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GODON : "La libre diffusion de la musique en ligne a de beaux jours devant elle"

08 mars 2005 à 00h00
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De la diffusion de la musique sur Internet aux licences Creative Commons, les fondateurs du groupe de rock "libre" GODON confirment leurs engagements.

AB - Dominique et Laurent, bonjour. GODON se présente comme un groupe français de rock "libre". En quoi votre musique est elle "libre" ?

DG - Bonjour Ariane. Le terme de rock libre est venu dans le cours du temps, parce que nous devions trouver une formule qui soit la plus représentative possible de notre musique comme de notre démarche, mais sans tomber dans les étiquetages un peu ridicules du style funk-rock-pop-dub-fanfare-festif-reggae-punk !

Nous étions clairement engagés dès le départ dans la libre diffusion, c'est à dire que la décision était prise de se passer des nuées d'intermédiaires gérant - et profitant - habituellement les carrières des groupes ou des artistes, y compris des moins connus.

Nous voulions diffuser exactement comme nous l'entendions nos morceaux et nos travaux, et ce sont les licences Creative Commons qui nous permettent de le faire.

Par conséquent, le terme "libre" s'applique aussi bien à notre façon de diffuser la musique qu'à notre façon de la faire. Dans le groupe, nous avons tous des histoires musicales et des goûts très variés, dont certains sont communs et d'autres pas du tout.

Notre musique est probablement une résultante libre de ces diverses sources d'inspiration. Nous nous sentons vraiment libres de faire la musique comme nous l'entendons, ce qui n'exclut pas de travailler un jour avec un "producteur", au sens de quelqu'un dont nous apprécions le travail, et qui vient "colorer" le son du groupe le temps d'un album...

AB - Godon (http://www.godon.org/) propose aux internautes des fichiers musicaux sous licence Creative Commons. Quels en sont les avantages ?

DG - Les licences Creative Commons (http://creativecommons.org/) sont des textes juridiques qui accompagnent les morceaux et définissent, en s'appuyant sur le droit d'auteur et ses spécificités françaises (droit moral, patrimonial, etc.), l'utilisation pouvant être faite de nos morceaux.

Concrètement, les utilisateurs peuvent se procurer nos morceaux de plusieurs façons, soit en les téléchargeant sur le site, en P2P ou sur d'autres sites, soit en achetant nos disques en magasin ou en ligne sur http://www.underprod.com/ ou http://www.cdbaby.com/.

Ensuite, ils peuvent écouter la musique sur leurs PC, dans leurs voitures, la copier autant de fois qu'ils le veulent, graver, distribuer les copies autour d'eux, librement, en respectant les conditions énumérées par la licence Creative Commons by-nd-nc-2.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/deed.fr).

Ces conditions sont les suivantes : Toujours mentionner le nom de l'auteur ainsi que la licence qui accompagne les morceaux, obtenir l'autorisation de l'auteur pour modifier la musique, et idem pour les usages commerciaux.

L'usage de ces licences présente plusieurs avantages, dont le plus important à mon sens est la faculté d'accorder ou de réserver un certain nombre d'usages.

C'est la base du projet Creative Commons, "Share What you Want, Keep What you Want" (Partager ce que vous voulez, Garder ce que vous voulez). C'est aussi le sens du "Some Rights Reserved" (Quelques Droits Réservés), qui figure sur le logo Creative Commons.

Un autre avantage de Creative Commons, c'est que ces textes, aujourd'hui traduits et adaptés en français (http://fr.creativecommons.org/), s'appuient sur le droit existant, ce qui offre un cadre légalement stable et solide aux auteurs qui souhaitent diffuser librement leurs oeuvres.

AB - Entre téléchargements payants légaux sur plates-formes "propriétaires" et échanges gratuits en P2P, la musique en ligne divise. De la diffusion aux téléchargements, quelles alternatives "libres" existent ?

DG - En lisant votre question, je me rends compte que l'opération de propagande menée par l'industrie du disque depuis le 17 janvier 2005, dans sa partie "Grande Opération de Communication" en tout cas, est en passe de réussir.

Cela me permet en même temps de vous remercier de nous donner une occasion supplémentaire, dans vos colonnes, de démonter les ficelles de ce "lobbying" grand public !

En effet, vous dites "téléchargements payants légaux sur plates-formes propriétaires" comme si la légalité se limitait a des actes payants ! Ce n'est heureusement pas la règle, loin de là, et je dépasserais le cadre de cet entretien si je devais énumérer les innombrables actes de la vie quotidienne qui ne sont pas payants, et pourtant bien légaux.

Dans le contexte musical, quand on dit que la musique est gratuite, avec le P2P, par exemple, je m'inscris en faux. Car, on peut parler de la bande passante, qui n'est pas gratuite, même si elle est de moins en moins chère, mais il y a aussi l'espace de stockage, les Disques durs des utilisateurs, qui sont normalement montés sur des PC/Mac, qui ne sont pas encore gratuits non plus...

