Stephane KIMMERLIN, Microsoft : "Nous voulons rétablir quelques vérités au sujet de Linux"

16 mars 2004 à 00h00
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JB - Stéphane KIMMERLIN, bonjour. En quelques mots, pourriez vous présenter votre parcours ?

SK - Diplômé en mathématiques et informatique, je suis entré en 1987 chez Olivetti où j'ai découvert aussi bien le monde UNIX que les réseaux utilisés par le secteur bancaire. Devenu Ingénieur Système Unix, je me suis spécialisé en bases de données puis en télécoms, en profitant d'une structure assez souple. En 1990, j'ai rejoins ALTOS Computer Systems, à l'époque le leader pour les systèmes UNIX sur plate-forme Intel, où j'ai occupé des fonctions d'ingénieur avant vente puis de responsable marketing serveurs. J'ai rejoins Microsoft en 1994, au moment où la société lançait Windows NT, pour occuper le poste de chef de produit Windows NT Server. J'ai ensuite eu la responsabilité du marketing de l'ensemble de la gamme serveurs de Microsoft. En 1999, j'ai rejoins la division Internet dans laquelle je me suis occupé du marketing de la plate-forme MCIS (destinée aux fournisseurs de services Internet), des relations avec les opérateurs et du business development autour de Windows Media. En 2000, je suis parti aux Etats-Unis en tant que chef de produit Passport et .Net My Services. Enfin, en 2002, je suis devenu responsable marketing de la région West, East et Central Africa (poste basé en Afrique du Sud) avant de rentrer en France en tant que responsable stratégie pour la division plate-forme d'entreprise. Je porte une attention particulière à la compétition, en particulier open source. En fait, je suis un peu le "Monsieur Linux" de Microsoft France.

JB - Microsoft entame une grande compagne de communication opposant Microsoft et GNU/Linux. Quelle est la nature de votre message ?

SK - Cette communication fait partie de la campagne de lancement de la nouvelle marque de notre gamme serveurs, Windows Server System. Nous souhaitons communiquer sur ses capacités d'administration, sa sécurité et bien entendu sur son TCO (total cost of ownership). C'est dans ce cadre que nous avons voulu rétablir quelques vérités vis-à-vis de Linux.

En effet, ce n'est pas parce que le coût d'achat des licences GNU/Linux est nul, que le TCO est nul. Nous voulons faire prendre conscience aux décideurs informatiques qu'il faut prendre en compte l'ensemble des paramètres. Beaucoup de DSI pensent actuellement à migrer de plates-formes UNIX propriétaires sur processeur RISC vers des serveurs Intel meilleur marché. Beaucoup pensent bien évidemment à Linux mais nous souhaitons qu'ils évaluent également la plate-forme Microsoft, qui a beaucoup à leur apporter.

JB - En attaquant GNU/Linux, vous ne craignez pas de lui donner au contraire une certaine légitimité ?

SK - Je crois que la question ne se pose plus. Tous les DSI connaissent déjà Linux et notre étude permet au contraire à nos défenseurs de disposer de véritables arguments pour discuter avec les promoteurs de Linux.

JB - Certains observateurs reprochent à votre étude d'être déjà obsolète.

SK - L'étude IDC sur la comparaison du TCO pour différentes charges serveur a été réalisée en 2002 et nécessitait un minimum d'historique pour être pertinente mais elle ne devrait pas être utilisée en France. Nous devrions par contre nous baser sur les travaux du MetaGroup dont le propos est sensiblement le même, à savoir que les le TCO doit être calculé sur le coût global d'une solution; que dans ce coût, le logiciel est marginal et qu'il faut surtout s'intéresser à l'administration, à la maintenance et aux services. Dans ce cadre, le support sous Linux coûte souvent plus cher que sous Windows.

Nous devrions également publier une étude réalisée par Veritest en 2003 sur les performances des serveurs Web. Les résultats montrent que, contrairement à ce que croient beaucoup de personnes, Windows System 2003 et IIS sont supérieurs à une solution Linux RedHat 2.1 + Apache avec des gains allant de 14 à 300% en fonction des configurations retenues.

JB - La rivalité avec GNU/Linux se limite t'elle aux performances ? Steve Balmer parlait de "cancer" pour désigner Linux.

SK - Steve Balmer n'a peut-être pas trouvé la meilleure formule. Il souhaitait simplement décrire le mode de propagation viral de la licence GPL obligeant tout logiciel utilisant du code GPL à passer sous GPL. Mais Microsoft n'a rien de particulier contre l'opensource. Si vous allez sur sourceforge près de 30% des logiciels sont conçus pour Windows et nous croyons aux vertus de la mutualisation qui sont d'ailleurs à l'origine de la naissance d'une industrie comme le logiciel. Nous préférons faire du prêt-à-porter plutôt que du sur mesure, c'est un modèle "win win" garantissant des prix plus bas pour les consommateurs.

