iPhone : les dessous du contrat entre Orange et Apple

17 décembre 2008 à 13h56
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Orange a lancé en France fin 2007 en grande pompe le premier téléphone mobile d'Apple, l'iPhone. Première dans le monde de téléphones, plusieurs milliers de mobinautes ont bravé le froid et ont fait la queue des heures pour l'acquérir dans les 12 boutiques France Télécom ouvertes quelques heures seulement avant sa date de sortie officielle le 29 novembre 2007.

Derrière cette exclusivité de vente du produit sur le sol français, valable également sur l'iPhone 3G apparu en juillet 2008, Apple a imposé bon nombre de clauses au groupe France Télécom pour permettre à Orange de le commercialiser. A l'occasion du verdict du Conseil de la concurrence cassant l'exclusivité d'Orange sur l'iPhone, c'est la très grande majorité des clauses du contrat commercial liant Orange à Apple qui a été dévoilée. L'occasion d'en savoir plus sur ce partenariat assez atypique mêlant exclusivité, contrat pluriannuel et partage des revenus.

Orange, un partenaire de second choix pour Apple
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Premier point, Orange n'est qu'un second choix. Apple aurait en effet préféré nouer un partenariat commercial avec Vodafone (SFR en France) pour rendre disponible son iPhone dans de plus nombreux pays européens mais les deux marques ne sont pas mises d'accord sur le sujet. Ensuite, le contrat dit de « partenariat réseau » a été conclu entre Apple et France Telecom le 12 octobre 2007 et modifié en mai 2008. Il désigne Orange comme opérateur réseau et grossiste exclusif pour une durée de 5 ans à compter de la date du lancement de l'iPhone 2G, soit le 29 novembre 2007. Au bout de 3 ans, Apple se réserve le droit d'y mettre fin sans indemnités.

Apple s'engage également à ne pas mettre en œuvre, pendant une période de 2 ans à compter de l'expiration du contrat, une action marketing ciblant les « clients iPhone d'Orange » et qui « viserait à les encourager à quitter le service de téléphonie mobile d'Orange au profit du service de téléphonie d'un autre opérateur ».

L'exclusivité portait sur l'iPhone 2G et l'ensemble de ses successeurs. En contrepartie, Orange s'engageait à verser à Apple 30% des sommes facturées à chaque client iPhone Orange. Cette pratique était nouvelle pour l'époque même si utilisée entre autres par le canadien RIM pour imposer ses smartphones Blackberry. Orange s'est également engagé à rembourser 50% des dépenses publicitaires engagées par Apple dans le cadre de la promotion de l'iPhone, montant plafonné à 10 millions d'euros.

Détail intéressant, l'accord prévoit également qu'Apple serait dégagée de ses obligations d'exclusivité dès lors que 40% du nombre total de clients iPhones auraient débloqué leur téléphone et auraient changé d'opérateur. La clause 2.2 de ce contrat interdit à Orange de conclure un partenariat similaire avec un autre constructeur de mobiles. Enfin, le blocage du téléphone est également prévu contractuellement, tout comme la possibilité de l'acheter « nu » et le désimlocker pour 100 euros. «Orange versera à Apple, pour chacun des Clients iPhone d'Orange concernés, le plus élevé des deux montants suivants : (i) 100 % des frais de déblocage perçus par Orange, diminués de la TVA ou (ii) 100 EUR diminué de la TVA », précise ce contrat.

Apple contraint d'abandonner le modèle de partage des revenus avec Orange
Le 15 mai 2008, le contrat liant Apple à France Télécom a été modifié, revenant sur le principe de partage des revenus générés par les mobinautes utilisant l'iPhone en France. Ce nouvel accord a modifié l'équilibre économique du partenariat, les parties abandonnant le modèle de « revenue-sharing » au profit d'un modèle plus classique d'octroi de subventions sur les terminaux.

Outre l'autorisation de la vente - sans exclusivité - de l'iPhone 3G dans de plus nombreux pays, et outre la possibilité pour Orange d'ouvrir son réseau de distribution de l'iPhone 3G auprès de tiers (Fnac, PhoneHouse, ...), le contrat prévoyait également un niveau minimum de subvention de la part d'Orange pour les iPhones 3G, ce qui a permis notamment à l'opérateur de le proposer à 99 euros en cette fin d'année. Même au niveau du prix de l'iPhone 3G proposé avec une puce Orange par des tiers autorisés, Apple à tenu à contrôler son montant de manière formelle. Les conditions de revente des iPhones par Orange aux distributeurs agréés sont fixées par l'article 5.2 du contrat. Cette clause prévoit notamment que le prix de vente maximum de l'iPhone sera le prix dont bénéficie Orange, majoré de 8,5 %20. Orange s'engage par ailleurs à ne pas avantager ses propres points de ventes, au détriment de tiers.