Sans parler des périphériques de stockage de masse, comme les graveurs de CD ou de DVD, et les consommables qui vont avec, sur lesquels l'industrie du disque prélève au passage une taxe non négligeable, soit disant pour compenser le manque à gagner provoqué par le téléchargement !

Pour ce qui nous concerne, plutôt que de gratuité, nous préférons parler de "libre accès". Notre musique est en libre accès sur notre site, chez des sites amis et sur les réseaux P2P. Mais elle est aussi en vente.

Je dis souvent : 'Si vous pensez que notre musique est gratuite, rendez-vous dans un espace culture Leclerc, ou un Cultura, ou chez un disquaire indépendant et essayez de partir avec notre album Armagodon sans payer, c'est à vos risques et périls !'

Il y a donc une différence évidente entre le fait d'écouter la musique et le fait de consommer le support sur lequel elle a été enregistrée, support sur lequel figurent de plus en plus des bonus, images, films, morceaux inédits, interviews, etc.

Va-t-on porter plainte contre les gens qui écoutent de la musique aux bornes d'écoute des magasins ?

Je ne sais pas si on peut parler d'alternatives en ce qui concerne la libre diffusion, je dirais plutôt que c'est une pratique qui a été induite par l'Internet. Ce sont de nouvelles pratiques, et je crois que les majors n'ont pas su appréhender l'ampleur du phénomène.

Les plates-formes payantes - il faut se contraindre à cesser de dire légales - ont énormément de mal à décoller, parce que les internautes sont des gens qui savent lire, des citoyens aussi, et on ne peut pas se moquer d'eux indéfiniment.

Songez qu'il faut 4 à 5000 euros pour remplir un iPod de musique payante ! Pour ma part, je crois que les DRM (Digital Rights Management) sont condamnés à l'échec, et que la libre diffusion a de beaux jours devant elle...

AB - Ces alternatives peuvent-elles être appliquées à grande échelle ? Quelle est votre approche de la compatibilité/interopérabilité entre logiciels, entre services, entre baladeurs numériques ?

DG - Le magazine Wired a sorti en novembre 2004 un CD à 750.000 exemplaires avec des morceaux en Creative Commons des Beasty Boys, David BYRNE, Chuck D, Gilberto GIL, Zap MAMA...(http://www.wired.com/wired/archive/12.11/sample.html)

De son côté, Cory DOCTOROW, auteur britannique de science-fiction, a vendu 50.000 exemplaires de son livre "Down and Out in the Magic Kingdom", livre qui est proposé en libre téléchargement sous licence Creative Commons sur son site (http://www.craphound.com/down/download.php).

Quant au label américain Magnatune (http://www.magnatune.com/), c'est un modèle de réussite.

Bref... Les exemples sont nombreux et montrent que la libre diffusion peut s'appliquer à grande échelle.

Malgré tout, en France c'est pratiquement le silence total dans les médias. On parle de téléchargement, de piratage, de solutions légales et payantes, mais pratiquement jamais de libre diffusion !

Avec GODON, nous travaillons dur pour que cela change. Des initiatives sont en train de naître un peu partout, comme http://www.musique-libre.org/ ou encore http://www.jamendo.com/.

Concernant la compatibilité et l'interopérabilité, je crois qu'il en faut pour tout le monde : Certains ont envie d'acheter de la musique sur iTunes Music Store pour remplir leurs iPods, d'autres ont envie de mettre du MP3 ou du Ogg Vorbis dans leurs baladeurs...

Je crois qu'il faudrait que toutes les combinaisons soient représentées, et que l'industrie du disque cesse de vouloir imposer mordicus son modèle, qu'elle présente toujours comme étant le seul et l'unique.

Pour le logiciel, on sait maintenant que de multiples façons de développer sont possibles, il n'est que de constater le succès d'une entreprise telle que Mandrake, d'autant plus qu'elle a connu des périodes vraiment difficiles, ou encore la pénétration de navigateurs tels Netscape ou Firefox.

D'autre part, les OS libres comme Linux ou les BSD montrent largement que la qualité, l'efficacité et la convivialité ne sont pas réservées à une élite industrielle !

AB - L'avenir s'annonce-t-il musical, libre et vivant pour GODON ?

DG - Si l'on établit un parallélisme entre le développement fulgurant du logiciel libre ces dernières années, et ce qui est en train de se passer pour la libre diffusion, c'est sûr, de belles choses sont en préparation !

Notre musique est beaucoup téléchargée, 23.281 fichiers lors de la réalisation de cet entretien par exemple, les ventes de nos CD se réveillent, et un nouvel album est en préparation. Enfin, GODON va partir jouer live en Italie cette année.

Nous avons une tâche colossale à mener, mais cela ne nous fait pas peur, bien au contraire !

AB - Merci au groupe GODON pour ces éclaircissements.

Dominique Godon, chant / Laurent Godon, basse /
Sébastien Verlhac, guitare, chœurs / Olivier Martinez, batterie / Martin Bouny, batterie / Bertrand Lavergne, son / & co.
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