L’Éthiopie interdit désormais l’importation de véhicules à essence et diesel et voit ses routes se remplir de voitures électriques, même si une grande partie de la population n’a pas accès à l’électricité fiable. Le pays mise sur l’hydroélectricité et des mesures économiques pour encourager cette transition rapide.

©Yohannes Ezra / Shutterstock
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L'info en 3 points
  • L'Éthiopie interdit l'importation de voitures à essence et diesel, favorisant ainsi l'essor des véhicules électriques dans le pays.
  • Malgré un accès limité à l'électricité, les Éthiopiens adoptent les voitures électriques pour leurs économies et leur praticité en ville.
  • Le gouvernement mise sur l'hydroélectricité et des exonérations fiscales pour soutenir cette transition vers une mobilité plus verte.

À Addis-Abeba, la capitale, Deghareg Bekele a acheté une voiture électrique Volkswagen cette année malgré ses doutes. Et pour cause, la ville connaît des coupures de courant fréquentes et les véhicules électriques sont rares dans le pays. Quatre mois plus tard, il confirme son choix : il gagne du temps et n’est plus confronté aux files interminables à la pompe.

Il se trouve que l’Éthiopie est devenue le premier pays à interdire l’importation de voitures à moteur thermique et environ 115 000 véhicules électriques circulent actuellement sur ses routes. Le gouvernement encourage cette transition par des exonérations fiscales, tout en misant sur le Grand barrage de la Renaissance pour fournir une énergie bon marché et verte.

Les Éthiopiens adoptent les véhicules électriques malgré un réseau électrique limité

Le passage à l’électrique a demandé une adaptation rapide pour les conducteurs. Beaucoup ont acheté leur voiture dans un flou total sur la durabilité des batteries ou la disponibilité de bornes de recharge. Lema Wakgari, responsable des exportations de café, apprécie son véhicule BYD mais souligne : « Il faut construire davantage de bornes de recharge, c'est indispensable. Même à Addis, il n'y en a pas beaucoup. Aucun véhicule électrique ne circule actuellement en dehors de la ville ».

À Addis-Abeba, la présence de voitures électriques progresse dans les rues. Le modèle chinois BYD domine le marché, suivi de véhicules occidentaux. Les conducteurs profitent de coûts de recharge bien inférieurs à l’achat de carburant. Firew Tilahun, chauffeur de taxi, expliquait auparavant dépenser 20 000 birrs par mois en essence, aujourd’hui il dépense moins de 3 000 birrs pour recharger son véhicule. Cette économie explique en partie la motivation des habitants à adopter une technologie encore peu connue dans le pays.

Pourtant, le réseau électrique est fragile. Moins de la moitié de la population a un accès régulier à l’électricité. Seuls 20 % des ménages bénéficient de courant pendant 23 heures ou plus par jour et seulement un tiers sont raccordés au réseau. Les coupures fréquentes perturbent la vie quotidienne et limitent les activités industrielles. Malgré ces contraintes, les habitants trouvent les voitures électriques pratiques pour leurs déplacements urbains, surtout en temps de pénuries chroniques de carburant.

L’Éthiopie est le premier pays à interdire l’importation de voitures à moteur thermique et environ 115 000 véhicules électriques circulent actuellement sur ses routes - ©Everyonephoto Studio / Shutterstock
L’Éthiopie est le premier pays à interdire l’importation de voitures à moteur thermique et environ 115 000 véhicules électriques circulent actuellement sur ses routes - ©Everyonephoto Studio / Shutterstock

L’économie et l’énergie verte soutiennent la transition vers l’électrique

L’Éthiopie avance dans l’adoption des véhicules électriques grâce à des motifs économiques et environnementaux. Le pays dépense près de 4,5 milliards de dollars chaque année pour importer du carburant. Il mise désormais sur l’hydroélectricité pour réduire cette facture. Le Grand barrage de la Renaissance, inauguré récemment après 14 ans de construction, peut produire jusqu’à 5 150 mégawatts et doubler la production nationale. Le gouvernement espère que cette énergie verte rendra la recharge des véhicules plus fiable et moins coûteuse.

« Nous avons un potentiel énorme dans les énergies renouvelables. La décision d'interdire les importations de véhicules diesel et essence fait partie des efforts pour promouvoir des politiques vertes et réduire la pollution qui étouffe la capitale aux heures de pointe », déclare Bareo Hassen, ministre d’État aux Transports. Il ajoute que le pays cherche également à développer une production locale de véhicules électriques pour créer des emplois et renforcer les compétences techniques.

Le gouvernement a mis en place des exonérations fiscales pour réduire le coût d’achat, même si les véhicules atteignent des prix élevés pour une grande partie de la population. Un modèle BYD coûte environ 2,2 millions de birrs, alors que le salaire moyen d’un médecin atteint 60 livres sterling par mois. Malgré tout, le prix reste inférieur aux véhicules thermiques qui supportaient des taxes à l’importation de 200 % avant leur interdiction.

Les efforts pour construire des bornes de recharge continuent mais le chemin est encore long. L’objectif est de dépasser 2 300 stations, alors qu’Addis-Abeba n’en compte pour l’instant qu’un peu plus d’une centaine. Les déplacements vers les zones rurales ou d’autres villes restent quant à eux problématiques. Les poids lourds, qui transportent une grande partie des importations depuis Djibouti, ne disposent pas encore de versions électriques, ce qui pourrait limiter l’effet économique global de la transition.

Contre toute attente, l’Éthiopie montre que l’adoption des véhicules électriques peut avancer même quand l’accès à l’électricité reste partiel et que le réseau n’est pas fiable. Selon le ministère des Transports, le pays vise 500 000 véhicules électriques sur les routes d'ici à 2030.

Source : The Guardian