Live Japon : les jeux des bonnes résolutions

11 janvier 2009 à 16h17
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Début d'année oblige, il y a des bouleversements dans l'air: aux bonnes résolutions personnelles s'ajoutent les changements professionnels ou contextuels qui chambardent les habitudes. Les Japonais ne sont pas très différents des Français dans les types d'engagements individuels qu'ils prennent à l'occasion du nouvel an. Exemples: "envoyer les voeux fissa", "faire des économies", "manger plus sain", "pratiquer davantage d'activités sportives", "étudier", "me cultiver", "être pétri de bonnes manières", "devenir (ou rester) un bon patron", "bien parler", "être un citoyen modèle et responsable", comprendre "qui suis-je" ou encore "cesser de fumer".

En revanche, là où la différence avec la France est manifeste, c'est dans les méthodes mises en oeuvre pour atteindre les buts visés. Au Japon, c'est, dirons-nous, plus ludique, plus loufoque ou plus high-tech, ce qui ne surprendra guère les habitués de cette chronique. Exception toutefois: les voeux. Leur expression reste une tradition sur papier encore bien ancrée, surtout en temps de crise, malgré les envois également massifs de courriers électroniques par réseaux fixes et mobiles. Jugez: quelque 3,5 milliards de cartes de nouvel an à la japonaise (avec le plus souvent pour motif une vache, puisque c'est son année) ont été envoyées par voie postale entre le 31 décembre et le 5 janvier. Beaucoup mettent un point d'honneur à les déposer à la poste le 31 décembre, auquel cas elles sont distribuées le 1er janvier, ce qui fut le cas pour 94% d'entre-elles. Rappelons que le Japon compte 127 millions d'habitants. Après ce détour pour dire bonjour à la vache symbole de 2009, revenons à nos moutons.

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Donc, hormis l'envoi des voeux, quel que soit le défi personnel que l'on se jure de relever dans l'année, il existe au Japon un moyen plus moderne: le jeu vidéo sur console (DS de Nintendo le plus souvent), un outil jugé ici efficace pour permettre aux personnes bien intentionnées d'atteindre leur but sans trop souffrir. Détaillons.

Pour se nourrir mieux, on peut par exemple opter pour "kenko oen reshipi 1000" (1000 recettes pour rester en bonne santé) ou "kyo kara DS karori nabi" (à partir d'aujourd'hui, suivi des calories). Pour devenir un écolo parfait, à l'instar de la star locale Ryuichi Sakamoto, il convient d'abord d'apprendre ce qu'est l'environnement, ce qui lui est bon ou mauvais: rien de mieux alors que de s'entraîner avec un quiz, "Eco kentei", qui reprend les questions d'un vrai examen mesurant les aptitudes en la matière. Pour gérer son compte en banque en bon père de famille et économiser soi-disant "facilement" quelque 3 millions de yens par an (24000 euros), il suffit nous dit-on de suivre les conseils d'un expert de l'argent, le Professeur Mori, à l'origine du jeu "okane no shin-ishiki" (nouvelle prise de conscience concernant l'argent).

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Il prodigue uniquement des attitudes et gestes quotidiens simplissimes, mais pleins de bon sens, qui évitent les gachis. Faire des économies, c'est aussi, voire d'abord, bien suivre son budget personnel: pour cela, DS toujours, puisqu'il existe une kyrielle de programmes de "kakeibo" (carnet de dépenses).

Pour les "bonnes manières" et pour parler un joli japonais, en abandonnant totalement le jargon de lycéenne, bref pour s'exprimer dans une langue bien féminine, élégante, séduisante, à l'écrit ou à l'oral, mesdemoiselles et mesdames, nous ne saurions trop vous recommander "Nihongo no kakikata hanashikata". Un brin rébarbatif, mais efficace néanmoins. Et pour accorder l'apparence à la parole, complétez avec "Otona no DS kao training", destiné à vous sculpter un visage divin grâce à des exercices faciaux, et "Wagamama fashion girls mode" afin d'assortir correctement vos vêtements. Kanpeki (parfait)!

Quant à vous messieurs, pour être un homme exemplaire qui se soucie de sa silhouette et se prémunit contre le "syndrome métabolique" (prise de bedaine), il faut évidemment marcher, marcher, marcher ... et compter vos pas, grâce à un podomètre associé à une DS, ustensile indispensable pour analyser vos efforts et résultats au jour le jour. Tant qu'à marcher d'ailleurs, autant grimper... dans la hiérarchie s'entend, pour devenir un meneur-modèle, adoré de ses subordonnés.

