Douze fédérations du commerce français et une centaine de marques attaquent Shein en justice pour concurrence déloyale. Le géant chinois riposte et dénonce une tentative de boycott déguisée.

Shein se retrouve un peu seul contre tous les acteurs du commerce en France. © Alexandre Boero / Clubic
Shein se retrouve un peu seul contre tous les acteurs du commerce en France. © Alexandre Boero / Clubic

Le torchon brûle entre Shein et la France, peut-être plus que jamais. Deux semaines après avoir été contraint de suspendre sa marketplace sous pression gouvernementale le temps de retirer de nombreux produits jugés illicites, le géant chinois est à nouveau sous la menace. Cette fois, c'est tout le commerce français qui se mobilise contre lui au travers d'une action en justice collective, au motif de pratiques commerciales trompeuses, entre autres griefs. Shein qualifie la démarche d'infondée et déplore ce qu'il considère comme une volonté de boycott.

Une mobilisation historique du commerce français contre Shein

C'est du jamais-vu. Douze fédérations professionnelles et une centaine de marques ont annoncé mercredi avoir déposé une plainte collective pour concurrence déloyale devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence. La FEVAD, l'Alliance du commerce, la Fédération française de la franchise, le Conseil du commerce de France font partie des requérants. Même les joailliers et les vendeurs de jouets sont de la partie.

Que reprochent les fédérations et les marques à Shein ? Toutes dénoncent un modèle économique « fondé sur le contournement des règles communes ». Les plaignants accusent Shein d'avoir construit son empire sur des infractions massives, comme les fausses promotions (87% selon la DGCCRF), les produits dangereux (8 sur 10 non-conformes d'après l'État), et la violation du RGPD. Sans compter les scandales récents, comme celui des poupées pédopornographiques et armes blanches en vente libre découvertes début novembre, qui lui ont chamboulé sa position dans l'Hexagone.

Dans la plainte, les demandeurs rappellent que 190 millions d'euros d'amendes prononcés contre Shein ont déjà été encaissés par les autorités européennes et françaises. Mais pour eux, ce n'est qu'un début. Ils réclament désormais des dommages et intérêts proportionnés aux pertes subies. Vu le nombre de petits colis expédiés en France depuis des plateformes extra-européennes en 2024 (775 millions, une bonne partie venant de Shein), autant dire que les demandes promettent d'être gigantesques. Car les fédérations et marques veulent faire jouer les emplois et parts de marché perdus pour le commerce français.

Shein se défend et dénonce, avant un premier rendez-vous au tribunal en janvier 2026

Shein, qui bénéficie du soutien de nombreux consommateurs, ne compte pas se laisser faire. Dans une réaction transmise en fin de journée mercredi par communiqué, l'e-commerçant qualifie ces accusations d'« infondées » et regrette que les acteurs français « privilégient la confrontation judiciaire plutôt qu'un dialogue constructif ». Le ton monte d'un cran lorsque la plateforme affirme que cette action collective « s'apparente davantage à une tentative de boycott qu'à une démarche juridique sérieuse ».

Shein affirme que cette initiative « s'écarte de l'esprit du droit français et européen de la concurrence, dont la vocation est de protéger l'innovation et d'assurer le libre choix des consommateurs, non de le restreindre ». Entre les lignes, on comprend que le site de vente en ligne sous-entend que le commerce français chercherait à étouffer la concurrence au nom du protectionnisme.

Le bras de fer ne fait que commencer. Le rendez-vous a été fixé au 12 janvier 2026 devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence pour l'audience de mise en état qui permettra, comme le veut le droit, d'arrêter les délais de communications des pièces et conclusions, en préalable à l'audience de jugement. D'ici là, les parties vont affuter leurs armes. Shein promet « d'analyser les éléments avec ses conseillers juridiques » et de « prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre ses intérêts ». Affaire à suivre, donc.