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Fabrice Depoix - indépendant : "L'individu devient média par le biais du télétravail"

10 octobre 2005 à 00h00
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Fabrice Depoix, graphiste, développeur web indépendant, détaille son parcours et aborde les problématiques liées au télétravail et à la société numérique.

AB - Fabrice Depoix bonjour. Vous êtes passé du statut de gérant d'une société multimédia à celui d'indépendant du web design et du développement. Quelles raisons ont motivé votre choix ?

FD - Bonjour Ariane. Disons que les deux statuts se sont succédés logiquement dans mon histoire professionnelle.

J'ai commencé à travailler dans le multimédia en 1996, pour la hotline du Cd-Rom de l'Encyclopaedia Universalis, quatre ans plus tard pour la même société (IDM), je gérais le projet du Cd/DvD Universalis dans son intégralité. C'est probablement la partie la plus formatrice de mon cursus, mais trop peu créative.

Je suis donc parti pour l'aventure IO-Interactifs, société achetée puis coulée par Dupuis qui donnait exclusivement dans la réalisation de projets "d'entertainment" comme on dit dans le milieu !

En 2000, la bulle Internet trop gonflée s'est écrasée et a explosé. Le divertissement en a fait les frais en premier, évidemment. La logique d'actionnaires a le courage qu'on lui connaît. Fin de l'aventure.

Quoi qu'il en soit, la période IO a été très créative et formatrice d'un point de vue développement et investissement personnels, très riche de rencontres aussi.

A la suite de cette expérience, impossible de revenir en arrière et vu l'état du marché, impossible d'aller de l'avant non plus !

J'ai par conséquent choisi de fonder une société avec deux de mes anciens collègues. L'idée de base semblait bonne : Un commercial, un développeur et un créa. Malheureusement, il manquait un objectif stratégique commun, nous étions à 2 contre 1 : deux pour la SSII, un pour le studio multimédia.

Seul à tenir à cette idée de studio et pas assez convaincant pour entraîner mes ex-associés dans l'aventure, l'idée a germé de travailler en "maison des artistes". Germé puis éclose, c'est la première à avoir obtenu l'unanimité !

Me voilà donc "artiste de la maison" et j'en suis plutôt heureux. En résumé, plus qu'une question de choix, c'est une question de conjoncture du marché et surtout une maturation de mes objectifs professionnels qui ont présidé à cette décision.

AB - Est-il aisé de trouver l'équilibre entre projets alimentaires et multimédias motivants, entre indépendance et confort matériel ? Pouvez-vous citer quelques exemples ?

FD - J'ai la chance d'avoir autour de moi plusieurs autres artistes indépendants, pur créatifs, qui jusqu'ici m'ont permis de travailler sur des projets à la fois lucratifs et enrichissants. La partie purement alimentaire représente vraiment une infime partie de mon travail.

Aujourd'hui, je travaille sur des projets "industriels" parmi lesquels Tetris
(http://www.tetris.fr/ et http://www.tetris.fr/optimespace/ en cours d'édition), où le client nous a donné carte blanche pour la réalisation de 4 sites, avec les étapes de validation qui s'imposent bien sûr.

Je travaille également pour des sites d'artistes qui offrent une liberté de ton graphique et des enjeux pluri-média très motivants pour moi (http://www.letaxiprod.com, http://www.stupeflip.com).

Enfin, je coopère à des projets plus expérimentaux de net-art où la liberté est totale (http://www.criticalsecret.com/n14). Viennent se greffer là-dessus des sites personnels (http://www.clebar.com/perou, http://www.clebar.com/portfolio/anim.htm).

Tous ces projets sont réalisés en groupe, avec des gens dont j'apprécie les qualités humaines avant tout. Dans ce cadre, même "l'alimentaire" est une expérience riche d'enjeux collaboratifs et créatifs.

AB - Selon la DARES et le Forum des droits sur l'Internet, 7% des salariés français pratiquent le télétravail nomade ou à domicile, si l'on y ajoute les indépendants, la proportion doit être bien plus élevée. Pensez-vous que ce soit une révolution ?

