Nathalie OMORI, PDG de Parissmooz, la référence parisienne sur le Net Japonais

14 mars 2002 à 00h00
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PU : Nathalie OMORI, bonjour. Pouvez-vous me parler de votre parcours et présenter la société Parissmooz ?

NO : Bonjour. Mon parcours a toujours été en relation avec l'image de la France au Japon.
Je suis juriste de formation, je parle couramment japonais pour avoir passé deux ans en université à Tokyo. En 1986, je rentre chez Roussel Uclaf au Japon, en charge du développement de l'image institutionnelle de cette société au Japon. Après deux nouvelles années, je rentre en France pour travailler sur les budgets de pub japonais tournés en France (en général, les spiritueux et le luxe). Enfin, en 1990, les Galeries Lafayette me recrutent pour développer leur trafic sur le point de vente de clientèle touristique asiatique. J'y suis restée 9 ans, le poste s'est colossalement développé, la clientèle asiatique aussi. En quittant les Galeries Lafayette, ces différents marchés asiatiques pesaient environ pour 1/8 du C.A du magasin Haussmann.

En 1999, je quitte les Galeries Lafayette, forte de mon expérience, pour cette fois-ci monter un media touristique, un city-guide sur Paris en japonais dédié à une tranche de clientèle jeune, active et féminine dite les "offices ladies", folles de voyages en Europe, plus particulièrement à Paris, et de shopping, le tout sur internet. Ce media s'appelle Parissmooz.com

PU : Comment est née l'idée et quel est le champ de compétences de Parissmooz ?

NO : La clientèle touristique est une clientèle qui est très complexe à isoler tant qu'elle n'a pas acheté de billet d'avion ou réserver un hôtel. Or, cette clientèle, et surtout la clientèle touristique japonaise est stratégique dans le tissu économique français pour deux types d'acteurs : le luxe et le tourisme.

Dans le secteur du luxe et plus particulièrement des marques phares, le pourcentage de C.A réalisé sur Paris par cette clientèle peut aller jusqu'à 50 % du CA total en boutiques parisiennes.
Pour être clair, s'il n'y avait pas de touristes japonais en France, le luxe français vivrait peut être bien à l'étranger, mais mal en France ! D'une certaine façon, le luxe est le premier produit "touristique" français.

Dans le secteur touristique, les chiffres sont simples, 1 million de japonais viennent en France chaque année, 90 % passent 3.5 nuitées à Paris.

L'idée première du city-guide, c'est d'aller identifier une clientèle dans sa préparation au voyage, lorsque cette cible cherche de l'information, sachant qu'internet va proposer une info beaucoup plus fraîche, interactive, mise à jour régulièrement, qu'un guide de voyage papier qui se renouvelle au mieux tous les ans.

La deuxième idée était de comprendre que cette audience avait la valeur dont je vous parle pour le luxe et le tourisme et donc d'imaginer des formes de sponsoring des maisons de luxe sur un media idéal par sa réactivité à l'information.

En fait parissmooz, c'est un nouveau type de media sur le marché qui s'articule sur la relation triangulaire entre le Japon, Paris et le luxe (ou la mode, ou le shopping).

PU : Pouvez-vous présenter plus en détail le site Parissmooz.com et sa cible ?

NO : Parissmooz est un city-guide complètement marketé en fonction de sa cible, les offices ladies. Il s'agit des jeunes femmes japonaises qui ont fini leurs études, qui travaillent dans les sociétés japonaises, les Sony, les Toshiba en tant que "petites mains". Au Japon, c'est un peu caricatural mais peu de femmes font carrière. La situation de l'emploi n'est pas égale à celle de l'homme. Ces jeunes femmes ne s'investissent pas dans ces jobs qu'elles vont quitter au mariage ou à la naissance du premier enfant.
Par ailleurs, comme elles ne sont pas mariées, les offices ladies vivent souvent chez leur parents, n'épargnent pas pour l'avenir, ce rôle est dévolu à l'homme, et "claquent" l'argent qu'elles gagnent en shopping à Tokyo, en voyages à l'étranger et en shopping à l'étranger. Et Paris est une de leurs destinations préférées. On vient parfois du bout du monde pour faire les Soldes parisiennes!

Parissmooz leur donne les clefs pour passer une semaine à Paris comme si elles étaient parisiennes : nouveaux magasins, nouveaux créateurs, bars où on se doit d'être vu, bons plans restos par chers et branchés, instituts de beauté qui montent...

PU : le site n'est-il qu'une « vitrine » ou avez-vous développé une offre de commerce électronique ?

NO : Nous ne sommes pas un vitrine, nous sommes un vrai media, avec une vraie rédaction, des journalistes, une indépendance éditoriale. Personne ne nous donne un franc, pardon, un euro, pour être recommandé sur Parissmooz, nous identifions nos adresses, nous les testons, les sélectionnons en toute indépendance. L'internaute de son coté voit parfaitement la différence entre le contenu éditorial pur et les concepts de "publi-rédactionnels" que nous mettons en place.

