Faïz Henni, directeur associé chez P2P ("People-to-People"), société développant des technologies d

21 février 2002 à 00h00
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Faïz Henni présente P2P, société développant des technologies de mise en relation applicables sur Internet, sur les réseaux mobiles et en entreprise

PU : Monsieur Faïz Henni, bonjour. Pouvez-vous me parler brièvement de votre parcours et présenter la société P2P ?

FH : Je n'ai rien d'un pionnier de l'Internet. Je n'y suis venu, à titre professionnel, qu'en 1998. De formation Sciences Po, j'ai alors intégré l'agence Wcube, devenue par la suite Framfab France. A l'époque, nous étions si réservés sur les mythes véhiculés par la nouvelle économie triomphante que nous avons décidé de lancer un pavé dans la mare. Et j'ai écrit ce "Livret blanc sur le commerce électronique", qui se voulait une douche froide dans le délire ambiant.

En préparant le projet "People-to-People", nous nous sommes efforcés d'éviter les écueils les plus courants des start-ups. D'abord, intervenir dans un domaine où les NTIC apportaient une indéniable valeur ajoutée : la mise en relation. Ensuite, concevoir un modèle économique sain, qui ne repose pas sur des sources de revenus fragiles comme la publicité. Résultat : nous sommes toujours vivants !

PU : Vous avez développé une technologie baptisée People-to-People. De quoi s'agit-il ?

FH : Il s'agit d'une technologie universelle, multi-accès et multi-plate-forme, de mise en relation des personnes. Partout où des personnes mènent ou souhaitent mener des activités communes, à des fins personnelles, professionnelles ou associatives, People-to-People peut être utilisé avec pertinence.

Notre métier, c'est l'optimisation du "rendement relationnel" au sein d'une entreprise, d'une communauté, d'une organisation. Cela suppose un profiling très affiné des personnes, sur une base essentiellement déclarative. Ensuite, tout est dans la manière dont nous modélisons les inter-relations entre les individus, entre les individus et la communauté à laquelle ils participent. Il peut s'agir de l'ERM, de la gestion de compétences, du CRM, des communautés virtuelles ou encore "d'hyper-annuaires" pour divers types d'organisations.

PU : Vous fournissez votre technologie en marque blanche. A qui s'adresse-t-elle ? Qui sont vos clients ?

FH : Il y a plusieurs typologies de clients. Dans le domaine de l'ERM, de nombreuses entreprises et organisations se heurtent à des problèmes de gestion de compétences, de manque de cohérence interne. Le CNRS vient de nous passer commande pour son intranet. Dans le domaine des communautés, nous avons lancé un service destiné aux collectivités locales, "CommeVous Local", qui se vend très bien car il correspond exactement aux attentes des habitants. La mairie d'Issy-les-Moulineaux vient de le mettre en ligne .

Quant au CRM, notre technologie permet de générer des données personnelles d'une précision et d'une sincérité jamais vues. C'est un matching très fin entre la demande et l'offre, pour le plus grand bénéfice des clients comme des marchands.

PU : Quel intérêt peut en retirer un site marchand ?

FH : Imaginons un vendeur de livres ou de disques. Il installe sur son site un service de mise en relation du type "rencontrez des passionnés de jazz comme vous" ou "échangez vos idées avec des férus de poésie comme vous". Les personnes déclarent sincèrement ces centres d'intérêt très précis. Outre l'aspect communautaire, qui accroît le trafic, notre marchand dispose d'un fichier ultra-qualifié. Il peut facilement l'exploiter grâce à nos technologies "Profile-targeted e-mailing" et "Profile-targeted advertising", ou encore effectuer des études marketing très fines sur sa clientèle.

Avec cette approche, entièrement inédite, nous pouvons révolutionner le CRM. Après plusieurs expériences sur CommeVous.fr, nous recherchons actuellement des sites partenaires pour la tester à plus grande échelle.

