Le sommet mondial sur les océans de Nice réunit 167 pays face à l'urgence marine. Sauf qu'entre les annonces françaises et la réalité scientifique, le fossé se creuse.

Nice vibre au rythme des délégations internationales jusqu'au 13 juin, pour la troisième Conférence des Nations unies sur l'océan. Emmanuel Macron rêve d'un « moment fondateur pour la gouvernance océanique », mais les écosystèmes marins continuent leur chute libre. Le sommet promet d'être animé par les déclarations politiques et des données scientifiques alarmantes. Le chef de l'État a annoncé une nouvelle stratégie de protection des océans français, d'ores et déjà critiquée par les associations environnementales.
Les océans battent des records de pollution et d'acidification, alertent les scientifiques
Les scientifiques ne mâchent pas leurs mots. Comme le rappelle Reporterre, la masse totale des poissons prédateurs a chuté des deux tiers au cours du dernier siècle. Ces espèces, véritables sentinelles de la santé marine selon les chercheurs, témoignent d'un écosystème à bout de souffle. L'acidification océanique atteint des niveaux inédits depuis plus de 20 millions d'années.
Pire encore, quelque 24 400 milliards de particules de microplastiques flottent désormais à la surface des mers. Cette pollution résulte des 4,8 à 12,7 millions de tonnes de déchets pétroliers qui échouent chaque année dans les océans. Et les vagues de chaleur marines ont doublé depuis 1982, transformant progressivement les écosystèmes en zones mortes.
Malgré ces données accablantes, seulement 8,4% des océans bénéficient actuellement d'une protection. On est loin, très loin des 10% prévus pour 2020, presque un autre temps. Ajoutons que seuls 2,7% des espaces marins sont réellement fermés aux activités industrielles, l'unique niveau de protection efficace, selon la communauté scientifique internationale.
La France annonce, les associations dénoncent
Les annonces gouvernementales françaises des dernières heures semblent susciter autant d'espoir que de scepticisme. Emmanuel Macron promet « une des plus grandes aires marines protégées au monde » en Polynésie, promettant de couvrir 4,5 millions de km². Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, évoque de son côté 4% des eaux hexagonales sous « protection forte » d'ici 2026, contre 0,1% actuellement.
Seulement voilà, Zoé Lavocat, de l'association Bloom, dénonce une « imposture ». Ces termes de « protection forte » ne correspondent « à rien » juridiquement. Dans ces zones, la pêche industrielle reste autorisée avec des techniques destructrices comme la senne démersale ou le chalut pélagique, loin des recommandations européennes d'interdiction totale sur 10% des eaux.
L'analyse de Bloom révèle que nombreuses zones estampillées « protection forte » recoupent des espaces déjà interdits au chalutage depuis 2017, ou sont situés dans la bande des 3 milles marins, protégée depuis... 35 ans. « Rien de nouveau » donc, constate assez l'association, qui pointe un habillage médiatique d'anciennes mesures, plutôt qu'une réelle ambition environnementale.