Philippe Hayat, président et co-fondateur de l’incubateur Kangaroo Village

22 novembre 2001 à 00h00
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Philippe HAYAT présente Kangaroo Village, qui accompagne les jeunes entreprises innovantes, et analyse la situation actuelle du marché de l'investissement

PU : Monsieur Philippe Hayat, bonjour. En quelques mots, pourriez-vous présenter votre parcours ainsi que votre société Kangaroo Village ?

PH : Après des études scientifiques (Polytechnique) et de gestion (Essec), et après une première expérience dans le conseil (KPMG Peat Marwick), je me suis lancé dans l'entrepreneuriat en 1994. J'ai tout d'abord racheté une entreprise, Les Bâches de France (grandes toiles publicitaires et bâches industrielles), développée puis revendue en 1999. J'ai ensuite fondé et je dirige Kangaroo Village, structure qui développe des sociétés dans les nouvelles technologies. Je suis également professeur à l'Essec depuis 1991, où j'ai fondé la filière « Création d'entreprise ».

PU : Vous vous définissez comme un « investisseur opérationnel ». qu'est-ce que cela signifie ?

PH : Je crois qu'on ne peut pas être un investisseur averti si l'on n'a pas déjà expérimenté la vie en entreprise, voire avoir été chef d'entreprise. Mon métier n'est pas d'investir dans des entreprises, mais participer à son développement opérationnel sur le terrain, tout en y apportant du financement.

PU : Y a-t-il une cohérence ou plutôt une spécialisation dans vos participations ? A quel stade intervenez-vous ?

PH : Très peu de projets ont retenu notre attention en 18 mois : 6 sur 1500. Les 6 projets sont soit technologiques, soit concernent des métiers traditionnels dans lesquels les nouvelles technologies apportent une accélération de la croissance.
Nous sommes intervenus jusqu'à aujourd'hui lors du démarrage du projet. Nous nous intéressons de plus en plus à des start-up déjà créées, possédant déjà des produits, une technologie, des clients, et qui sont à redéployer, restructurer, redresser.

PU : Pouvez-vous présenter votre portefeuille d'activité ?

PH : Sur 6 sociétés créées, nous en avons déjà revendu deux en un an à des groupes américains. L'une développe des produits financiers à capital garanti innovants (revendue au groupe de Warren Buffet) ; l'autre développe des outils de e-marketing (revendue à CGTime). Une troisième a développé une plate-forme de private equity en ligne à destination des PME/PMI. Les trois autres sont technologiques : cartes d'accélération de traitement de données sécurisées (Zencod), logiciels d'analyse de video intelligente (Avivias), logiciel d'adaptation de l'ergonomie des sites en fonction des contraintes visuelles des utilisateurs (Visual Friendly).

PU : Quel bilan tirez-vous de votre activité depuis la création de Kangaroo Village ? Qu'en est-il de la rentabilité ?

PH : Sur six entreprises, deux sont revendues, cinq ont levé de l'argent auprès d'institutionnels (NEA, Rothschild, Atlas Venture, Sgam, Clam, etc.), cinq ont des produits d'ores et déjà commercialisés.
Notre retour sur investissement en base annuelle est de 26%, en y intégrant non seulement le cash investi dans les sociétés, mais également tous les frais d'accompagnement et le temps passé. La valorisation de notre portefeuille (objective, car faite par les investisseurs qui y sont entrés), est égale à 5,25 fois le seul cash investi dedans depuis 18 mois.

PU : BtoB, PeertoPeer, streaming, wireless, software, biotechnologie, les modes se succèdent dans la NetEconomie. Quel est votre sentiment sur cette tendance ? Et quelles seront vos prochaines participations ?

PH : Le meilleur moyen de sélectionner juste est non pas de suivre une quelconque mode, mais bel et bien de respecter des fondamentaux indémodables : lancer ses produits sur le marché dans les 6 mois après le lancement de la société, faire du chiffre d'affaires dans l'année, créer de la rentabilité dans les deux ans, installer des barrières à l'entrée immédiatement, créer des rentes de situation, etc. Si des projets de toute nature peuvent respecter ces critères, nous les choisirons. Nos prochaines participations concerneront certainement des sociétés existantes en situation de retournement, dans lesquelles nous participerons au management afin de les redresser.

PU : Des indicateurs montrent que les investissements en capital risque chutent pour le 2e semestre consécutif. Quelle est votre analyse de la situation ? et comment voyez-vous l'avenir ?

PH : Nous venons de boucler un tour de table de 10 MF pour une de nos sociétés (Avivias), auprès de deux fonds simultanément (Sgam et Atlas Venture), alors qu'elle n'a que quatre mois d'existence. Comme quoi un bon projet trouve toujours du financement. Cela dit, c'est exact que les cycles de financement sont plus longs, et que les financements d'amorçage sont devenus de plus en plus rares. Les capitaux risqueurs s'orientent plus vers des second ou troisième tours (une fois que la société a des clients et est installée sur son marché) pour diminuer les risques. On en arrive à une situation dans laquelle la création d'entreprise technologique en France devient problématique.

PU : Quel futur pour les incubateurs : services BtoB payants, holding industrielle... ?

PH : L'enjeu des incubateurs est d'être capable de créer des revenus en revendant leurs participations. Soit ils arrivent à le faire (nous sommes les seuls pour l'instant, me semble-t-il), soit ils n'y arrivent pas et ont deux solutions : fermer leurs portes, ou facturer des services (recrutement, levée de fonds, etc.). C'est ce qui explique l'orientation de mes confrères.
La notre est de continuer à s'impliquer dans les sociétés sur le terrain contre une part de leur capital, dans la création comme dans la reprise, et devenir à terme une « holding opérationnelle ».

PU : Avez-vous des commentaires à ajouter ?

PH : Nous vivons une époque formidable, où l'on voit le monde changer sous nos yeux. Paradoxalement, c'est quand le monde change vite que l'on a le plus besoin de bons vieux réflexes traditionnels !

PU : Monsieur Philippe Hayat, je vous remercie.

Propos recueillis par Pascale ULMO
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