Facebook : la lanceuse d'alerte Frances Haugen confirme l'inquiétude des députés français

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 10 novembre 2021 à 19h55
Frances Haugen (© Capture écran vidéo Assemblée nationale)
Frances Haugen (© Capture écran vidéo Assemblée nationale)

L'ex-salariée de Facebook, Frances Haugen, était reçue mercredi à l'Assemblée nationale par les députés, l'occasion pour elle d'en rajouter une couche sur l'impact qu'a le groupe aux multiples réseaux sociaux sur la société.

Frances Haugen a provoqué de sérieux remous chez Facebook. La lanceuse d'alerte, encore salariée du groupe désormais nommé Meta en mai dernier, fut à l'origine de la fuite ayant conduit aux « 

Facebook Files », une sorte de compilation de documents internes à charge contre l'entreprise, transmise à différents médias au début du mois d'octobre. Depuis, elle est en train de faire le tour du monde pour dresser, à chaque fois, un portrait peu idyllique de Facebook, affirmant que l'entreprise « place le profit avant la sécurité » et qu'elle ne lutte pas suffisamment contre les effets ravageurs de la plateforme.

Une méthode en « 1, 2, 3 » pour réguler la modération des contenus hébergés sur Facebook et d'autres grandes plateformes

Mercredi, Frances Hugen était reçue au Palais Bourbon par les membres de la commission des affaires économiques et de la commission des lois. Consciente que son rôle de lanceuse d'alerte peut l'exposer à certains dangers, elle juge « fondamentale » la nécessité de protéger ce statut. L'ancienne salariée de la firme de Mark Zuckerberg a expliqué aux députés avoir d'abord cru au potentiel humaniste de Facebook. Puis elle a enchaîné les remontrances et propositions pour tenter de faire de Facebook un lieu conforme à son aspiration originelle.

Sur le statut même de Facebook et son insertion dans la démocratie, Frances Haugen appelle à davantage de transparence. Citant Meta et d'autres grandes entreprises numériques, elle affirme qu'il faut « que ces entreprises puissent rendre des comptes, il faut de nouvelles règles pour leurs business models. Facebook ne peut pas être à la fois juge, juré, procureur et témoin ».

Concernant la régulation du réseau social, elle a évoqué une méthode en « 1, 2, 3 ». D'abord, c'est à l'entreprise même de mener sa propre évaluation, puis c'est au public (ONG et régulateurs) de faire sa part du travail, et doit enfin être mis en place un mécanisme de suivi, qui consisterait pour l'entreprise à livrer des données, de façon « hebdomadaire », pour mieux protéger les utilisateurs. Sur ce point, la proposition de Frances Haugen semble rejoindre le projet de règlement européen en discussion dans les instances de l'UE, le Digital Services Act, qui prévoit d'instaurer des obligations sur les contenus des réseaux sociaux.

Frances Haugen ne veut en tout cas pas laisser passer l'occasion d'améliorer les choses. « Nous avons une occasion unique de créer de nouvelles règles pour notre monde en ligne. S’il y a deux choses à retenir, c’est premièrement que Facebook choisit les profits sur la sécurité tous les jours, et sans actions fermes cela continuera ; deuxièmement, Facebook continue d’agir dans l’obscurité, et si cela continue des tragédies se produiront. Je suis persuadée qu’il faut agir maintenant », a-t-elle déclaré aux élus.

Un algorithme qui a penché du mauvais côté

La lanceuse d'alerte évoque un virage dangereux pris par Facebook en 2018, rappelant le fait que le réseau social avait essayé « de maximiser le nombre d'interactions », ce qui avait malheureusement conduit à davantage d'interactions teintées de colère et/ou d'intimidation. « Les résultats de ce changement de 2018 ont été négatifs », a-t-elle constaté. En 2018, Facebook avait en effet procédé à un bouleversement de son algorithme de classement des contenus dans le fil d'actualité des utilisateurs. Au départ, Facebook voulait privilégier les contenus publiés par les proches. Mais ce sont en réalité les contenus clivants, souvent politiques, issus de groupes véhiculant parfois des contenus haineux ou de fausses informations, qui furent les mieux mis en avant. Les contenus ont ainsi comme déteint sur l'esprit général des utilisateurs du réseau social.

La solution pour Facebook, selon Frances Haugen, serait de revenir à l'algorithme de 2009, qui priorisait les contenus amicaux et familiaux publiés par son cercle familial/d'amis.

© Pixabay
© Pixabay

L'un des problèmes de modération de Facebook est directement lié à la langue. Pour la lanceuse d'alerte, de nombreuses langues ne sont pas encore couvertes par Facebook. « Même l’anglais britannique n’est pas aussi bien couvert que l’anglais américain, et le français, par exemple, ne bénéficie pas de tous les systèmes de sécurité dont dispose l’anglais », explique-t-elle, ce qui a eu pour conséquence d'accentuer la désinformation autour de la Covid-19 selon elle. L'entreprise semble pourtant progresser sur ce point. Le système automatique de repérage des contenus soumis à modération fonctionne désormais dans 50 langues pour les contenus haineux, et 19 langues pour la désinformation liée à la pandémie. Mais il faut encore faire plus.

Enfin, parmi les thèmes abordés par Franches Haugen, la relative jeunesse de certains des utilisateurs fait partie des problèmes que Meta doit régler. « Facebook a des données qui montrent que 10 à 15 % des enfants de 10 ans sont sur Facebook », déplore la lanceuse d'alerte, qui constate qu'aujourd'hui, « on doit simplement croire Facebook quand l'entreprise nous dit qu'elle travaille sur ce problème ». Et pourtant, Facebook est censé être interdit aux mineurs de moins de 13 ans.