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La méthode? Suivre les traces du "salaryman le plus connu du Japon", Kosaku Shima, héros hyper-populaire d'un manga-fleuve. Parce qu'il a le même parcours-type que ses homologues de la "dankai no seidai" (génération du baby-boom), mais qu'il a mieux que la plupart brillamment gravi tous les échelons d'une firme d'électronique (copie parfaite de la multinationale triomphante Matsushita/Panasonic), Shima est devenu le travailleur japonais idéal. Le voilà donc "consultant" sur DS après avoir servi de faire-valoir à une flopée d'ouvrages sur l'art de progresser dans l'entreprise. On ne cite ici que ce jeu emblématique du genre, mais sachez qu'il existe un nombre incroyable d'autres titres pour DS également destinés à doper les capacités professionnelles des salariés, de leur entrée dans la vie active à la retraite, le tout en leur apprenant par le menu les formules et comportements idoines dans un large éventail de situations.

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Dans un registre voisin, pour devenir un commerçant hors pair qui fait bigrement bien fructifier son affaire, rien ne vaut la simulation de gestion d'un réseau de supérettes multiservices: "Za konbini". Ce programme, sacrément bien conçu, exige un savoir-faire qui ne s'acquiert pas en cinq minutes, pour sûr. Il est d'ailleurs conseillé de s'offrir le guide pratique qui livre une cargaison d'astuces afin d'éviter la banqueroute quelques jours après avoir ouvert son premier pas de porte. Voilà qui permet aussi de comprendre les secrets de ce type de commerce typiquement nippon et qui, même par les temps qui courent, affiche une santé insolente... pas dans la simulation (l'auteure de ces lignes a encore beaucoup à apprendre pour encaisser des bénéfices), mais pour de vrai! Sans transition.

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Pour explorer les mystères de son âme, aux jeux divinatoires, du style "DS uranai seikatsu", s'ajoute la version sur DS d'une série de bouquins best-sellers, comme "Jousei no inkaku" (le tempérament des femmes) ou "Jibun no setsumeisho" (explications de soi). Ce dernier est censé mettre au jour tous les secrets d'une personne en fonction de son groupe sanguin. Les Japonais croient dur comme fer au lien entre caractère et nature du sang. Généralement, aucun repas dans un restaurant entre amis ne se termine sans qu'on ait abordé cette question épineuse et compter la proportion de "A, B, AB ou O gata" (ceux du groupe A, B, AB ou O) pour comparer les profils. Pas convainquant. Changeons de sujet.

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Qui veut abandonner la clope doit s'en remettre à Takara Tomy, créateur de programmes bienfaiteurs à l'intention des adultes, pour compenser le marché déclinant des divertissements pour enfants. Ce fabricant de jouets ambitionne d'apaiser les angoisses existentielles des Nippons, non sans engranger de juteux bénéfices au passage, compte tenu du potentiel de clients. "Au Japon, il y a quelque 27 millions de fumeurs dont 21,5 millions qui essaieraient de cesser de fumer si le prix du paquet dépassait 1.000 yens (7,5 euros)", contre 300 yens actuellement, assure le groupe. Son jeu "Et s'il était interdit de fumer...", qui tourne sur la populaire console de poche DS de Nintendo, est vendu depuis fin novembre au prix de 5.040 yens (40 euros). Il s'agit, selon Takara Tomy, d'une solution pour se sevrer à moindres coûts, comparée aux cachets, piqûres et autres thérapies. Guidé par une infirmière accompagnatrice virtuelle, le joueur fumeur est censé être dégoûté du tabac en un mois. D'autres personnages, des "amis", encouragent le patient à qui mieux mieux pour qu'il ne renonce pas à mi-parcours. Lorsque l'envie d'en griller une est trop forte, la machine lui propose de se calmer avec des mini-jeux archi prenants qui lui font vite oublier son obsession. Si le joueur parvient effectivement à se passer de cigarettes, le programme continue de le soutenir psychologiquement pour qu'il ne rechute pas. Ganbarô!

