Laurent DAVID : "Nokia a une lecture de son marché absolument phénomènale"

16 octobre 2002 à 00h00
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JB - Laurent DAVID, bonjour. En quelques mots, pourriez vous présenter votre parcours ?

LD - Bonjour. Après un diplôme d'une école de commerce et une expérience de coopérant en Espagne, j'ai rejoins la société MoneyLine en tant que responsable des exportations vers l'Amérique Latine. J'ai ensuite rejoins la société Nokia France où j'occupe la fonction de Business Developpement Manager au sein de Nokia Mobile Phones, la branche terminaux.

JB - Avec plus d'un tiers du marché, Nokia est le leader incontesté sur le marché des téléphones mobiles. Comment expliquez vous un tel succès ?

LD - Ce succès est la combinaison d'une excellente connaissance du marché et de ses évolutions d'une part, et des attentes de nos clients d'autre part. Lors du lancement du WAP, Nokia a été l'un de seuls constructeurs à ne pas proposer cette technologie sur l'entrée de gamme car nous pensions que le marché n'était pas mûr. Au contraire, nous avons lancé un téléphone comme le 3310 qui proposait pour la première fois la possibilité de personnaliser sonneries et fonds d'écran et de tchatter par SMS. A l'époque, les opérateurs ont critiqué notre stratégie mais l'évolution du marché nous a donné raison...

JB - Bluetooth, GPRS, écrans couleurs, Symbian, Caméras, MP3, Java : Les nouveautés se succèdent à un rythme effreiné depuis quelques mois. Qu'attendent vraiment vos clients ?

LD - Il faut bien comprendre que la première chose que remarque le client, c'est l'écran couleur. C'est un point qui peut sembler secondaire pour un technophile mais c'est une véritable révolution pour le client. Une fois qu'un client dispose de la couleur, il réclame des services comme la photographie afin d'en profiter ce qui explique la présence d'une caméra sur certains modèles. Ensuite, le client veut partager ses photos ce qui justifie des services comme le MMS et des réseaux comme le GPRS. Le dernier 7650 symbolise ces besoins.

Java est une technologie fabuleuse car elle permet de charger des applications sur son téléphone mais dans quel but ? La principale application, ce sera le jeu. N'oublions pas que le jeu le plus joué au monde... c'est Snake, le petit serpent présent par défaut dans l'ensemble de nos téléphones. Mais après une dizaine de parties, nos clients ont peut-être envie d'autre chose. Nous avons pré-installé de nouveaux jeux dans certains modèles mais l'important, c'est que le client puisse en changer et les choisir dans un catalogue. Le client se fiche totalement de savoir que c'est un jeu java. Il veut juste pouvoir "changer de jeu sur son téléphone" comme il le fait avec une GameBoy. Le premier mobile Java de Nokia, c'est le 3410, un téléphone d'entrée de gamme destiné aux adolescents.

Enfin, bluetooth... En gros, bluetooth permet de couper les fils. Les deux principales applications sont d'une part l'échange de données, le "beam" de cartes de visite, de photos, etc... et d'autre part la voix, c'est à dire l'usage d'une oreillette bluetooth. Mais cela reste une technologie pour technophiles qui a peu de sens sur un téléphone d'entrée de gamme.

JB - Des constructeurs d'ordinateurs de poche comme Palm, Handspring, Compaq ou Toshiba commencent à arriver sur le marché des "médiaphones". Craignez vous une intensification de la concurrence sur le haut de gamme ?

LD - Ce n'est pas parce que Nokia dispose de 35% de parts de marché que nous devons nous sentir invulnérables. Tout nouvel entrant est pris très au sérieux et nous regardons leurs différents produits. Néanmoins, il faut bien comprendre que le marché de la téléphonie est arrivé à maturité et que la tendance, y compris pour des acteurs présents depuis quelques années, est plutôt de désinvestir en revendant des usines ou en se rapprochant de concurrents.
Le pari est donc difficile mais on peut le comprendre car le marché de l'ordinateur de poche reste une niche si on le compare à celui du téléphone mobile. en tout cas, cette effervescence est bénéfique au marché et la décision finale reviendra au client. Nokia dispose ainsi d'un téléphone comme le 9210 qui est un combo téléphone mobile / ordinateur de poche avec un véritable clavier.

