En 2019, Roberto Escobar annonçait un smartphone pliable à prix cassé, bardé de promesses et d’or. Six ans plus tard, l’affaire se termine devant la justice américaine pour fraude et blanchiment.

- En 2019, Roberto Escobar promet un smartphone pliable révolutionnaire, l'Escobar Fold 1, défiant Apple avec un prix attractif.
- Rapidement, des doutes émergent : l'Escobar Fold 2 est un Samsung Galaxy déguisé, et les livraisons n'arrivent jamais.
- En 2023, l'affaire se conclut par des accusations de fraude et blanchiment, avec des millions détournés mondialement.
Il y avait déjà tout, ou presque : un nom sulfureux, des vidéos tapageuses, des arguments commerciaux hors normes. Et à l’arrivée, une série de plaintes pour arnaque à grande échelle. Le feuilleton du smartphone Escobar Fold 1, lancé en fanfare par le frère de Pablo, a bien mûri. La justice américaine vient d’en dévoiler les coulisses, jusqu’aux virements transitant par Dubaï.
Un téléphone bling-bling, des promesses énormes, et une croisade anti-Apple
Si vous lisiez déjà Clubic en 2019, alors cette histoire doit vous rappeler des souvenirs. On vous expliquait que le téléphone avait tout d’un objet culte. À l’époque, Roberto Escobar assure vouloir « battre Apple » en vendant un smartphone pliable à 349 dollars. L’appareil, baptisé Escobar Fold 1, est présenté comme « incassable »,« plus sûr que tous les autres » et capable de bloquer les tentatives d’espionnage des gouvernements.
Mais dès les premières semaines, certains observateurs lèvent un sourcil. Comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous, Marques Brownlee, star américaine des tests tech sur YouTube, publie une vidéo dans laquelle il avance que l’Escobar Fold 2 n’est autre qu’un Samsung Galaxy recouvert d’un autocollant doré. Le doute s’installe. Et pourtant, les promesses continuent.
Le site officiel met en avant un écran AMOLED, un Snapdragon huit cœurs, une double SIM et jusqu’à 512 Go de stockage. Les vidéos de promotion jouent à fond la carte du choc visuel. Le téléphone apparaît entre les mains de mannequins très légèrement vêtues. Le ton est provocant, le discours anti-système aussi.
Avant ce téléphone, Escobar Inc. avait déjà tenté un coup d’éclat avec une imitation du lance-flammes d’Elon Musk, vendue moitié prix. Dans le cas du Fold 1, le design rappelle fortement le FlexPai du chinois Royole. Roberto Escobar affirme que son modèle est plus solide que celui de Samsung grâce à un « plastique spécial », difficile à casser. Le téléphone est aussi censé offrir une sécurité renforcée. Une « coque avec métal » est censée bloquer certaines ondes. Le tout est vendu en ligne, avec une promesse de livraison gratuite, même en France.
Roberto Escobar pousse aussi l’attaque sur le terrain judiciaire. En parallèle du lancement, il annonce une class action de 30 milliards de dollars contre Apple. Il accuse la marque de vendre des téléphones « hors de prix et inutiles », et affirme avoir engagé un million de dollars d’avocats pour faire plier Cupertino.

Derrière l’écran pliable, un système organisé de fraude et de blanchiment
Finalement, le téléphone Escobar Fold 1 ne sera jamais livré aux clients. Pas plus que le Fold 2, une version « améliorée » qui n’était en réalité qu’un Samsung Galaxy Fold recouvert d’un autocollant doré. Le même schéma se répète pour tous les produits mis en vente par Escobar Inc : un iPhone 11 Pro reconditionné annoncé comme un « Escobar Gold 11 Pro », une crypto « physique » appelée Escobar Cash, ou encore le lance-flammes.
Dans un accord de plaidoyer signé ce mois-ci, Olof Kyros Gustafsson, ex-P-DG de l’entreprise, reconnaît avoir organisé toute cette opération. Le document judiciaire détaille que les produits étaient expédiés uniquement à des influenceurs tech, souvent des exemplaires maquillés, pour entretenir une illusion de légitimité.
Les autres commandes, elles, étaient encaissées, sans jamais donner lieu à une expédition. À la place, les clients recevaient un « certificat de propriété » ou un livre promotionnel, censé suffire à justifier un envoi. Ce stratagème permettait ensuite de rejeter toute demande de remboursement auprès des plateformes de paiement.
Quant aux fonds collectés, ils étaient transférés vers plusieurs comptes, aux États-Unis, en Europe et au Moyen-Orient. Certains portaient le nom de sociétés liées à Olof Kyros Gustafsson ou à ses proches. La fraude est estimée à plus de 1,3 million de dollars. Des virements via la Suède ou les Émirats arabes unis ont permis de brouiller les pistes et d’éviter les signalements trop précoces. Le P-DG déchu a plaidé coupable pour fraude, blanchiment d’argent et association de malfaiteurs. Il risque jusqu’à 20 ans de prison.
Selon le ministère américain de la Justice, l’opération a visé des centaines de victimes à travers le monde. Rien qu’en juillet 2019, un habitant de Californie a payé 249 dollars via PayPal pour un lance-flammes Escobar. Il a reçu un simple courrier. Ce genre de transaction a été recensé sur l’ensemble de la période entre 2019 et 2023, via Klarna, Stripe ou Coinbase. Le juge doit rendre sa décision le 5 décembre 2025.
Source : The Verge,, Ministère de la Justice américain