La Russie développerait, selon les services de renseignement de l'OTAN, une arme antisatellite capable de cibler Starlink, à l'aide de nuages de débris spatiaux. Une menace sérieuse et inédite contre la constellation d'Elon Musk.

L'espace semble bien devenir le nouveau terrain de confrontation entre la Russie et l'Occident. Selon des renseignements de deux pays de l'OTAN consultés cette semaine par l'Associated Press, Moscou travaillerait sur une arme capable de noyer et détruire les satellites Starlink de SpaceX et Elon Musk sous des centaines de milliers de projectiles miniatures. Un scénario qui fait froid dans le dos et divise profondément les experts.
Des centaines de milliers de projectiles miniatures contre les satellites Starlink
Le projet de la Russie consisterait à larguer dans l'espace des centaines de milliers de billes métalliques de quelques millimètres, qui flotteraient en orbite comme un nuage destructeur. Tout satellite traversant cette zone serait criblé d'impacts à haute vitesse. Contrairement aux missiles antisatellites classiques qui visent un seul objectif, ce système « à effet de zone » neutraliserait d'un coup tous les satellites Starlink présents sur la trajectoire. Les billes seraient larguées par de petits satellites russes spécialement conçus à cet effet.
Des billes aussi minuscules échapperaient aux radars de surveillance spatiale terrestres et orbitaux, ce qui rendrait quasi impossible l'identification du coupable après une attaque. Un atout stratégique majeur pour Moscou, qui pourrait frapper sans laisser de traces tangibles. Du moins en théorie, car la réalité technique pourrait s'avérer bien plus complexe.
Il est impossible de savoir quand cette arme pourrait être opérationnelle. Les renseignements confirment que la Russie y travaille actuellement, mais ne précisent ni si des tests ont eu lieu, ni à quel stade en est le développement. Ce flou entretient deux réactions opposées. Il y a, d'un côté, ceux qui s'alarment d'une menace réelle, et ceux qui doutent que le projet soit vraiment abouti ou même réalisable.
De l'internet ukrainien aux menaces spatiales du Kremlin
Starlink, qui convainc jusqu'à Air France de son avantage technologique, inquiète beaucoup la Russie. Le réseau de milliers de satellites SpaceX, placés à 550 km d'altitude, fournit un internet rapide aux troupes ukrainiennes. Grâce à lui, elles coordonnent leurs mouvements, guident leurs missiles et communiquent en sécurité. Après presque quatre ans de guerre, cet avantage technologique est devenu crucial.
Mais les avertissements russes se multiplient. Le Kremlin considère les satellites commerciaux au service de l'armée ukrainienne comme des cibles militaires légitimes. Le message a été martelé à plusieurs reprises par les autorités, et suivi d'actes concrets, puisque ce mois-ci, la Russie a annoncé le déploiement du S-500, un système de missiles sol-air capable d'abattre des satellites en orbite basse. Mais visiblement, cela ne suffirait pas.
Le général canadien Christopher Horner, qui dirige les opérations spatiales militaires de son pays, est inquiet. Les États-Unis accusent la Russie de développer une arme nucléaire spatiale. Pour lui, un tel système « ne serait pas choquant » venant du Kremlin. De son côté, la France condamne les actions russes dans l'espace ces dernières années, qu'elle juge « irresponsables, dangereuses et même hostiles ».

Le suicide spatial que Moscou ne peut pas se permettre
Une telle menace est-elle réaliste ? Beaucoup d'analystes sont sceptiques. Victoria Samson, experte en sécurité spatiale, n'y croit pas franchement. « Je n'y crois pas. Vraiment pas », indique-t-elle. « Je serais très surprise s'ils faisaient ça. » Pour elle, une telle arme provoquerait un chaos incontrôlable, y compris pour la Russie et la Chine.
Le général Horner utilise une image : « Vous faites exploser une boîte pleine de billes. Cela couvrirait toute une zone orbitale et détruirait chaque satellite Starlink ainsi que tous les autres satellites à cette altitude. C'est ça qui est incroyablement troublant. » Les stations spatiales internationale et chinoise, situées plus bas, seraient aussi menacées par la chute des débris.
Le risque de dégâts collatéraux est bien réel. En novembre, un minuscule fragment de débris a suffi à endommager un vaisseau spatial chinois transportant trois astronautes. Clayton Swope, du Center for Strategic and International Studies, estime que les panneaux solaires des satellites, les éléments les plus fragiles, seraient les premières victimes. Victoria Samson rappelle que la Russie a investi massivement pour devenir une puissance spatiale majeure. « Utiliser une telle arme leur couperait l'accès à l'espace à eux aussi. Je ne sais pas s'ils seraient prêts à abandonner autant. » À moins que cette menace ne soit qu'une « arme de la peur », comme le suggère Clayton Swope, destinée à dissuader sans jamais être employée.