Bien sûr, tout cela doit se faire dans un cadre de confiance très clair avec les clients. Pas de confiance, pas de commerce ! Pour le démontrer, nous avons nous-même ouvert la voie avec une Charte des données personnelles qui va bien plus loin que les recommandations de la CNIL.

PU : CommeVous.fr constitue une vitrine de cette technologie. Pouvez-vous présenter ce site et dresser un premier bilan près d'un an après son lancement ? Qu'en est-il des services payants ?

FH : C'est le premier - et seul à ce jour - moteur de recherche des personnes sur le Net. Un "Yahoo!" des personnes : simple, mais il fallait y penser ! On y trouve aussi bien des baby-sitters que des partenaires de tennis ou des "âmes sœurs". En moins d'un an, et avec un budget marketing symbolique, plus de 50.000 internautes s'y sont référencés, en indiquant des centres d'intérêt et d'autres critères personnels très riches et variés.

Depuis quelques mois, nous avons lancé des services payants, conformément à notre stratégie initiale d'abonnements. Nous avons enregistré des taux de transformation très significatifs (supérieurs à 5%) mais, faute d'investissements marketing suffisants, nos capacités de recrutement restent limitées.

PU : Vous avez développé « CommeVous Local ». Quel est l'accueil des collectivités locales face à ce produit et quels bénéfices peuvent-elles en retirer ?

FH : CommeVous Local, c'est la mise en relation des personnes dans un cadre de proximité. Le service est très bien accueilli par les collectivités car il correspond exactement aux attentes prioritaires des citoyens vis-à-vis de l'Internet local : des services et des infos sur les loisirs, des contacts avec les associations et commerçants locaux. C'est aussi une opportunité de communication formidable pour les élus : le jour où il y a une grève des transports, ils peuvent dire à leurs administrés qu'il existe un service de co-voiturage sur le site de la mairie !

PU : Cette technologie est-elle déclinable sur d'autres terminaux que le PC ? Qu'en est-il de ses applications au monde mobile ?

FH : Développée en Java (J2EE), notre technologie est totalement indépendante de l'interface utilisateur. Elle est adaptable à n'importe quel type d'usage, n'importe quel thème de mise en relation. C'est pourquoi nous sommes courtisés par des acteurs majeurs de la téléphonie mobile, et préparons une belle opération avec un des leaders mondiaux des PDA.

PU : Pouvez-vous me parler de sa déclinaison à l'intérieur de l'entreprise ?

FH : Aujourd'hui, un grand nombre d'applications en entreprise sont en échec car on ne tient pas assez compte de l'utilisateur. Notamment dans le domaine de la gestion des compétences : des entreprises célèbrissimes gaspillent leurs ressources faute de savoir identifier correctement les personnes qui y travaillent selon tel ou tel critère de compétence, de statut ou autre. Avec People-to-People, on renverse la vapeur : ce n'est pas la personne qui doit s'adapter au format de la base de données, mais l'inverse ! People-to-People ouvre le champ des systèmes d'information auto-émergents. C'est pourquoi nous parlons d'approche "orientée personne". Avec un communication adéquate, c'est la clé de la motivation des salariés. Plus ils utilisent l'outil qui leur rend service, plus ils génèrent de l'information à forte V.A. qui sert toute l'entreprise.

PU : Quel est le prix de vos différentes offres ?

FH : Tout dépend du type d'application et du nombre d'utilisateurs. Les mairies, selon leur taille, achètent nos licences à partir de quelques milliers d'euros par an. Pour les entreprises, un programme peut coûter plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d'euros. Nous avons toutefois veillé à ce que notre tarification soit très compétitive. J'ajoute que notre offre n'est pas contradictoire avec les gros programmes déjà en place. Au contraire, elle vient largement les compléter.

PU : Quel est le modèle économique de la société et comment se répartissent précisément vos sources de revenus ?

FH : En ce qui concerne la branche technologique de notre activité, qui génère la plus grande part de nos revenus, le modèle est classique puisqu'il s'agit de licences et de services. Pour la branche services B2C, aujourd'hui incarnée par l'accès web CommeVous.fr et demain complétée par des services mobiles, nos revenus proviendront de services payants de la part des utilisateurs et de royalties versées par des partenaires.