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Toujours dans la série, "Takara Tomy vous aide à affronter les difficultés de la vie", il a aussi lancé "Et si j'étais désigné comme juré...". Ce jeu entend déniaiser les citoyens japonais pour les préparer à des modifications légales anxiogènes, en l'espèce la mise en place des jurys populaires, en mai prochain. But: comprendre les arcanes de la justice et ne pas craindre d'être tiré au sort pour juger ses pairs, une perspective qui en effraye 80%. Statistiquement, un électeur sur 352 risque d'être choisi. Mais, prétend Takara Tomy, l'appréhension disparaît avec la compréhension du mode de fonctionnement des jurys, procédures que son jeu se fait fort d'expliquer en détail, par des leçons et des simulations au tribunal. Avantage: on enrichit nettement son vocabulaire même si le jeu en question est assez passif.

On arrête ici ce petit florilège de titres visant à démontrer la diversité de la logithèque japonaise pour tous les publics.

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Reste que malgré toutes ces bonnes idées, qui sortent du lot traditionnel des jeux d'action, des courses, des combats et autres grands classiques du genre, le marché du jeu vidéo au Japon a dévissé de 15,3% en valeur en 2008 par rapport à 2007, selon les données publiées par la société nippone spécialisée Enterbrain. En 2008, les ventes de jeux vidéo et consoles, tous modèles confondus, se sont établies au Japon à 582,6 milliards de yens (4,67 milliards d'euros au cours actuel), contre 687,9 milliards de yens en 2007. Cette baisse, la première depuis quatre ans, s'explique en grande partie, selon Enterbrain, par l'absence de sortie de nouvelles générations de consoles durant l'année 2008, alors que 2007 avait bénéficié du lancement en décembre 2006 des Wii de Nintendo et PlayStation 3 (PS3) de Sony.

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Si d'aucuns, tel Hiroshi Kamide, analyste chez KBC Securities, préviennent que "la récession, n'est pas une bonne chose pour ce secteur, quoi qu'on en dise", pour l'heure, les répercussions au Japon de la débâcle économique planétaire ne sont pas (ou pas encore) jugées responsables de ce déclin. "Cette contraction est naturelle, du fait des cycles d'apparition des nouvelles générations de machines", soutient le PDG d'Enterbrain, Hirokazu Hamamura. Rien de dramatique. Inutile donc de se morfondre sur le secteur, car en dépit de ce contre-coup, et bien que les foyers japonais soient déjà suréquipés, des millions de consoles ont encore trouvé preneur au Japon en 2008 pour un montant total de 250,4 milliards de yens (2 milliards d'euros). D'après les calculs d'Enterbrain, plus de 4 millions de modèles portables DS de Nintendo et 3,54 millions de PSP de Sony ont rejoint en 2008 les poches de Japonais qui adorent jouer dans les transports et autres lieux publics. Au total, à fin 2008, Nintendo avait ainsi déjà vendu plus de 25 millions de DS au Japon, famille dont la première mouture était apparue fin 2004. Au 31 décembre dernier, Sony y avait pour sa part écoulé 11 millions de PSP, lancée au même moment que la première DS. La nouvelle version de DS, la DSi, mise en vente récemment dans les boutiques nippones, s'y est déjà arrachée à 1,28 million d'unités, ce qui est de bon augure pour 2009, selon Enterbrain.

En 2008, il s'est aussi vendu au Japon 991.000 consoles de salon PlayStation 3 (PS3), portant le total sur l'archipel à 2,66 millions, et 2,91 millions de Wii, hissant le cumul des achats de cette populaire machine au Japon à 7,53 millions d'exemplaires depuis fin décembre 2006. La XBox 360 de l'américain Microsoft n'a quant à elle séduit que 318.000 Japonais en 2008 et 866.000 au total depuis son lancement fin 2005.

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Par ailleurs, les ventes de jeux pour toutes ces consoles ont baissé de 7,9% en 2008 par rapport à 2007 à 332,2 milliards de yens (2,66 milliards d'euros), du fait de logithèques familiales déjà bien garnies et d'un nombre limité de nouveautés. Parmi les titres lancés en 2008, quatre ("Monster Hunter" pour PSP, "Pocket Monster Platina" pour DS, "Wii Fit" et "Mario Kart" pour Wii) ont néanmoins fait un carton commercial, avec chacun plus de 2 millions de boîtes vendues uniquement au Japon.

PS: à ceux qui réclament à l'auteure de ce "Live Japon" plus d'allusions à la société japonaise au détour de ses chroniques, rappelons qu'elle a publié récemment aux éditions Tallandier un pavé de 500 pages, "Les Japonais", qui est censé amplement répondre à cette attente. A bon entendeur, bonne lecture.
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