Fibre optique : les prestataires qui sous-traitent le déploiement se mettent en grève

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 30 décembre 2021 à 13h30
fibre

Les sous-traitants qui assurent le déploiement de la fibre optique pour le compte des opérateurs s'attirent les foudres de leurs prestataires, qui effectuent des blocus.

Pour des milliers de salariés qui œuvrent au déploiement de la fibre optique en France, la pilule du passage à la nouvelle année risque d'être difficile à avaler. Les prestataires de la société Sogetrel, entreprise sous-traitante historique de Free et de Bouygues Telecom, ont appris, entre Noël et le jour de l'An, que les contrats de sous-traitance avaient été négociés à la baisse, alors même que les prestataires ont du mal à finir les mois dans le vert. Ces derniers, qui travaillent dans l'ombre du grand public, ont décidé de se mettre en grève.

Des prestataires qui en viennent à avoir des charges supérieures à leurs revenus, perdant en rentabilité

C'est la chaîne YouTube « Les Fibreux », tenue par des spécialistes de la fibre optique, qui alerte sur cette face sombre de l'immense machine des télécoms et du déploiement des réseaux. Car si la France peut se targuer d'être l'une des championnes européennes du déploiement de la fibre optique, avec quelque 6 millions de nouveaux locaux rendus disponibles et éligibles au FttH entre octobre 2020 et septembre 2021, le tableau est loin d'être rose. En coulisses, les relations entre les opérateurs télécoms, les sous-traitants et leurs prestataires (qui « co-traitent », donc, avec les sous-traitants) sont loin d'être idylliques, comme nous l'apprenons dans la vidéo du collectif des Fibreux.

Sogetrel a mis au courant ses prestataires de changements tarifaires ces derniers jours, avec une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2022. Et la renégociation à la baisse des tarifs va inévitablement mettre un peu plus dans la difficulté les prestataires.

L'un d'eux, qui emploie une quinzaine de salariés, explique même travailler en perdant de l'argent et considère, même s'il s'y refuse par respect pour ses collaborateurs, qu'il serait plus simple de les licencier. Il détaille par exemple que l'une de ses équipes a réalisé, il y a quelques jours, un chiffre d'affaires de 203,5 euros, alors même que son coût de revient est de 350 euros par jour travaillé. Cela représente, pour l'employeur, une perte de 150 euros par jour, pour une seule équipe. Et à cela, le dirigeant, qui a décidé de se joindre au blocus organisé en France, doit ajouter « le prix de l'entretien du camion, la VGP (une vérification légale de l'état de conservation des équipements de travail), l'amortissement du matériel, les consommables, les abonnements téléphoniques, les habilitations, les visites médicales, les EPI et tous les imprévus ».

Des sous-traitants qui se voient reprocher un timing dans la renégociation à la baisse du contrat qui les lie aux sous-traitants

Pour justifier la situation, l'entreprise sous-traitante Sogetrel explique que les opérateurs vont baisser les prix payés, et qu'elle n'a pas d'autre choix que de répercuter cette baisse sur le raccordement final, et donc sur ses co-traitants, qui en plus de la baisse des prix, se plaignent de pénalités imposées injustifiées s'intensifiant d'année en année. Mais les prestataires ne trouvent pas cela logique. Selon eux, tout s'est décidé trop rapidement, et il apparaît peu probable que les opérateurs aient prévenu à la dernière minute les sous-traitants d'une baisse du contrat qui les lie.

Des blocus ont donc été créés, et ce, à l'échelle nationale, de façon à dénoncer et contester cette renégociation soudaine, et à la baisse, des tarifs. Les prestataires avancent un certain nombre de revendications, comme la renégociation des prix des BPU (bordereaux des prix unitaires) et le remboursement des pénalités appliquées et non justifiées, ainsi que les retenues sur attachement, qu'ils jugent également « systématiques et non justifiées ». Ils demandent ainsi une amélioration des échanges entre la société Sogetrel et ses sous-traitants, de façon à éviter toute relation conflictuelle et mauvaise surprise, comme celle vécue ces derniers jours, qui plus est pendant les fêtes de fin d'année. « On ira jusqu'au bout », préviennent d'ores et déjà les prestataires.