JB - Microsoft et Intel semblent vouloir s'appuyer sur les constructeurs chinois pour imposer leurs technologies et inonder le marché de "clones", comme ils l'ont fait avec les "compatibles PC" dans les années 80. Comment appréhendez vous cette situation ?

LD - Avant les chinois, les constructeurs japonais ou coréens représentent déjà une menace mais Nokia a bien résisté. Dans les fax, c'est Sagem le numéro un mondial...dans la télévision, c'est . Les Européens n'ont pas à avoir de complexes.

A propos des nouveaux constructeurs chinois qui sortent des téléphones à bas prix, Nokia s'organise pour rester compétitif sur ce segment. Nokia dispose d'usines partout dans le monde et y compris en Chine et nous disposons d'une capacité à livrer dans les temps nos clients ce qui n'est pas toujours le cas d'un nouvel entrant.

Mais ce que veut le client, c'est avant tout une marque, un design, une sonnerie. Ce n'est plus seulement un téléphone pour émettre ou recevoir des appels.

JB - Nokia a dévoilé récemment le 6650, son premier médiaphone UMTS. Pensez vous que ce marché décollera dès 2003 ? Quels sont vos prévisions en volume ?

LD - Je ne peux pas répondre à la place des opérateurs. Mais la présentation du 6650 est un message clair : "Nous sommes prêts et on le prouve". Le 6650 n'est ni un fichier powerpoint, ni un truc de laboratoire. C'est un téléphone parfaitement fonctionnel dont nous pouvons assurons la production en grand nombre. Contrairement aux premiers prototypes commercialisés sur le marché japonais, le 6650 est par ailleurs bi-mode. Il permet d'être utilisé aussi bien sur un réseau GSM/GPRS que sur un réseau UMTS et dispose d'une autonomie suffisante pour toute une journée. Au Japon, le lent démarrage de FOMA de NTT DoCoMo s'explique certainement en partie par les défauts des premiers terminaux.

JB - Avec Symbian Series 60, Nokia semble désormais s'assumer comme un géant du logiciel. Pensez vous que Symbian peut faire de l'ombre à Windows ?

LD - Avant tout, je teins à préciser que Symbian est un système d'exploitation que nous achetons à la société du même nom, dont nous sommes l'un des principaux actionnaires, alors que Series 60 est une suite logicielle que nous vendons, disposant des principales applications (messagerie multimédia, agenda, jeux, etc...) et une interface graphique normalisée pour une taille d'écran très précise.
Series 60 a déjà été retenu par Samsung, Siemens et Panasonic pour leurs futurs médiaphones et représente une formidable opportunité pour les opérateurs ou les développeurs car une même application peut désormais être portée entre des téléphones de marques différentes sans aucun problème de compatibilité. Series 60 est certainement le futur standard logiciel sur le marché des médiaphones.

Microsoft est une entreprise respectable et très puissante qui essaye depuis plusieurs années de rentrer sur ce marché. Pour le moment, ils n'ont pas encore fait leurs preuves.

JB - Nokia propose de plus en plus de services BtoC : Software Market, ClubNokia, etc... Ne craignez vous pas de froisser les opérateurs ?

LD - Notre priorité, c'est de ne pas froisser nos clients ! Quand nous avons lancé le protocole de messagerie permettant le chargement de sonneries ou de fonds d'écran sur nos téléphones, personne d'autre que le Club Nokia ne proposait d'en télécharger ! En France, des sociétés comme Kiwee ou encore Digiplug ont pris le relais mais nous ne pouvions pas prendre le risque de décevoir nos clients.

Aujourd'hui, le débat est le même avec les sonneries polyphoniques ou Java. Il y a bien quelques éditeurs comme Gameloft pour les jeux mais nous devons prendre l'initiative de créer des services de téléchargement pour véritablement tirer profit de toutes les capacités de nos nouveaux téléphones.

Néanmoins, il faut également rappeler que Club Nokia n'est absolument pas un portail mobile. Nous ne proposons aucun service de messagerie électronique ou d'information. C'est un autre métier que nous laissons volontiers aux opérateurs et dans lequel Nokia n'est pas légitime. Nokia veille simplement à tenir la promesse à ses clients de bout en bout, c'est tout.

JB - Laurent DAVID, je vous remercie.
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