Olivier ANDRIEU, Abondance.com : "Beaucoup d'observateurs disent que Google pourrait être le nouveau

Jérôme Bouteiller
Publié le 21 septembre 2004 à 00h00
Spécialiste français des outils de recherche, Olivier ANDRIEU évoque le succès de Google, la stratégie de ses concurrents et le retard français en la matière

JB- Olivier ANDRIEU Bonjour. Vous êtes un des meilleurs spécialistes français des moteurs de recherche. Pensez vous que la domination de Google peut durer ? Ses concurrents directs MSN ou ont-ils les moyens d'inverser la tendance ?

OA - Beaucoup d'observateurs disent que Google pourrait être le nouveau Netscape, dans le cadre de sa future concurrence avec Microsoft dans le domaine du "search". Mais, si l'image n'est pas fausse, l'époque et le contexte ont changé. Google a su s'attirer un capital "sympathie" considérable, rendant une majorité d'internautes satisfaits de leur recherche sur le Web, ce qui n'était pas le cas avant lui. De plus, c'est aujourd'hui une société cotée en bourse, qui dispose de moyens financiers importants pour mener à bien sa stratégie de croissance. Elle emploie des centaines d'ingénieurs qui travaillent quotidiennement à améliorer les outils proposés en ligne. Google dispose également d'une capacité d'innovation qui semble inépuisable... Enfin, et ce n'est pas le moins important, je pense que Google est une entreprise qui a formidablement bien compris l'Internet, ce qui est un atout capital...

Tout cela pour dire que la partie n'est pas gagnée pour Yahoo! et Microsoft. Yahoo! a lancé, dans un premier temps, sa technologie de recherche YST qui, malgré une pertinence assez bonne, ne concurrence en rien Google aujourd'hui. Pour Microsoft, l'argument de maîtriser le système d'exploitation et le navigateur seront-ils suffisants ? L'avenir le dira... A mon avis, non. Un nouvel outil de recherche qui désire concurrencer de façon frontale Google devra proposer une meilleure pertinence et des facilités de recherche plus grandes, plus innovantes, pour voir les internautes changer leurs habitudes. Rien n'est impossible, mais rien n'est assurément facile...

JB - Quel regard portez vous sur les nouveaux outils de recherche sur le disque dur (SpotLight d'Apple) ou sur les nouveaux moteurs de recherche comme A9 (amazon) ou WebFountain (IBM) ?

OA - Beaucoup d'acteurs se positionnent sur la dualité "desktop search / web search". Si la recherche d'informations reste une constante dans ce domaine, cette dualité est-elle un passage obligé pour l'avenir ? Je n'en suis pas si sûr, car les deux types de recherches répondent à des besoins différents. Cela peut représenter une fonctionnalité intéressante, un réel plus, un confort supplémentaire, mais pas la "killer application" qui fera la différence entre les grands acteurs du "search" dans l'avenir. Mais ce n'est que mon avis et je peux me tromper...

JB - Yahoo vient de racheter Kelkoo, Google dispose de son Froogle. Faut-il anticiper une fusion prochaine entre shopbot et moteur de recherche ? N'est-on pas en train de ressusciter l'idée des agents intelligents des années 90's ?

OA - On arrive aujourd'hui de façon évidente vers des fusions entre moteurs web, shopbot, régionalisation de type "pages jaunes", voire publicité, liens sponsorisés, etc... Mais le challenge à relever consiste surtout à agréger de la meilleure des façons possibles pour l'internaute toutes ces données de façon "loyale".

En effet, la difficulté vient de la différence très nette d'origines entre toutes ces informations. Entre un lien "organique", un lien de comparaison de prix et un lien sponsorisé, il existe des différences très nettes et donc des attentes différentes pour l'internaute. Faut-il donc continuer à scinder les différents outils en fonction des cibles ou proposer une interface unique avec un risque évident de création d'"usines à gaz" ? Difficile de le dire. La solution viendra peut-être des possibilités de personnalisation sur lesquelles travaillent tous les acteurs du domaine. Par exemple, proposer plus de liens orientés "commerce" à un internaute très porté vers l'achat en ligne ou plus de liens organiques à celui qui ne veut pas en entendre parler ? c'est une piste de réflexion séduisante...

JB - La France ne compte pas de champion mondial des moteurs de recherche. 'Voila' se limite au marché tricolore, Exalead semble privilégier les
entreprises et les autres sociétés spécialisées (Reacteur, Kartoo, etc...) peinent à émerger dans l'ombre de Google. Est-ce une fatalité ?

OA - J'espère que non, en étendant même la réflexion à l'Europe. Aujourd'hui, lorsqu'on fait des recherches sur le Web, qu'utilise-t-on ? Des ordinateurs américains, des système d'exploitation américains et des moteurs de recherche américains... Sans vouloir faire de l'anti-américanisme primaire ni tomber dans une totale paranoïa, on peut quand même se dire que la situation est préoccupante. A une époque où la diffusion de l'information (bien plus que sa rétention) est primordiale, l'Europe a dix trains de retard dans ce domaine. Imaginez un conflit comme celui qui oppose les Etats-Unis à l'Irak et le traitement que pourraient faire les moteurs de recherche en fonction de la localisation géographique des internautes tapant leurs requêtes... Les résultats seront-ils les mêmes ? La géolocalisation est utilisée depuis longtemps pour la publicité en ligne, elle ne poserait aucun problème technique dans le cadre d'un filtrage des résultats fournis par les moteurs. Ce qui m'effraie plus est peut-être le fait que j'ai l'impression que peu de choses bougent dans ce domaine : aucune aide, aucun programme ne sont prévus, à ma connaissance, pour mettre en place des technologies de recherche innovantes et d'importance en Europe. Il faut dire "non" à la fatalité sous peine de lendemains qui déchantent...

JB - Olivier Andrieu, je vous remercie.
Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Abonnez-vous à notre newsletter !

Recevez un résumé quotidien de l'actu technologique.

Désinscrivez-vous via le lien de désinscription présent sur nos newsletters ou écrivez à : [email protected]. en savoir plus sur le traitement de données personnelles