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"Énergie (nucléaire) des étoiles" : le Japon inaugure le plus grand tokamak au monde

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
04 décembre 2023 à 19h01
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Le JT-60SA et son réacteur de 13,5 m de diamètre. © F4E/QST/Fusion for Energy
Le JT-60SA et son réacteur de 13,5 m de diamètre. © F4E/QST/Fusion for Energy

Ce 1er décembre, le JT-60SA est officiellement devenu le plus grand réacteur actif dédié à la recherche sur la fusion. Après une décennie de travaux et deux années de réparations suite à un accident, ses résultats serviront à mieux maîtriser la fusion pour ITER, mais aussi pour les futurs réacteurs commerciaux.

C'est un monstre de 15,5 mètres de haut et de 13,5 mètres de diamètre, qui a enfin pris vie à Naka, dans la préfecture d'Ibaraki, au Japon. Dans l'installation la plus importante du pays (le Japon y a même accolé une école spécialisée sur la fusion), le réacteur de type Tokamak produit depuis fin octobre sa première campagne révisée de plasmas chauds à très haute énergie.

L'inauguration, ce vendredi 1er décembre, vient en quelque sorte récompenser ces premiers résultats très importants pour les recherches sur la fusion. Et c'est un succès japonais, mais aussi européen !

Un nouveau look pour une nouvelle vie

En réalité, le JT-60 a vécu plusieurs vies, à l'instar de plusieurs autres installations autour du monde sur la fusion. En effet, il a été construit dans les années 80, puis inauguré une première fois en 1985. Sa spécificité est d'avoir été conçu comme s'il allait atteindre la frontière énergétique à laquelle un réacteur de fusion produit autant d'énergie qu'il en nécessite pour fonctionner (on parle communément du breakeven ou de fusion à gain positif)… en sachant que le JT-60 n'atteint pas cette frontière. En effet, il n'utilise pas les isotopes les plus propices de l'hydrogène, le deutérium et le tritium, seulement de l'hydrogène et très peu de deutérium, ce qui permet d'avoir des installations beaucoup moins exposées à de la radioactivité, et donc de pouvoir les modifier plus vite.

Très utile, sachant que le JT-60 est dédié à la recherche, et non à prouver, comme son cousin plus moderne ITER, qu'il est possible de produire de l'énergie au-delà du breakeven sur des périodes significatives. Le JT-60 a donc été modifié et amélioré plusieurs fois en presque 40 ans : JT-60A, JT-60U et, à présent, JT-60SA dont la modification a démarré en 2013. En attendant ITER, il est le plus grand réacteur Tokamak au monde.

Chacun ses spécificités, et chacun sa taille. Le JET est le plus petit, mais c'est le seul des trois qui a fonctionné pour l'instant avec du deutérium-tritium... © QST/Fusion for Energy
Chacun ses spécificités, et chacun sa taille. Le JET est le plus petit, mais c'est le seul des trois qui a fonctionné pour l'instant avec du deutérium-tritium... © QST/Fusion for Energy

Maxi réacteur, mini ITER

Cette dernière amélioration a un lien direct avec le réacteur ITER, dont la construction, émaillée de problèmes (c'est après tout un territoire nouveau), a lieu en France sur le site de Cadarache. D'abord, le JT60-SA n'est pas qu'un réacteur japonais, il est partiellement financé et implique les travaux de nombreux chercheurs européens.

Ensuite, l'essence même de cette modification vise à former des plasmas à haute énergie qui auront la même forme que ceux d'ITER : même si le JT-60SA est plus petit, il partage désormais plusieurs éléments clés avec le réacteur en France, comme ses aimants conducteurs, la façon de refroidir le réacteur, la gestion des flux, le système de contrôle… jusqu'aux mêmes logiciels de conception et à la gestion de la documentation.

De quoi mesurer, préparer et optimiser à plus petite échelle les réactions de fusion qui auront lieu sur ITER d'ici la fin de la décennie. Un défi de conception, et industriel au cours duquel le JT-60SA a aussi dû faire face à différents déboires. Le plus important a eu lieu en mars 2021, alors que le réacteur était prêt. Lors d'un test avec son puissant champ magnétique, un court-circuit avait provoqué des dégâts, une enquête et 25 mois de travaux. Il est long le chemin pour maîtriser cette « énergie des étoiles » !

Source : FranceTVInfo

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (16)

