Intel diffuse depuis plusieurs années une variété de logiciels open source largement utilisés dans le secteur technologique. Récemment, Kevork Kechichian, à la tête de la division Data Center chez Intel, a indiqué que l’entreprise souhaite que ses contributions apportent un avantage plus direct à ses propres produits, et non principalement à ses concurrents.

Intel va cesser de faire profiter de ses innovation open source aux concurrents - ©Daniel Chetroni / Shutterstock
Intel va cesser de faire profiter de ses innovation open source aux concurrents - ©Daniel Chetroni / Shutterstock

Intel a bâti une réputation solide en publiant des logiciels en open source, accessibles librement et modifiables par de nombreux développeurs. Ces actions, bien qu’elles profitent à un vaste écosystème, semblent s’être retournées contre Intel. Lors du Tech Tour d'Intel en Arizona, Kevork Kechichian a déclaré : « Notre empreinte open source est probablement la plus importante dans le domaine de l’infrastructure. Nous devons trouver un équilibre pour exploiter cet avantage sur Intel et ne pas laisser les autres s’en emparer ». Ce constat vient de l’idée que ses concurrents, tels que AMD ou Qualcomm, utilisent abondamment les optimisations mises au point par Intel pour améliorer leurs propres processeurs.

Un peu agacé, Intel a interrompu certains projets, notamment Clear Linux OS, un système d’exploitation qui, malgré son optimisation pour le matériel Intel, apportait également des bénéfices à d’autres plateformes. Ce virage signifie que l’entreprise souhaite concentrer ses efforts pour que ses investissements open source produisent des résultats plus ciblés au sein de ses propres produits. L’accent porte désormais sur le fait que les innovations logicielles servent d’abord l’écosystème Intel.

Intel veut que ses investissements dans l’open source servent d’abord ses propres produits

Que l'on ne se méprenne pas. Kevork Kechichian reconnaît l’importance de l’open source et précise que l’entreprise ne renoncera pas à y contribuer. Il affirme : « Notre intention est de ne jamais abandonner l’open source. De nombreuses personnes bénéficient de l’investissement colossal d’Intel dans ce domaine ». Cependant, il ajoute qu’Intel souhaite orienter ses ressources vers des projets qui représentent véritablement ses forces distinctives.

Dans les faits, Intel choisit de concentrer ses efforts sur des initiatives qui renforcent ses points forts et réduit la voilure sur des projets qui, comme Clear Linux OS, desservaient ses intérêts stratégiques en profitant à un large éventail de matériels concurrents. Un porte-parole d’Intel explique à ce sujet : « Nous concentrons nos efforts sur nos domaines et nos modalités de contribution, en veillant à ce que nos travaux valorisent à la fois les communautés que nous soutenons et les caractéristiques uniques d’Intel ».

On est à la limite de la remise en question de l'intérêt même de l'open source … Chaque contribution est désormais examinée au prisme de ses retombées directes sur Intel, avec l’objectif de maximiser la valeur pour l’entreprise.

Avec cette décision, Intel réécrit la définition de l'Open Source - ©Uuganbayar / Shutterstock
Avec cette décision, Intel réécrit la définition de l'Open Source - ©Uuganbayar / Shutterstock

Intel protège certaines parties de ses logiciels pour limiter les usages concurrents

L'ADN de l’open source, c'est la pleine transparence du code, qui permet à chacun d’adapter et d’améliorer les logiciels. Intel observe cependant que ses innovations bénéficient souvent pleinement à des rivaux qui exploitent ses optimisations pour leurs propres architectures. Pour éviter que ses efforts offrent un avantage trop important à la concurrence, Intel restreint l’accès à certains composants sensibles. C'est aussi simple que cela.

La preuve par l'exemple avec la bibliothèque OneMKL. Ses interfaces restent ouvertes, dont permettent l’interopérabilité et la contribution extérieure, mais la plupart des fonctions de bas niveau sont maintenues fermées. Elles empêchent donc une exploitation complète par des entités tierces. ntel conserve la priorité et l'exclusivité sur ses technologies propriétaires.

Qui ce qui rhabille Paul déshabille Pierre. Ce choix ne va pas sans conséquences pour la communauté open source. En limitant l’accès à des pans du code, Intel risque de fragmenter l’écosystème autour de ses projets. Des versions alternatives pourraient apparaître, développées indépendamment par des contributeurs externes. On voit d'ici la confusion chez les utilisateurs.

Intel doit aussi gérer les effets de récentes réductions de personnel. Le site Phoronix a rapporté que plusieurs paquets liés aux accélérateurs matériels Intel pour les distributions Debian et Ubuntu sont devenus orphelins, faute de mainteneurs actifs. Sans suivi actif, le support de ces composants risque de disparaître, et de laisser des utilisateurs sur le carreau.

Source : The Register