Apple impose à ses distributeurs iPhone de générer 30% de leurs revenus grâce à l'iPod
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Les grossistes qui souhaitent commercialiser l'iPhone 3G doivent satisfaire aux critères de distribution sélective définis par Apple. Ces points de ventes signent en effet avec Apple un contrat de distribution spécifique à l'iPhone. Et assez étrangement, celui-ci précise que « au moins 30 % du chiffre d'affaires de la personne morale régulièrement déclaré au cours de l'exercice trimestriel précédent sur des lecteurs MP3 doit provenir de la vente des iPods d'Apple ». En d'autres termes, Apple impose à ses distributeurs de vendre des abonnements Orange... et des baladeurs MP3.

Interrogé sur ce sujet, un représentant de la Fnac a précisé que « ce contrat suppose que nous vendions un certain nombre d'abonnements Orange et un certain nombre d'iPods. Ce type de contrat est totalement inhabituel. Aucun autre constructeur n'a mis en place un tel système de distribution sélective ». La durée de validité de ces contrats s'étend du jour de leur entrée en vigueur jusqu'au 1er juillet 2009. Ils peuvent être reconduits avec l'accord des parties. Bien entendu, le revendeur ne commercialisera pas les terminaux avec une offre de téléphonie qui n'est pas celle d'Orange.

iPhone : un partenariat qui coûterait cher à Orange
Les représentants de France Telecom ont ainsi fait valoir au Conseil de la concurrence que les investissements spécifiques consentis au titre du partenariat depuis octobre 2007 s'élevaient à 86,5 millions d'euros, répartis comme suit :
  • 40 millions d'euros rétrocédés à Apple au titre du partage de revenu prévu dans le contrat initial,
  • 30 millions d'euros au titre de la subvention des iPhones 3G,
  • 4 millions d'euros au titre du fonds publicitaire créé par le contrat de partenariat jusqu'au 18 juillet 2008, auxquels se sont ajoutés 3,8 millions d'euros pour le lancement de l'iPhone 3G, le fonds ayant été à chaque fois abondé de 10 millions,
  • 2 millions de dépenses promotionnelles et 1 million pour la formation de personnel dédié,
  • 1,7 millions pour le développement d'éléments de réseaux liés à la Voice Vocal Mail spécifique à l'iPhone,
  • des dépenses liées au développement de brevets.

Ces montant sont néanmoins remis au cause pour le Conseil jugeant que la subvention du terminal est tout à fait classique dans le monde des mobiles et que les investissements en matière de publicité ne sont pas si importants que cela au regard de la durée nécessaire à leur amortissement. « Il faut donc mettre en balance d'une part un montant d'investissement spécifique de 16,5 millions d'euros adossé à une exclusivité de cinq ans, si Apple ne fait pas jouer la clause de sortie au bout de trois ans, et d'autre part, un chiffre d'affaires de 222 millions d'euros d'ores et déjà garanti avec les ventes faites en trois mois et demi. Cette comparaison établit clairement la disproportion entre le montant de l'investissement consenti et la durée de l'exclusivité », précise le Conseil.

iPhone : déjà 600 000 terminaux écoulés en France
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Orange vient d'annoncer avoir écoulé à date 150 000 iPhone 2G et 450 000 iPhone 3G sur le territoire français. France Telecom prévoit de plus d'écouler au total 500 000 iPhone 3G d'ici la fin de l'année. A cela s'ajoute un nombre non négligeable d'iPhone achetés « nu » et désimlockés. Au 15 septembre 2008, le Conseil de la concurrence dénombrait 20 076 iPhones 2G et 5 797 iPhones 3G qui avaient fait l'objet d'un désimlockage, essentiellement actifs sur le réseau SFR mais aussi sur le réseau Bouygues Telecom. A titre de comparaison, Bouygues Telecom a déclaré avoir vendu 12 000 exemplaires de l'HTC Touch Diamond depuis juillet 2008 ; 3 000 exemplaires du Blackberry Bold depuis septembre 2008, et 4 000 exemplaires du Samsung Player Addict depuis octobre 2008.

En terme de parts de marché du secteur des smartphones, l'institut GFK précisait que les principales marques du secteur en France d'avril à septembre 2008 sont HTC, Apple, Samsung, Blackberry, Nokia, Palm. Sur le marché ainsi délimité, la part d'Apple serait passée de moins d'1 % en avril 2008 à 33,4 % en septembre 2008, juste derrière HTC qui passe de 58 % à 35,8 % sur la même période.
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