Quand au e-commerce, c'est une autre histoire, nous avons un module e-commerce, qui ne vend pas de luxe, en raison de la complexité des relations exclusives des maisons de luxe et de leurs distributeurs japonais.
Nous vendons des produits français authentiques. Mais cela ne marche pas bien. Le e-commerce transcontinental est complexe et d'autre part les japonais sont très réticents en ce qui concerne le paiement par carte bancaire sur Internet.
Ceci dit, nous savons que c'est une question de temps, d'habitude, de notoriété, alors nous attendons notre heure en tâtonnant et en faisant des essais.

PU : Quel est l'accueil du site au Japon ? Par quel biais vous faites-vous connaître ?

NO : L'accueil est vraiment bon puisque nous avons atteint un taux de couverture de la cible office ladies venant en France de lors de 80%. Un peu plus de 180 000 visiteurs auront visité parissmooz entre Juin 2001 et Juin 2002.
Nous travaillons avec une attachée de presse, nous développons beaucoup les rubriques co-brandées sur papier, on et off line et les campagnes de netlinking vers notre site.
Le paysage Internet japonais est très différent du français et d'autre techniques sont possibles.

PU : En France, qu'en est-il de votre reconnaissance auprès des acteurs du luxe et du tourisme ? Quels sont vos clients ou partenaires ?

NO : Nous sommes connus des principaux acteurs touristiques et du luxe. Nous travaillons beaucoup avec les sociétés du groupe LVMH car nous avons ceci de commun avec eux de nous passionner pour les japonais et pour l'Internet. Par exemple, nous travaillons avec Louis Vuitton, Céline, Le Bon Marché, Moët, Make Up for Ever et bientôt d'autres. Pour le tourisme, nous travaillons avec Tax Free, les Hôtels Concorde, La Vallée Outlet Shopping Village, Eurostar...

PU : Qui sont les actionnaires de la société ? Quels ont été les fonds levés et comptez-vous procéder à un nouveau tour de table pour vous développer ?

NO : Les tours de table, cela suffit, il faut prouver notre autonomie financière récemment acquise pour passer du point mort à la rentabilité. C'est la seule chose qui compte pour nous.
Nous avons levé 10 millions de Francs en plusieurs levées consécutives auprès de Business Angels de renom comme Jean-Paul Gaultier et Piétragalla, d'institutions financières comme le fond de seed capital de la Banque Populaire de Lorraine, et par ailleurs auprès de fortunes privées anonymes.

PU : Comment se repartissent vos sources de revenu, qu'en est-il de votre chiffre d'affaires et de votre rentabilité ?

NO : Nos revenus se répartissent pour moitié sur le sponsoring et l'autre moitié sur du net coaching et de la localisation de sites Internet en japonais.
Nous sommes une sorte de web agency dédiée à l'internet japonais et possèdant notre propre outil de visibilité. Nous avons fait 290 000 euros de CA en 2001 et notre objectif 2002 est de 460 000 euros, c'est à dire le point mort.

PU : La France et ses produits de luxe sont très prisés par les japonais, pouvez-vous donner quelques chiffres concernant ce marché ?

NO : En dépenses locales en France, hors hébergement et restauration, un japonais dépense en moyenne 1100 euros en France sur un séjour moyen de 3.5 nuitées, vous n'avez qu'a multiplier les 1100 euros par un million de visiteurs, c'est, sur le plan financier, le premier marché touristique.
Cependant, la part afférente au luxe uniquement est inconnue. Les japonais n'achètent pas que du luxe, ils sont friands de mode en général, de spécialités alimentaires, d'alcools et maintenant de vins.

PU : les japonais sont en avance en terme de mobilité avec le i-mode et le lancement récent de la téléphonie de 3e génération, envisagez-vous des développements de ce coté ?

NO : L'Asie est folle de mobilité parce qu'il y a peu de place dans les maisons pour les ordinateurs et parce que depuis les années 60, les téléphones ont été très fortement développés.
Nous ne souhaitons pas nous développer sur i-mode pour deux raisons. En terme de préparation du voyage, le media est peu qualitatif et les surfeurs i-mode cherchent de l'info immédiate, du jeu. I-mode sert à s'occuper dans le métro au Japon. Notre media n'a pas sa place dans cet univers, au demeurant peu qualitatif.
Là où i-mode deviendrait stratégique pour nous c'est s'il se développait en France ou plutôt s'il marchait en France. Là, nous pourrions encore plus aider l'internaute concrètement dans son séjour. Mais le système téléphonique mobile japonais en lui même n'est pas compatible avec le notre actuellement.

PU : De façon générale, quels seront vos développements futurs ?

NO : Nous réfléchissons à des prestations payantes liées au tourisme, différentes de celles que propose le marché aujourd'hui. Entre autre, nous nous demandons s'il n'y a pas un marché intéressant à développer de façon payante sur l'information touristique pointue. Des shopping pass, des carnets d'e-coupons interactifs, des services de réservation de produits en boutiques....

PU : Nathalie OMORI, je vous remercie.

Propos recueillis par Pascale Ulmo

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