Le Parlement européen adopte une résolution pour freiner les algorithmes addictifs ciblant les enfants. Reste à mettre en place les outils techniques pour vérifier l'âge sans sacrifier la vie privée.

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Le Parlement européen a validé mercredi sa position : 483 votes pour, 92 contre, 86 abstentions. Les eurodéputés demandent une harmonisation à l'échelle de l'UE autour d'un âge minimum de 16 ans pour accéder aux réseaux sociaux, plateformes vidéo et assistants IA.

Pourquoi cibler les 16 ans

Le constat qui motive cette décision n'est pas anodin : un mineur européen sur quatre souffre d'une utilisation problématique de son smartphone. Christel Schaldemose, rapporteure danoise, résume sans détour : "Vos services ne sont pas conçus pour les enfants."

Les pratiques pointées du doigt sont bien connues. L'algorithme qui ne s'arrête jamais (défilement infini, lecture automatique), le geste du doigt qui tiraille l'écran vers le bas (pull-to-refresh), les publicités sur mesure, les influenceurs payés pour promouvoir, et les boîtes à butin dans les jeux qui fonctionnent comme des machines à sous numériques. Autant de mécanismes qui exploitent les failles psychologiques des jeunes utilisateurs.

Le vrai défi : la vérification d'âge

La proposition du Parlement autorise les 13-16 ans avec l'accord de leurs parents, et donc l'installation d'un contrôle parental. Les moins de 13 ans seraient exclus. Du côté de la mise en œuvre, l'UE travaille actuellement sur un système de vérification d'âge sans risquer la vie privée.

Depuis juillet 2025, la Commission européenne propose un modèle technique open source, actuellement piloté dans cinq pays : Danemark, Grèce, Espagne, France, Italie. Le fonctionnement diffère des méthodes classiques : au lieu de livrer votre identité à la plateforme, vous obtenez une preuve d'âge numérique après vérification (via une carte d'identité électronique, un compte bancaire ou une analyse biométrique). La plateforme n'apprend que votre âge minimum, rien d'autre.

Le mécanisme diffère alors de celui imposé par l'Arcom aux sites pour adultes. Ce dernier repose sur un mécanisme de "double anonymat". L'utilisateur envoie une pièce d'identité à un prestataire externe qui vérifie son âge, puis transmet seulement au site pornographique un signal "personne majeure" sans révéler l'identité. Le site connaît l'âge mais pas la personne ; de son côté, le prestataire connaît l'internaute, mais pas quel site est consulté.

Il n'empêche que le dispositif testé par la Commission européenne a un maillon faible : les données utilisées pour la vérification. En octobre 2025, un prestataire travaillant avec Discord pour le support client s'est fait pirater. Conséquence : 70 000 photos de documents d'identité gouvernementaux ont fuité. Dans tous les cas, externaliser la gestion de données d'identité, même auprès d'un tiers réputé, peut tourner au cauchemar.

La résolution du Parlement ne met la Commission et le Conseil sous pression. Surtout, elle tombe aussi au moment où l'Australie lance sa propre interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 16 ans, effective au 10 décembre 2025. Le message des députés est clair : aucun système de vérification d'âge ne remplace l'obligation pour les plateformes de concevoir leurs services sains dès la conception.

Source : Politico