Pierre Kosciusko-Morizet, PriceMinister.com : "Notre modèle d'intermédiation est vraiment vertueux"

04 juin 2004 à 00h00
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PDG-Fondateur de PriceMinister.com, Pierre Kosciusko-Morizet présente son modèle et sa société, récemment désignée "start-up de l'année" par l'IE-Club.

JB - Près de 4 ans après la création de PriceMinister, vous venez de remporter le prix de "start-up de l'année" décerné par l'IE-Club. Est-ce une satisfaction ?

PKM - Oui, c'est toujours une satisfaction de remporter un prix d'autant que depuis la remise du Mercure de la Création d'entreprise décerné en 2001 par HEC, nous n'avions pas été récompensés. L'IE-club regroupe des entrepreneurs et des investisseurs et c'est intéressant d'avoir aussi une marque de reconnaissance de cette deuxième catégorie car en 2000, aucun d'entre eux n'avait souhaité nous financer. Seuls des business-angels avaient alors relevé le pari de cette nouvelle forme de distribution qui n'existait à l'époque nulle part en Europe.

Je trouve tout de même l'intitulé du prix intriguant : on nous qualifie rarement de "start-up", d'autant que PriceMinister a été lancé après la bulle. Si cela signifie "société technologique en forte croissance " c'est cependant tout à fait exact bien sûr...

JB - Amazon ou Alapage se lancent à leur tour dans les biens d'occasion. PriceMinister multiplie les offres de produits neufs. Peut-on désormais parler de convergence vers un même modèle de hub réunissant acheteurs et vendeurs ?

PKM - Pour moi il y a effectivement une grosse convergence mais pas d'homogénéisation des offres. Je suis convaincu qu'un site doit offrir le plus de produits différents à ses clients. C'est une des explications du succès des hypermarchés. On a eu tendance à dire que sur internet il fallait être très spécialisé car "les internautes n'étaient qu'à un clic d'un autre spécialiste". Or c'est l'inverse qui se passe : les acheteurs qui aiment un marchand ne vont pas ailleurs. Le client veut acheter ses CD ou ses livres chez le même marchand. Notre statut d'intermédiaire nous permet d'être rentable sur chaque ligne de produit. On ne gagne pas forcément beaucoup d'argent sur chaque ligne mais en tout cas on n'en perd pas.

Des marchands comme Amazon, la Fnac ou Alapage qui ont commencé à vendre avec des stocks et une logistique propre ont de grosses difficultés pour se différencier. Ils ont les mêmes produits, souvent au même prix et avec le même service. Il n'y a pratiquement pas de fidélisation et ils se livrent une terrible concurrence à coup de bons d'achat. Ce sont des modèles qui nécessitent de lourds investissements et qui sont difficiles à rentabiliser. Je suis donc surpris qu'ils ne soient pas allés plus tôt vers les biens d'occasion et je pense qu'ils arrivent bien trop tard... PriceMinister est désormais dans un cercle vertueux : plus nous avons d'acheteurs et plus nous avons de vendeurs ce qui nous permet d'avoir beaucoup plus de produits d'occasion disponibles que chez Amazon ou Alapage.

JB - Quel regard portez vous sur des concurrents directs comme 2Xmoinscher ou eBay ?

PKM - 2xmoinscher.com a une bonne équipe mais leur manque de moyens financiers leur a certainement fait perdre la bataille pour devenir leader et je pense qu'ils ne pourront désormais plus nous rattraper. Nous avons plus d'acheteurs donc plus de vendeurs donc plus de moyens. Si Amazon ou Alapage n'arrivent pas à nous rattraper, je doute que 2XmoinsCher.com soit en mesure de le faire et je ne les vois plus comme une menace.

Pour eBay, qui avait pourtant racheté Half.com, à l'origine de notre modèle, leur manque de réactivité, qui explique à mon sens leur échec sur notre marché, est vraiment une surprise. Ils sont passé à côté de ce modèle peut-être parce que, vu des Etats-Unis, la France est un trop petit marché.