Au début du mois de décembre, le secteur avait déjà éternué après les révélations de Scopelec, un sous-traitant comparable à Sogetrel, mais qui travaille de son côté avec Orange. L'opérateur historique aurait en effet menacé de ne pas renouveler le contrat avec l'entreprise (qui lui coûte 150 millions d'euros chaque année), qui emploie 1 900 personnes, puisqu'il lance un appel d'offres qui ne garantit pas que la société Scopelec récupérera deux des trois lots qu'elle détient actuellement. Les salariés de Scopelec pourraient néanmoins être réembauchés par une entreprise qui récupérerait alors le marché.

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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Commentaires (10)
dede63

Pas la faute des opérateurs, plutôt de leur collègues ( autre sous-traitant ).

Combien de sous-traitant font des raccordements de merde ou l’opérateur est obligé d’envoyer un autre prestataire pour réparé la connerie de la première.

Ca coute de l’argent de réparé tous ca et ca reviens sur les petites entreprise qui font du bon boulot.

Ca serait intéressant de savoir combien ca coute de réparé les bourdes des sous-traitant qui ont merdé et à mon avis, c’est pas un petit chiffre et c’est pour ca que les opérateurs ont décidé de baisse le prix pour essayer de gagniez de l’argent et évité d’en perdre, et c’est les entreprises honnête qui en paie le prix.

titipalm

Ouf, on ne sera pas déconnecté dans les prochains jours !

luck61

On vit dans une société qui méprise les gens du terrain, les ouvriers et techniciens, franchement plus le temps passe et plus l’avenir de la France s’assombrit…la France se tiers mondise

Nico766201

Moi qui ai actuellement une panne sur le réseau fibre, mon opérateur me dit qu’il est en attente de pièces à remplacer dans une armoire de rue et cela va prendre plus de temps que prévu. Peut-être que c’est l’effet blocus qui se fait sentir plus que la réception du matériel?

max6

Je pense que c’est un peu vite fait de mettre cela sur le dos des sous-traitants.
Je n’ai qu’un exemple, le mien, donc je n’irais pas jusqu’à étendre cela partout.
SFR amène la fibre jusque dans mon quartier (je vais pas m’étendre mais cela faisait deux ans que je recevais tous les mois un mail « la fibre arrive, prenez votre abonnement »).
les commerciaux de SFR me démarchent et on prend rendez-vous.
Épisode 1 : le sous-traitant vient prend contact avec SFR qui lui répond que je suis inconnu et qu’il doit repartir (non seulement ils lui ont donné mon adresse, mais je suis chez SFR depuis au moins 10 ans) parce que la fibre n’arrive pas jusque chez moi.
Épisode 2 le sous-traitant revient cette fois (après un très long temps de téléphone heureusement juste retraité j’ai le temps sinon…) ils savent qui je suis, mais surprise ils lui ont dit que la boite de dérivation était accessible sans matériel. Le gars devrait être un super acrobate la boite en question étant à environ 6 m de hauteur sur un poteau en fer.
Épisode 3 le sous-traitant revient avec le matériel (nacelle obligatoire) accède à la boite de dérivation et là rien SFR n’a pas alimenté le matériel. Après plusieurs appels il s’avère qu’ils ont oublié de faire le nécessaire au central. Hors le sous-traitant n’est payé que si la box répond. Pour la petite histoire s’il tire le file mais que cela ne fonctionne pas alors on envoie un autre sous-traitant pour la mise en service et le premier n’est pas payé (puisqu’il n’a pas fait le travail).
Épisode 4 retour du sous-traitant après mise en service de la boite de dérivation et installation de la box dans le grenier par deux gars du sous-traitant (travail impeccable exactement comme je le leur ai demandé et très propres, pas une trace par terre.
Les 3 premiers passages de sous-traitant ou le travail n’a pas pu être effectué n’ont pas été payés par SFR puisque la box n’était pas reliée. Pourtant ce n’était pas leur faute mais celle du FAI qui peut donc se permettre toutes les erreurs puisqu’il n’en supporte pas les conséquences.