pecore
Une telle énergie pourrait mettre d’accord les anti et les pro nucléaires. Même l’Allemagne a annoncé qu’elle voulait s’y coller, c’est dire.
ypapanoel
Ca me semble bien plus prometteur que tous les renouvellables hyper consommateurs de béton et de métaux rares. Mais techno qui ne sera sûrement pas maîtrisée avant au moins 50 ans.<br /> Donc d’ici là il va falloir être créatifs
Bilbo
ITER devait initialement être implanté au Japon mais Chirac n’était pas d’accord et tenait absolument à ce qu’il soit monté en France, il a eu finalement gain de cause.<br /> Mais le Japon est un redoutable négociateur, les contreparties ont été gigantesques avec des contributions françaises importantes au réacteur JT60 …
Rainforce
«&nbsp;Énergie (nucléaire) des étoiles&nbsp;»<br /> Énergie Nucléaire des Étoiles ? Bon je n’ai rien compris à l’article.<br /> Y’a moyen de transformer la terre en étoile de la mort, et envoyer un rayon plasma avec pour détruire la lune? #joke
JulienBache
Bon je vois pas trop le lien avec l’espace mais c’est toujours aussi agréable à lire et intéressant. Bravo
superjoy
JulienBache:<br /> Bon je vois pas trop le lien avec l’espace<br /> Tout simplement parce que le principe de la fusion est ce qui se passe au sein des etoiles (dont notre soleil), au contraire de la fission qui est mise en oeuvre dans les centrales nucleaires actuelles.
hebeldark
La fusion nucléaire est communément associée aux étoiles car c’est la principale source d’énergie des étoiles dont le soleil; pas forcément les mêmes molécules, ni les mêmes températures mais c’est le même principe
Martin_Penwald
C’est bien qu’on y travaille, mais ça ne servira pas à la transition énergétique. Si on arrive à faire fonctionner ce type de réacteur de façon fiable, ça ne sera pas avant 2060 ou 2070, en étant optimiste. À l’horizon 2085 voire 2100, plus probablement. Et ce n’est pas encore gagné qu’on arrive un jour à maîtriser la fusion. C’est extrêmement complexe. M. Bidouille a fait des vidéos intéressantes sur le sujet.
bennukem
C’est pour ça que tout le monde essaye, pour éviter les lenteurs françaises. Puis on imagine bien que le premier qui trouvera le truc, sera le nouveau roi du pétrole (si on peut dire)
xryl
Je ne suis clairement pas d’accord avec toi. Il suffit de voir la courbe de rendement des différents laboratoires et tu verras que le «&nbsp;break even&nbsp;» comme disent les anglais, c’est pour cette année ou l’année prochaine. Justement, je JT-60U dont il est question dans l’article doit dépasser le 100% de rendement, et il commence cette année.<br /> Avec le JT-60<br /> Après de là à avoir un Mr Fusion dans sa voiture volante, c’est sûr que c’est pas pour demain.
promeneur001
Je ne comprends pas qu’on se soit lancé dans ce projet, alors qu’avec la technologie du surgénérateur déjà disponible (deux surgénérateurs sont opérationnels en Russie et Chine).<br /> La France avec son stock d’uranium et de déchets serait indépendante pour mille an et plus.<br /> Bonus :<br /> on se débarrasse des déchets des centrales classiques, car ces déchets sont des combustibles pour un surgénérateur.<br /> un surgénérateur est capable d’utiliser ses déchets comme combustible.<br />
Martin_Penwald
Sauf que le ”breakeven”, Q&gt;1, a déjà été atteint il y a exactement 1 an à Livermore, Californie.<br /> Pour que la fusion soit viable, il faut arriver à Q&gt;5, et on n’y est clairement pas.<br /> Donc je ne pense pas qu’on aura des centrales à fusion opérationnelles, c’est-à-dire reliées au réseau et fournissant du courant en continu, avant 2060, voire 2070.<br /> C’est clair que ça serait mieux que ça arrive plus tôt, mais je n’y crois pas.
xryl
C’est le cadeau de Jospin aux écologistes pour avoir la majorité politique pendant 2 ans et qui a fait fermer Superphenix. Le nucléaire sans déchet, c’est une hérésie pour les écolos, toute solution doit absolument être brûlée par l’inquisition.<br /> Résultat, pour 2 ans de règne, il a condamné une génération. Nous avons perdu 30 ans de recherches et d’avancées, 30 ans que nous ne rattraperons jamais, vu que la fusion semble toujours plus accessible. Et pendant ce temps, les déchets s’entassent, ce qui fait le pain béni des écolos.
xryl
Difficile à prédire en effet. Mais au vu de l’accélération des avancées (la physique est de mieux en mieux maîtrisée), je ne pense pas qu’il va falloir attendre autant.<br /> Il est très probable que la Chine ait un réacteur à fusion opérationnel, relié au réseau dans les 5 à 10 ans à venir. Ils sont très très fort et ne s’embarrassent pas des problématiques de normes ou mesures de sécurités drastiques. Ils ont récemment battus pas mal de records sur la durée de fonctionnement de la fusion, de la température obtenue, et donc du rendement. Ce sont tous les verrous opposés à un fonctionnement continu qui tombent peu à peu.
Martin_Penwald
Un peu de sérieux, voyons. Non, la Chine n’aura pas de réacteur à fusion fonctionnel d’ici 10 ans. Et ce n’est pas en rognant sur la sécurité que ça va y changer quoique ce soit.
Phil_33
Effectivement, Jospin a sabordé le travail de milliers d’ingénieurs (j’ai fait mon stage à l’école de Sodium), c’est une honte absolue. Il faudrait s’atteler a redonner vie à Superphenix, le faire revivre de ses cendres, plutôt que d’essayer de faire fonctionner l’EPR. C’est dans les tuyaux, c’était Astrid, que les politiciens encore une fois ont sacrifié pour faire des moulins a vent qui fonctionnent a peine 25% du temps.<br /> Notre problème, c’est les bien-pensants et les brasseurs d’air.
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