« La rencontre en ligne à l’aube d’une révolution ? », par Fabrice le Parc, be2

14 avril 2009 à 11h45
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Directeur Général de be2 France, un service de rencontres amoureuses d'origine allemande, Fabrice le Parc réagit à l'acquisition de Match Europe par Meetic en publiant une tribune libre dans laquelle il rappelle que ces plates-formes restent dépendantes d'immenses investissements marketing
 
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Fabrice le Parc
A l'heure de facebook, et de la rencontre gratuite, comment les acteurs payants de la rencontre en ligne peuvent-ils faire évoluer leur offre ?
 
Plus encore que pour d'autres secteurs, le nerf de la guerre dans la rencontre en ligne est le marketing - avant même de construire sa marque, il s'agit d'assurer le recrutement toujours plus soutenu de membres gratuits. 3 à 7% seulement deviendront abonnés payants : en Europe, Match.com en compte 270.000, Meetic environ 700.000... sur des bases de plusieurs dizaines de millions d'inscrits. A cela s'ajoutent des taux de désabonnement (le fameux « churn ») record : les clients fidèles sont rares, un utilisateur essayant en moyenne 3,5 sites.
 
Comment réduire ses dépenses marketing ?
 
Or en 2008 les deux leaders ont « surinvesti » en marketing : en d'autres termes leurs investissements publicitaires n'ont pas été suffisamment profitables. C'est ce qui explique les mauvais résultats 2008 de Meetic (perte de 6,3 M€), des pertes couplées à une croissance qui s'essouffle : 133M€ (+18%, surtout grâce au rachat de datingdirect.co.uk et de neu.de) pour Meetic, 360M$ (-3%) pour Match. La course au leadership revient cher, trop cher : les deux leaders ne parviennent pas à dépenser moins de 50% de leur CA en pub, et au final la marge n'est constituée que par les renouvellements d'abonnement. Ceci ajouté à une conjoncture économique difficile (surtout pour Match aux US) a rendu les deux acteurs plus volontaires pour trouver un deal « win-win ».
 
Au final, n'est-ce pas Match qui a fait la meilleure affaire ? Certains bloggers ou journalistes français ont écrit qu'il était bon de voir une entreprise du web français racheter un américain (“pour la première fois”). Mais n'oublions pas que Match cède une activité sur laquelle il n'avait aucune chance de devenir leader, qui était probablement déficitaire, et prend au passage 27% des parts de son challenger. Cela présage plus d'une prise de contrôle future par l'américain, qui reste près de 3 fois plus gros que le français et appartient à un groupe majeur (IAC).
 
La dépendance trop prononcée vis-à-vis de l'investissement marketing dont témoignent Match et Meetic est généralisée à l'ensemble de l'offre payante, et va précipiter les rapprochements au cours des années à venir... Cela présage d'une évolution de l'offre payante, qui peine à justifier ses tarifs face aux sites gratuits, communautaires ou pas.
 
La rencontre : Gratuit ou payant ?
 
C'est la question-clé. Pour reprendre les fondamentaux de façon schématique, un seul type de business model fonctionne vraiment : rendre un service qui répond à un besoin identifié (il est rare de créer de nouveaux besoins) et le faire payer, ou faire en sorte que la publicité attachée au service ait suffisamment de valeur. La télé divertit ou informe, c'est un besoin identifié et pérenne -par la captivité de l'attention qu'il induit, son modèle réussit à être rentable grâce à la pub.

De même, Google parvient grâce à la pertinence et l'intérêt des pubs qu'il délivre avec ses résultats à être (très) rentable. En revanche, un site de rencontre a dans sa version gratuite a peu de chances d'être rentable -le plus gros, Plenty Of Fish aux US, ne dégage « que » 10M$ de CA (face aux 360M$ de Match) et vient de lancer une offre payante. Pourquoi ? simplement parce que quand on cherche à rencontrer quelqu'un, on n'est pas très réceptif à la pub. Quant à savoir si ces règles simples de captivité de l'audience et de pertinence s'appliquent à facebook, cela reste à démontrer -ses prédécesseurs se sont cassé les dents, car ils n'ont pas répondu pas à un besoin viscéral des internautes comme Google l'a fait avec le search. Quoiqu'il en soit, tant qu'une alternative gratuite équivalente existera, les internautes la préféreront.
 
Qui va émerger ?
 
Match, de son côté, a vu Plenty Of Fish (POF) lui ravir la 1ère place en trafic aux US : Frind, le fondateur de POF, qui gère le site quasiment seul, répète à l'envi que « Match is dying ». Aveu de faiblesse, Match s'essaye à la rencontre gratuite et espère limiter l'expansion de POF en lançant, avec un succès mitigé, Downtoearth.com. Problème, les utilisateurs vont jusqu'à dire que l'offre gratuite de Match est meilleure que l'offre payante...
 
Le Matchmaking (rencontre par affinités avec un algorithme de compatibilité) est encore plus cher que le dating (Match, Meetic) mais a en réalité une position plus confortable : elle ne touche pas la même cible, mais des plus de 30 ans qui recherchent le meilleur service pour trouver l'âme sœur - là ou facebook n'est pas pertinent. Ce n'est pas un hasard si le leader de la rencontre aux US en CA (250M$) est un site sur le même modèle, eHarmony - et si be2 se positionne selon Nielsen comme le premier site en trafic en France. D'ailleurs Meetic ne s'y est pas trompé, en mettant désormais le plus gros de ses budgets pubs sur son produit concurrent, Meetic Affinity, n°2 (eh oui, devant Meetic) selon Nielsen.
 
Les utilisateurs, à partir du moment où on les guide, où ils sont dans un univers sécurisé et confidentiel, sont plus disposés à sortir la carte bleue. On en revient à la fameuse « value proposition » pour l'utilisateur...
 
Au-delà de la guerre gratuit-payant, Meetic-Match, il faut se demander si ce n'est pas un nouvel acteur, qui grâce à l'innovation, finira par mettre tout le monde d'accord. Les réseaux sociaux, et en premier lieu facebook, sont un vecteur de développement formidable pour la rencontre en ligne. Un site payant comme zoosk.com l'a bien compris, et a recruté en un an 16 millions de membres grâce à des applications facebook abouties et à une viralité étudiée. Combien ont-ils dépensé pour y arriver ? des centaines de millions comme Meetic ou Match ? Rien, ou presque. N'est-ce pas là le type d'avantage compétitif qui peut bouleverser le secteur ?
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