FD - Une évolution plutôt. Il s'agit, au départ, d'une somme de progrès techniques qui ouvrent le champ des possibilités d'organisation personnelle. C'est un rapport de confiance qui s'installe entre les donneurs d'ordres et les productifs.

Depuis que je travaille à domicile, j'ai le sentiment de travailler moins et de produire plus, ou plus efficacement, d'avoir plus de temps... Le trajet domicile-travail est instantané !

A mon sens l'amélioration notable est que l'exigence de méthode devient une exigence personnelle de résultat. Peu importe de commencer à 9h le matin ou de déjeuner en une heure, pourvu que le travail soit bien fait, rendu à bonne échéance.

Néanmoins, cela comporte également ses chimères et ses dangers. Pour commencer, le télétravail peut être perturbant, un cadre important de la vie sociale est à réinventer. La question de la motivation n'est pas sans poser problème.

Ensuite, il y a un manque de synergie. On apprend moins que lorsque l'on est dans une équipe de 20 personnes, c'est évident.

A mon sens, cet isolement pose un problème de plus, celui du respect du code du travail. L'organe syndical et les collègues sont là mais pas à portée de main. Cela peut entraîner une plus grande dépendance au travail, ce qui n'est pas le but.

Je connais quelques personnes dans ce cas et, croyez-moi, on ne peut parler ici, ni de modernité ni même d'évolution. En fait, l'aspect humain n'arrive pas toujours à suivre le rythme de progression du numérique.

Tout cela entraîne de nouveaux réflexes, le premier est plutôt positif : L'individu devient média. Dans sa façon de rendre son boulot il injecte plus d'aspects personnels, ne serait-ce que du fait qu'il n'est plus dans un milieu, un local purement dédié au travail. De ce point de vue, c'est probablement plus enrichissant.

Et puis il existe plusieurs métiers pour lesquels l'indépendance n'est pas nouvelle ! J'ai un ami qui règle les balances de pesage un peu partout en France. Lui aussi dispose d'une vraie latitude dans son organisation, il en est très heureux et ne conçoit pas de retour en arrière. On peut dire que ce type de travail "nomade" n'a rien d'inédit dans les métiers d'agents techniques.

Le télétravail est un processus enclenché depuis plus longtemps que les "nouvelles technologies". Grâce à elles, il peut maintenant être généralisé et facilité. Cela va changer pas mal de choses, sans doute plus dans la forme que dans le fond. Un exemple concret : Nous réalisons cet entretien à distance, en vis-à-vis j'aurais exprimé les mêmes idées mais différemment.

AB - Quelle est votre vision de l'avenir numérique, un cauchemar Orwellien ou l'univers des possibles ?

FD - Je n'y vois pas un bouleversement radical car le progrès technologique va plus vite que l'évolution des mentalités. Culturellement nous ne sommes pas capables d'évoluer aussi vite. L'évolution se fera au rythme des mentalités.

Preuve en est les conditions de travail dans feu les start-up. Censées être à la pointe de la modernité, elles ont été pour la plupart le théâtre d'un mépris avéré de l'individu. A l'inverse d'autres exemples plus positifs.

Je pense notamment à ces entreprises en faillite reprises par leurs employés en Argentine sur un système d'autogestion et de cooptation. Ces sociétés sont remises en état de marche, elles trouvent informations, soutien, collaboration par l'Internet. Le système se généralise par les réseaux, le numérique est un outil.

Le "cauchemar Orwellien", c'est la romantisation du numérique. Ne nous inscrivons pas dans ce cercle vicieux. Il faut lutter, parfois aller à contre courant. Heureusement, le numérique a déjà démontré qu'il permet de mieux se réunir, de mieux se faire entendre. C'est un facteur équilibrant et, jusqu'ici, assez libertaire.

AB - Fabrice Depoix, je vous remercie.
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