme celui du home-cinéma, via son catalogue de barres de son. Affaire à suivre de près, à commencer par l’immanquable rendez-vous de l’IFA 2024 où Hisense sera bien sûr de la partie.