Boeing000

une chose me choque dans l’article.
Je rappel qu’en France il est strictement interdit de travailler a perte c’est illégal(L’article L. 442-5 du Code de commerce interdit la revente à perte (ou son annonce) par un commerçant (personne physique ou société) sous peine d’amende.).
Donc si a la base les sous traitant sont dans l’illégalite qu’ils ne viennent pas pleurnicher

AlexLex14

Attention, j’aurais peut-être dû l’écrire d’une autre manière dans l’article (je vais corriger ça d’ailleurs), mais j’ai écrit « travaille de plus en plus à perte », et non pas « revend à perte », qui sont deux choses différentes.

La vente à perte est un concept. Travailler à perte c’est hélas la triste constatation que font certains prestataires ces temps-ci et qui affichent une balance revenus/dépenses négative.

EDIT : voilà, c’est corrigé, histoire d’éviter toute mauvaise interprétation :slight_smile:

kuuh

Il est possible de vendre à perte selon comment tu fais le calcul sur le contrat globale certaines prestations seront à perte mais les autres compenserons.

Ici je pense plutôt que la prestation est tout juste au dessus du seuil de rentabilité mais si quand le sous traitant se déplace pour ne finalement pas pouvoir réaliser la prestation pour des raisons qui ne lui sont pas imputables (voir le poste plus haut par exemple), ils payent ses salariés mais ne touchent aucune rémunération. Vu les prix très bas pratiqués, on se retrouve très vite à perte.

theHercule

Privatisons qu’il disait… Les fonctionnaires sont imcompétent… Combien de fois un sous traitant a coupé une ligne internet, et combien de fois un fonctionnaire a coupé votre téléphone.
Le system capitaliste n’est pas toujours le plus efficace, surtout concernant les infrastructures qui demande des investissement sur le long terme, de la coordination national, pas refaire ce que le concurrent a déjà fait à coté etc…

Et oui l’interdiction de revente à perte s’applique sur des biens pas sur les services.

Francistrus

Je pense qu’il y a du tort des 2 côtés, même si je pencherais plus pour une grosse partie des torts pour les FAI.
Petit partage d’expérience perso : j’ai acheté une maison en Meurthe et Moselle l’année dernière et j’était éligible à la fibre.
J’arrive à avoir RDV un vendredi à 14H (j’avais emménagé le weekend d’avant), les techniciens m’envoient plusieurs messages pour annoncer du retard et se pointent finalement à 16h30.
Ils installent la fibre en moins d’1h30 je me souvient les entendre dire « de l’aérien en moins d’1h30 c’est un record! » et repartent presque aussitôt car ils avaient une autre intervention avant d’être en weekend.
Résultat la connexion fonctionne vendredi, samedi et tombe dimanche en soirée !
Appel au FAI, qui ne veut pas intervenir avant 5 jours.
Ma femme tombe sur un technicien fibre au hasard en promenant le chien le mardi (le gars intervenait dans la rue d’à côté et bossait pour le même FAI) qui accepte de regarder et lui dit que la soudure a lâché car les sécurité n’ont pas été mises (le gars n’avait malheureusement pas le matos pour refaire la soudure)…
Bref le vendredi suivant 2 autres techniciens interviennent et réparent la panne rapidement.
Au final, il faut blâmer qui dans l’histoire ? Les techniciens qui ont été trop rapides ? Leur patron/ou le FAI qui leur planifie trop d’interventions sur une journée ? le FAI qui n’est pas foutu de constater qu’une intervention similaire était prévue par un technicien dans la rue d’à côté le mardi ?