Lionel Thoumyre - Spedidam : "La licence globale est parfaitement viable"

16 janvier 2006 à 00h00
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Suite aux déclarations gouvernementales sur le DADVSI*, le responsable 'nouvelles techniques' à la Spedidam précise son point de vue sur la licence globale.

AB - Nicolas Sarkozy a déclaré le 12 janvier 2006 que le principe de licence globale "n'est pas une solution viable". Qu'en pensez-vous ?

LT - La licence globale est parfaitement viable. Economiquement, la licence globale n'a pas vocation à se substituer aux offres commerciales. Elle prévoit simplement de rémunérer les artistes pour des usages exercés massivement et qui ne donnent lieu, aujourd'hui, à aucune rémunération.

Où donc est le problème économique ? Socialement, elle met un terme à cette guéguerre aussi absurde qu'inefficace que livrent les industriels et la SACEM à des millions d'internautes et qui discrédite le droit d'auteur.

Et puis, ce ne sera pas un mal de briser l'hégémonie exercée sur la diffusion culturelle par quelques multinationales. Techniquement, il est possible d'obtenir des relevés très précis sur les contenus échangés en ligne, par l'analyse des flux sans entrer dans la vie privée de l'internaute.

Juridiquement, enfin, la licence globale respecte les traités internationaux. Cela a été démontré par plusieurs experts.

Ce qui n'est pas viable, c'est la gratuité absolue qui règne sur les réseaux peer-to-peer (P2P), la répression de quelques internautes pris au hasard ou cette fameuse "riposte graduée" qui nécessiterait - même pour distribuer des amendes de 38€ - une surveillance généralisée du réseau.

Posons-nous la question : Pourquoi la France n'a-t-elle jamais adopté, jusqu'à présent, des solutions conduisant à surveiller les faits et gestes de tous les internautes, y compris dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité et la pédophilie ? Parce que la protection des libertés individuelles est en jeu ! Pourquoi le ferait-on alors dans le cas présent ?

Ce qui est en train de se produire est très étrange, et inquiétant.

AB - Le président de l'UMP et ministre de l'intérieur estime, pour sa part, que le prix forfaitaire demandé aux abonnés Internet pour procéder légalement au partage et au téléchargement en P2P : "ne sera jamais assez élevé" pour assurer la juste rémunération des ayants droit. Quel est votre avis sur la question ?

LT - Cette affirmation est absurde. Que touchent aujourd'hui les artistes pour les échanges d'oeuvres entre Disques durs sur Internet ? Absolument rien ! C'est ce rien qui, lui, n'est effectivement "pas assez élevé".

Mais faisons un calcul simple : Si à peu près un tiers des internautes relèvent l'option de la licence globale en 2006 et s'acquittent de 6,90€, somme hypothétique devant en réalité être fixée par une commission spécialisée, la perception annuelle pour 2006 serait au moins de 250 millions d'euros.

Comment le ministre peut-il affirmer que cette somme n'est pas assez élevée comparativement au "rien" actuel ?

A titre de comparaison, les sommes prélevées pour la copie privée ont été, en 2004, de 160 millions d'euros. La licence globale permettrait donc bien de rémunérer les artistes, et notamment les plus petits répertoires.

AB - Lors de la présentation de ses voeux à la presse, M. Sarkozy a ajouté que "les artistes et les ayants droit veulent être rémunérés selon leur talent et leur travail et pas de manière collectiviste". La licence globale n'est elle pas équivalente à un nouvel impôt destiné à rémunérer artistes et ayants droits comme des fonctionnaires ?

LT - La licence globale prévoit une rémunération pour un usage particulier que l'industrie culturelle n'est pas parvenue à stopper, et ce depuis 1998 ! Les sommes collectés et réparties auprès des artistes, proportionnellement à leur diffusion, s'ajouteront à celles qu'ils perçoivent déjà à travers leurs concerts et leurs ventes d'albums. Il n'y a pas d'effet de substitution.

Il n'y pas d'impact négatif de la licence globale sur le marché, et certainement pas sur les concerts, bien au contraire. C'est ce que prouvent de nombreuses études, dont celle de Médiamétrie d'octobre 2005 disponible sur le site lalliance.org.

Par ailleurs, le ministre délégué à l'industrie manque d'informations lorsqu'il annonce que "les artistes sont contre la licence globale". C'est absolument faux puisque 13.482 artistes se sont prononcés contre la répression et pour la licence globale.

Réduire l'opinion des artistes à celle d'une poignée de riches vedettes liées à des majors par des contrats d'exclusivité découle de la même logique qui consiste à réduire l'opinion de tous les parlementaires à celle des ténors politiques... Ce n'est pas cela la démocratie !

Enfin, comment peut-on encore confondre "gestion collective" et "collectivisme" ? Le droit des auteurs est depuis des décennies géré en gestion collective par la SACEM... Il n'y a pas d'autres moyens de percevoir une rémunération auprès des centaines de millions de lieux utilisant de la musique, même pour des auteurs connus. Peut-on dire au sujet de la SACEM qu'elle est "collectiviste" ou qu'elle participe d'une "soviétisation de la culture" ?

AB - A supposer que les sphères concernées souhaitent intégrer dans l'économie de la filière du divertissement culturel l'échange et le téléchargement peer-to-peer de fichiers audio & vidéo, la solution n'est-elle pas de proposer des services en ligne P2P payants ?

LT - Les services de téléchargement et d'échanges payants, quels qu'ils soient, doivent évidemment être développés... et ils se développent plutôt bien jusqu'à nouvel ordre. Mais en quoi le fait de proposer des services en ligne P2P payants résoudra-t-il l'absence de rémunération des artistes pour les échanges effectués sur les réseaux peer-to-peer non payants ?

Ce n'est pas parce que Napster, iMesh ou Grokster deviennent payants que les centaines d'autres réseaux P2P - notamment les nouveaux réseaux cryptés tels que Mute, Ants, Nodezilla, Napshare, Waste - vont se mettre au pas ! A moins d'interdire l'accès à Internet ou de mettre un mouchard sur le disque dur de chaque internaute, les échanges gratuits auront toujours de beaux jours devant eux.

J'insiste, la licence globale est la seule solution permettant de rémunérer les artistes pour cela.

AB - Lionel Thoumyre, merci pour ces explications.

  • DADVSI : projet de loi "droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information".
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