Frances Haugen a terminé son audition en rappelant la nécessité de protéger davantage les lanceurs d'alerte, dont le statut reste encore flou et les conséquences lourdes, sur le plan psychique notamment.

Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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norwy

Facebook fera tout pour ne pas enrayer la roue qui lui rapporte un max, quels que soit les conséquences morales derrières…

Mais qui s’y opposera ? et comment ?

max6

Accuser facebook de ne pas respecter l’interdiction aux moins de 13 ans c’est bien (rappelons quand même que la société n’a pas le droit de demander des papiers d’identité pour vérifier la chose).
Mais, quand même, pour qu’un enfant de moins de 13 ans se connecte il faut qu’il ai un ordinateur avec accès complet à internet et /ou un smartphone avec un forfait data conséquent.
Ils n’ont pas de parent ces gamins, ils sont tous orphelins. Peut-être qu’il serait temps de responsabiliser un peu les parents de ces enfants. Je sais ils n’y comprennent rien et leurs enfants sont plus au courant qu’eux, je suppose qu’ils utilisent aussi la voiture des parents et leur carte bleu, leur fusils pour aller chasser et que sais-je encore vu le monceau d’excuse que l’on voit partout. Trop facile de se décharger sur Facebook, le gouvernement, les institutions et de n’avoir aucune responsabilité.
Sanctionner Facebook pour ses manquement à ses obligations ou à l’éthique tout à fait d’accord mais ne pas exonérer les parents de leurs responsabilités à ce moment.

toast

Ça n’étonne évidemment pas grand monde, mais au moins, ça « officialise » les informations plutôt que de rester de simples suppositions (même si très fortement probables ces suppositions).

sources

Tu sais, ce n’est pas si simple que ça pour les parents. Certains ne voient pas le mal dans les réseaux sociaux, d’autres ne sont pas armés pour protéger leurs enfants. Dès que ton gamin a un téléphone portable il a accès à des réseaux sociaux (si bien sûr par de contrôle parental strict pas toujours à portée de tout le monde). Pas besoin d’un forfait énorme pour ça. Les gamins se débrouillent très bien avec les wifi de la maison, des voisins/copains… Pour ma part, les miens n’ont pas de téléphone portable et des pc hyper verrouillés, mais je travaille dans l’informatique. Pour la majorité des gens, tout ça c’est hyper compliqué. Si tu prêtes ta voiture à ton gamin à 18 ans et qu’il se bourre la gueule dans un bar et rentre avec ses potes sans que personne ne dise rien et qu’il se tue tu ne vas pas chercher à comprendre les responsabilités de chacun? Et tu n’auras fait que lui prêter ta voiture, il a le permis et tout ce qu’il faut… Je schématise grossièrement, mais Facebook a bel et bien une responsabilité, tout comme les parents, la société, l’école…

bmustang

facebook, c’est le mal, on le dit tous les jours depuis de longues années, mais personnes n’écoutent ? Car ce sont les mêmes qui y trouvent leurs avantages.

max6

Je sais que ce n’est pas si simple d’être parents mais justement cela s’apprend aussi et j’en vois tant qui trouve tellement plus facile de mettre le téléphone ou la tablette (parce que l’ordi c’est compliqué et ça tombe en panne) dans les pattes du gamin pour avoir la paix et être tranquille. Avoir des gamins c’est aussi comprendre que l’on va devoir s’en occuper pendant un bon moment. le WIFI ça se verrouille aussi.
Je ne travaille pas dans l’informatique c’est juste un hobby mais le mien a eu un smartphone basique (arrive donc à surfer avec un écran de 240 x 180 et un forfait à 2 euros…) et son PC n’a pas été connecté à internet avant ses 15 ans (cela ne l’empêchai pas d’utiliser internet sur le mien en étant au courant que tout était suivi) et puis on a discuté sérieusement des avantages et des inconvénients avec exemple à l’appui et recherche des sources (il en a fait une habitude qui lui reste à 21 ans).
Oui ce n’est pas facile pour les parents, oui ils peuvent avoir en face d’eux un gamin qui fait n’importe quoi mais cela ne les exempts pas de toute responsabilité je trouve que c’est trop facile de dire qu’on y comprend rien et de laisser faire pour avoir la paix.
Quand à l’école ben il y a sûrement des profs très bon et consciencieux heureusement. Ce n’était pas le prof d’informatique de mon fils en terminal qui lui a demandé quelle version de Windows il utilisait sur l’ordi qu’il avait en cours et quand il a répondu que c’était la version Ubuntu il lui quand même dit que lui n’utilisait pas de version piraté de l’OS de Microsoft (c’est du vécu).

jeanlucesi

Les mêmes députés qui votent le pass-sanitaire et des lois anti-constitutionnelles.

maxxi

Elle dit beaucoup de bêtises qui sont gobées par des politiques incompétents dans ce domaine. On retrouve cette dérive inquiétante de la société des soi-disant experts.

Popoulo

« et le français, par exemple, ne bénéficie pas de tous les systèmes de sécurité dont dispose l’anglais » : Quand on voit des commentaires FB en français avec 3 fautes par mot, n’importe quel système aurait du mal à y comprendre quoi que ce soit.

Winston

Quelle mascarade ,elle prend bien soin d’éviter certains sujet tout comme ces députés.