PU : Qu'en est-il de votre chiffre d'affaires et de votre rentabilité ?

FH : Nous commençons à peine notre phase commerciale et industrielle, certes avec de très belles affaires déjà signées. Les prévisions dépendront largement de notre financement de 2ème tour. Soit le marché des investisseurs reste morose, auquel cas nous devrons compter sur une croissance propre modeste, soit des investisseurs nous donnent le « carburant » financier pour accélérer notre croissance et consolider notre positionnement, auquel cas les objectifs de CA et de rentabilité ne sont plus du tout les mêmes. Disons qu'aujourd'hui, notre gestion rigoureuse et prudente nous fait raisonner comme s'il n'existait pas d'autres investisseurs que nos actionnaires initiaux.

PU : Vous êtes l'auteur du "Livret blanc sur le commerce électronique". En tant qu'observateur privilégié, comment voyez-vous l'avenir de ce marché ?

FH : A l'époque (1999), nous dénoncions les mythes du commerce électronique, comme la désintermédiation radicale, la logistique facile, les profits rapides. Aujourd'hui, ces problèmes sont toujours là et, e-krach aidant, beaucoup de sites ont dû fermer leurs portes.

Mais je ne céderais pas pour autant à la déprime ambiante. Car regardons les faits : il y a chaque jours davantage d'internautes en France et dans le monde, et le volume du commerce électronique s'accroît. Beaucoup moins vite qu'on a pu le penser, mais la croissance est encore devant nous. Enterrer ce secteur aujourd'hui, c'est faire preuve du même manque de discernement qu'hier, quand on encensait n'importe quoi. Dans le domaine d'Internet comme dans tout autre, aujourd'hui comme hier, un projet a toutes ses chances s'il procède d'une réflexion rigoureuse : sur la valeur ajoutée que représente la distribution via le Net (elle est très inégale selon les cas), sur sa compatibilité ou non avec les canaux traditionnels, etc. Et surtout, si l'entreprise dispose du management adéquat et des moyens financiers nécessaires pour atteindre le point mort. Mais ce discours, qui veut l'entendre aujourd'hui ? Il faudrait écrire un "contre-livret blanc"...

PU : Quels seront vos développements futurs ?

FH : Nous sommes convaincus que l'un des axes majeurs d'Internet tournera autour de la mobilité et de la mise en relation des personnes, des compétences, des entreprises, des documents suivant non plus des bases de données classiques, mais des modes de profiling beaucoup plus fins et universels. Notre cœur de métier sera de développer les interfaces de création et de gestion de ces profils, et de proposer les outils de matching et de mise en relation. Ainsi vous pourrez être alerté sur votre portable via SMS que le baby-sitter que vous recherchez existe bien, vous pourrez même être mis en contact avec lui sans qu'aucun des deux n'ait composé le numéro de l'autre. Dans les grandes entreprises, le rendement relationnel augmentera significativement car toute personne pourra entrer en relation avec toute autre personne suivant des critères de recherche de compétences comme jamais il n'en a existé jusqu'à présent. Et ce, grâce à des propriétés d'information auto-émergentes et auto-structurées. Le retour sur investissement ne sera pas difficile à comprendre pour les entreprises.

PU : Avez-vous des commentaires à ajouter ?

FH : Je crois que nous n'avons encore rien vu de l'Internet. Trop d'initiatives échouent encore car elles tentent de reproduire les anciens modèles dans un espace fait pour l'ubiquité et des modes participatifs et relationnels de systèmes d'information. Les principales résistances aujourd'hui sont donc moins techniques que culturelles. Le marché d'une technologie révolutionnaire telle que la nôtre, se construit avec les clients visionnaires qui voient le potentiel avant les autres et qui savent en tirer un avantage concurrentiel significatif. Tout accroissement du rendement relationnel est à mettre dans les « must do lists » !

PU : Monsieur Faïz Henni, je vous remercie.

Propos recueillis par Pascale Ulmo
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