Dans le plus grand secret, Google est en train de remplacer le moteur de ses gigantesques infrastructures. Le géant du web bascule des dizaines de milliers de ses applications internes vers l'architecture ARM, un mouvement audacieux qui pourrait bien donner un coup de vieux à l'hégémonie du x86.

Un chantier colossal qui voit l'architecture ARM s'imposer en silence, au cœur même de l'empire numérique. © Google/ARM
Un chantier colossal qui voit l'architecture ARM s'imposer en silence, au cœur même de l'empire numérique. © Google/ARM

Loin des projecteurs, une transformation d’une ampleur considérable est en cours chez Google. Le géant de la recherche orchestre une migration massive de ses applications internes de l'architecture historique x86 vers ARM. Cette transition, qui concerne déjà des services aussi emblématiques que YouTube, Gmail ou BigQuery, est largement propulsée par les puces maison de Google, les fameux processeurs Axion.

Un tour de passe-passe orchestré par l'IA

Attaquer un chantier de 100 000 applications, cela ne se fait pas avec une simple boîte à outils. Pour automatiser cette transition, Google a mis au point un assistant dopé à l'IA, baptisé CogniPort. Cet agent logiciel s'attaque directement aux erreurs de compilation et aux échecs de tests pour proposer des correctifs. Avec un taux de réussite de 30% dans certaines conditions, on est encore loin de la baguette magique, mais c'est un coup de pouce non négligeable pour automatiser les tâches les plus ingrates.

Contre toute attente, les ingénieurs de Google n'ont pas passé leurs nuits à résoudre des casse-têtes liés aux différences fondamentales entre les architectures. Les compilateurs modernes s'occupent déjà bien de ce genre de détails. Le vrai défi, bien plus terre à terre, a été de dépoussiérer de vieux systèmes de compilation et de corriger des tests qui avaient été un peu trop bien ajustés pour les serveurs x86. Un travail de fond, essentiel pour assurer la stabilité des services utilisés par des milliards de personnes.

Le nerf de la guerre : performance et efficacité énergétique

Pourquoi un tel remue-ménage ? La réponse tient en deux mots : argent et énergie. Google avance des chiffres qui donnent le tournis : ses puces Axion offriraient un rapport prix-performance jusqu'à 65% supérieur aux équivalents x86, tout en étant 60% plus économes en énergie. À l'échelle des centres de données de la firme de Mountain View, ces gains se traduisent par des économies colossales et une empreinte carbone réduite, un argument qui pèse lourd à l'heure de la sobriété numérique.

Puce Axion. © Google/ARM
Puce Axion. © Google/ARM

Cette stratégie n'est pas isolée. Google emboîte le pas à ses rivaux Amazon Web Services et Microsoft, qui développent eux aussi leurs propres processeurs ARM (Graviton et Cobalt). En concevant leur propre silicium, ces géants s'affranchissent de la feuille de route et des marges d'Intel et AMD. La manœuvre est orchestrée par Borg, l'ancêtre de Kubernetes, qui répartit intelligemment les charges de travail entre les serveurs ARM et x86 pour une efficacité maximale.

Le trône du x86 commence-t-il à vaciller ?

Cette offensive coordonnée des géants de la tech sonne comme un avertissement pour le bon vieux x86. Bien sûr, les acteurs historiques ne comptent pas se laisser faire. AMD, par exemple, martèle que le x86 a encore de beaux jours devant lui et peut rivaliser avec ARM sur le terrain de l'efficacité énergétique. De son côté, Intel pourrait fournir Microsoft pour ses futurs serveurs IA. Mais la tendance est là : ARM, qui équipait déjà 15% des processeurs pour centres de données début 2025, vise la moitié du marché d'ici la fin de l'année.​ Une cible un brin optimiste, si vous voulez mon avis.

La montée en puissance de l'IA ne fait qu'accélérer ce mouvement, avec des solutions comme les super-puces de NVIDIA qui marient GPU et processeurs ARM. En portant ses services les plus critiques comme Spanner et Bigtable sur Axion, Google montre la voie. Les 70 000 applications restantes dans la file d'attente ne sont qu'une question de temps. Le message est clair : l'ère où les centres de données s'adaptaient aux processeurs du marché est peut-être révolue. Désormais, les géants du web dessinent le silicium optimisé pour leurs usages.

Source : The Register