Notre modèle d'intermédiation - que l'on pourrait d'ailleurs comparer à par certains aspects - est vraiment vertueux. Nos visiteurs sont à la fois nos clients et nos fournisseurs, nous touchons une commission à chaque transaction et tout est géré de manière électronique. Plus nous grossissons, plus notre coût d'acquisition baisse et c'est en outre un modèle facilement transposable dans d'autres pays où nous n'avons pas besoin de logistique locale. Avec nos concurrents, nous ne nous livrons même pas de guerre sur les marges puisque le véritable enjeu est de séduire un maximum de vendeurs.

Aujourd'hui notre ambition est de devenir le premier site de e-commerce en France. Au début cela pouvait paraître ridicule mais aujourd'hui c'est juste ambitieux !  En nous lançant dans de nouvelles gammes de produits nous devenons concurrents de tous les sites de commerce électronique.

JB - Sur un plan stratégique, comptez vous poursuivre votre parcours de start-up en vous introduisant en bourse ou cherchez vous une alliance capitalistique avec par exemple l'un des géants français de la grande distribution ?

PKM - Pour le moment, notre seule priorité est la croissance avec le lancement de la vente de voyages, de voitures, d'électroménager, d'articles de sport et bientôt d'immobilier. Nous grossissons trop vite pour rechercher une alliance mais à mes yeux, l'idée d'une alliance avec la grande distribution a du sens car leurs modèles vont être affectés par Internet et que pour le moment, ils n'ont vu le e-commerce qu'au travers du prisme des cybermarchés, c'est-à-dire de modèles qui n'ont pas encore fonctionné.

L'entrée en bourse est une option qui nous permettrait de rester indépendants et d'accélérer notre développement en simplifiant l'acquisition d'autres sociétés par exemple. Mais pour le moment, nous n'avons pas besoin de la bourse pour nous financer.

JB - PriceMinister.com est partenaire de Meetic, MilleMercis ou encore . Cette alliance informelle de champions français de l'internet est-elle un moyen de faire face à la concurrence des sites d'origine américaine ?

PKM - Il n'y a pas de volonté affichée de rester entre français mais de fait, nous avons tous remarqué que les sites d'origine américaine étaient assez rigides et que le processus de décision devenait long et compliqué dès lors que nous proposions quelque chose d'original en matière de co-branding ou d'échange de trafic. Les partenariats se font donc principalement avec des acteurs locaux qui sont beaucoup plus réactifs et qui sont des partenaires idéaux pour tout développement pan-européen.

JB - Votre famille est puissante en politique. Avez-vous des ambitions particulières dans cet univers ? Êtes vous satisfait de l'évolution du cadre législatif actuel ?

PKM - Je ne suis pas sûr que le mot "puissante" soit le terme adéquat, mais "active", sûrement. Je suis jeune et mes envies peuvent encore évoluer, mais disons que pour le moment je trouve l'aventure de la création d'entreprise passionnante. A partir de rien, on peut en toute liberté inventer et construire une entreprise. En quelques années, PriceMinister a réussi à séduire une audience mensuelle de 4 millions de visiteurs, nous avons 1.5 millions de membres soit 1 français sur 40. C'est fantastique et c'est une satisfaction que j'aurais eu du mal à trouver ailleurs, même si de nombreux domaines m'intéressent comme la culture, mes voyages, ....

En ce qui concerne le cadre législatif, je trouve intéressant que l'Etat se penche sur Internet avec la LEN mais je suis toujours un peu méfiant lorsque l'on met des lois sur des choses qui marchent. Les parlementaires ont beaucoup de choses à faire, peut-être auraient-ils pu consacrer leur énergie à des dossiers plus urgents ? Cette loi aurait pu attendre et ne résout pas de vrais problèmes comme le spam.

Sur le texte lui-même, je suis très surpris qu'on ait adopté un texte définissant des obligations des e-commerçant plus contraignantes que celles des commerçants traditionnels, et notamment plus contraignantes que celles proposées par la directive européenne. Quelle est la logique de ceci, lorsque l'on parle d'un marché européen, avec des marchands qui vendent dans plusieurs pays et sont donc concurrencés sur chacun des marchés nationaux par des acteurs soumis à des lois nationales différentes ? Quoiqu'il en soit, notre priorité est la satisfaction de nos clients et nous allons bien au-delà des minima réglementaires dans les garanties que nous leur apportons.

JB - Pierre Kosciusko-Morizet, je vous remercie.
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