Air France continue d'équiper sa flotte du Wi-Fi de Starlink, l'internet par satellite d'Elon Musk. Un équipement qui, chez les aspirants à la souveraineté, fait largement polémique.

Les antennes Wi-Fi Starlink équipent progressivement les avions de la compagnie Air France. © Alexandre Boero / Clubic
Les antennes Wi-Fi Starlink équipent progressivement les avions de la compagnie Air France. © Alexandre Boero / Clubic

Depuis qu'Air France a annoncé, jeudi, avoir déjà équipé 30% de ses avions avec le Wi-Fi proposé par l'Américain Starlink, propriété du fantasque Elon Musk, la compagnie s'attire les foudres des observateurs. Si certains applaudissent le choix de la performance fait par le transporteur français, d'autres y voient une capitulation face à la tech américaine. Mais surtout, ces derniers déplorent le manque d'ambition de la compagnie sur le terrain de la souveraineté et de la protection de ses données.

Le Wi-Fi Starlink d'Elon Musk s'installe progressivement chez Air France, bientôt totalement

Lorsque vous confiez à Starlink votre internet grand public de bord à plus de 10 000 mètres d'altitude, forcément, vous vous exposez à la question de la protection des données. Pourtant, Air France avait annoncé dès septembre 2024 que l'opérateur par satellite équiperait progressivement l'ensemble de sa flotte : 30% aujourd'hui, et 100% d'ici la fin de l'année 2026.

Les avions aujourd'hui équipés offrent ce service en partie gratuit, puisqu'accessible depuis un simple compte Flying Blue. Les passagers peuvent streamer leurs séries, passer des appels vidéo ou jouer en ligne pendant leurs vols s'ils le souhaitent, sans débourser un centime.

La technologie de SpaceX s'impose aujourd'hui comme la référence du marché. Sa constellation de satellites en orbite basse garantit une couverture mondiale pour le moment inégalée, même au-dessus des océans. L'installation est rapide, le débit élevé, la stabilité remarquable. Pour une compagnie qui doit rivaliser avec Emirates, Qatar Airways ou Singapore Airlines, il apparaît difficile de faire l'impasse sur le meilleur outil disponible.

Elon Musk, lui, ne boude pas son plaisir. « Très bon », a-t-il tweeté en français vendredi, avec un post vu plus de 8 millions de fois. Le milliardaire ne se prive pas pour faire de cette décision commerciale une vitrine mondiale pour Starlink. Un coup de communication qui ravit aussi Air France, sauf qu'il attise, dans l'Hexagone, les inquiétudes de ceux qui scrutent la dépendance technologique européenne.

Pourquoi des experts français critiquent le choix de Starlink par Air France

Parmi les contradicteurs, Cyprien Ronze-Spilliaert, chercheur spécialisé en guerre hybride, dit sa « tristesse » sur X. Pour lui, Air France aurait dû privilégier Eutelsat, le champion européen du satellite, au sein duquel le gouvernement vient tout juste d'injecter près de 750 millions d'euros supplémentaires. Monsieur Ronze-Spilliaert considère que confier les données de vol aux États-Unis expose la France au Cloud Act, cette loi qui oblige les entreprises américaines à livrer leurs informations au gouvernement fédéral. Il rappelle aussi qu'Elon Musk avait suspendu Starlink pendant la contre-offensive ukrainienne, prouvant qu'un service peut s'arrêter du jour au lendemain pour des raisons géopolitiques.

Gilles Babinet, président de CafeIA, partage son inquiétude. Il pointe du doigt les métadonnées, ces traces numériques qui révèlent beaucoup d'informations sensibles. Les passagers d'Air France constituent selon lui « des cibles privilégiées » pour le renseignement américain. Il annonce d'ailleurs qu'il limitera ses vols avec la compagnie, estimant que l'Europe doit construire son autonomie technologique.

De son côté, Christophe Cuny, commandant de bord d'un Boeing 787 chez Air France, refuse cette lecture simpliste. Il rappelle que la compagnie, détenue à 28,6% par l'État et employant 45 000 personnes, subit déjà 600 millions d'euros de surcoûts annuels par rapport à ses concurrentes européennes. Air France achète massivement Airbus et contribue largement à l'industrie européenne. Exiger qu'elle handicape aussi sa connectivité au nom de la souveraineté sans compensation financière reviendrait, de son point de vue, à la condamner face à la concurrence mondiale. Un dilemme qui résume toute la complexité du débat.