Mais la GPL est en désaccord avec la notion de propriété intellectuelle et notre conception industrielle. Nous voulons également rappeler que l'opensource n'est pas forcément synonyme de "standard ouvert".

JB - Microsoft a été l'un des premiers groupes à payer une licence à SCO. Vous pensez que leur démarche est fondée ?

SK - Nous ne sommes pas en mesure de répondre. Mais Microsoft n'a pas versé de droits pour Linux mais des droits pour UNIX, dont SCO reste propriétaire.

JB - semble satisfait de GNU/Linux. Craignez vous que d'autres groupes informatiques fassent un choix similaire ?

SK - IBM fait un choix intéressé. Au delà d'une possible rancœur vis-à-vis de l'ascension de Microsoft dans les années 80, IBM avait besoin d'une solution logicielle pour unifier ses architectures informatiques du PC au mainframe. Et le modèle de l'open source, largement basé sur les services, correspond parfaitement au besoin de croissance d'IBM Global Services.

Ce modèle économique basé sur les services, qui est aussi celui des fournisseurs de distributions Linux, pourrait d'ailleurs poser un problème dans les prochaines années. En effet, comme la frontière entre éditeurs et SSII tend à disparaître dans le monde open source, les tensions positives qui existent dans le monde commercial entre ces deux acteurs, et qui ont historiquement crée une spirale de valeur ascendante dont on peut voir les résultats aujourd'hui, deviennent moins fortes. Qui aura demain intérêt à rendre les systèmes open source plus faciles à déployer, à utiliser et plus riche de fonctionnalités, quand c'est précisément la complexité et les possibilités de développer des fonctionnalités manquantes qui constituent l'intérêt des SSII ?

JB - Depuis l'introduction en bourse de RedHat, le monde du libre est de plus en plus commercial. Quel regard portez vous sur cette évolution ?

SK - RedHat doit gagner de l'argent et rémunérer ses actionnaires. Ne pouvant pas vendre de licences, ils cherchent à gagner de l'argent avec le support et sont donc soumis aux mêmes obligations qu'une société comme Microsoft. Pour le marché des desktops, nous regardons également le rachat par de Suse et Ximian, la création de Java Desktop System par Sun et bien sûr Mandrake. Ce qui fera la différence ce sera le modèle économique et la qualité de l'organisation et des hommes. Nous pensons que notre modèle qui consiste à ré-investir toujours plus en R&D grâce à la vente de licences fournira plus de valeur aux entreprises.

JB - Selon vous, d'où viendront les prochains concurrents de Microsoft ? Du libre ? De la mobilité (Symbian), du online (Google) ?

SK - D'un peu partout évidemment et probablement de Microsoft lui-même car notre premier concurrent, c'est notre base installée et nous devons convaincre nos clients de migrer vers de nouvelles solutions comme Windows Server System.

JB - Que pensez vous du projet de Linux asiatique étudié par la Chine, la Corée et le Japon ?

SK - J'ai connu ce phénomène en Afrique où beaucoup de gens disaient qu'ils en avaient assez de «donner des dollars à Redmond» et voulait créer une «solution africaine pour les africains». En réalité, l'essentiel de la valeur ajoutée générée par les produits Microsoft est consommée localement. Et d'autre part, on se rend compte qu'il est très difficile de créer un marché ex-nihilo pour une plate-forme logicielle. Il faut beaucoup d'investissements, beaucoup de compétences, beaucoup de ressources humaines, une bonne organisation et que cela s'intègre dans une logique de marché. Je ne suis pas sûr que des gouvernements puissent réunir toutes ces conditions. Et puis, il faut rappeler que le projet dont on parle n'est que l'un des nombreux projets que ces pays ont décidé de mener ensemble dans des secteurs tout à fait autres que l'informatique. Attendons d'en voir les résultats.

JB - Pensez vous que l'on puisse voir dans l'opposition Microsoft / Linux un énième épisode du conflit droite/gauche ou de celui entre le capitalisme et le communisme ?

SK - Je ne qualifierais pas Linux de communiste car ce terme est souvent entendu de façon péjorative. Mais je pense qu'on peut évoquer les termes "Communautaire" ou "libertaire" pour le désigner. La philosophie du libre est en tout cas très respectable et à titre personnel, je me sens très proche de la population de développeurs qui a contribué à l'apparition de Linux en si peu de temps. Peu de projets humains ont atteint une telle envergure et cette communauté a vraiment changé le monde.

Même si Microsoft ne dispose peut-être pas de cette image, nous souhaitons également aider les individus et les entreprises à réaliser leur potentiel grâce à nos logiciels. Nous pensons que nos outils sont accessibles au plus grand nombre alors que Linux s'adresse en premier lieu à des informaticiens. Enfin, nous avons une véritable capacité d'investissement et donc une réelle capacité d'innovation nous permettant de conjuguer notre passion du logiciel avec le potentiel de nos clients.

JB - Stéphane KIMMERLIN, je vous remercie.
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