Accessibilité des smartphones : un défi de taille pour les géants Google et Apple

05 novembre 2022 à 14h00
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personne-tenant-un-smartphone-blanc-sur-tableau-blanc © © Andrea Piacquadio / Pexels


Ah, les smartphones ! Créés pour nous faciliter la vie, ils sont devenus bien plus que de simples téléphones, et c’est ce qui les a vite rendus indispensables. Désormais, posséder un mobile, c’est avoir non seulement un outil de communication, mais aussi un outil de gestion, de productivité, de création de médias, de socialisation et de loisirs. En somme, c’est avoir tout un monde entre ses mains ! Mais encore faut-il pouvoir y accéder.


Mettre la technologie à disposition du plus grand nombre est probablement l’un des plus importants challenges du monde moderne. De fait, l’accessibilité numérique prend une place de plus en plus importante dans les développements en cours. On pense en premier lieu aux personnes en situation de handicap, qui constituent 15 % des utilisateurs de smartphones actuels. Cependant, ce concept peut avoir une portée plus large, car nous avons tous à y gagner, quelles que soient notre localisation, nos ressources ou nos capacités. En ce qui concerne les smartphones, l’accessibilité numérique est aujourd’hui un défi majeur pour des géants comme Google ou Apple, qui travaillent sur le sujet depuis de longues années. Nous avons voulu faire le point sur leurs avancées.


L’accessibilité des smartphones, de nombreux progrès après des débuts timorés


Les problématiques liées à l’accessibilité numérique ne datent pas d’hier. En 2005, par exemple, Apple intégrait à son système d’exploitation macOS la fonctionnalité Voice Over pour permettre aux personnes avec un handicap visuel d’utiliser ses ordinateurs. L’objectif était simple : fournir un outil capable de lire à haute voix les documents et les fenêtres. L’initiative est appréciée, mais lorsque le premier iPhone sort en 2007, aucune trace de la précieuse fonctionnalité. Comment rendre accessible un objet tactile ? La question, épineuse, reste en suspens…


Il faut attendre deux ans pour que la firme à la pomme avance sur le sujet. Lors d’une conférence en juin 2009, le logo Accessibility fait pour la première fois une brève apparition dans une slide de Phil Schiller, le remplaçant momentané de Steve Jobs. Ce jour-là, 36 secondes seulement sont dévolues à l’application Voice Over, mais aussi à Zoom, White On Black et Mono-Audio, intégrées au nouvel iOS 3 de l’iPhone.

Le logo Accessibility d'Apple © Apple
Le logo Accessibility d'Apple © Apple


2009 est également une année charnière pour Android. Les développeurs de Donut 1.6 annoncent la mise en place de TalkBack, un lecteur d’écran intégré, et d’une fonctionnalité de synthèse vocale (Text-to-Speech). La prise de conscience, timide, est malgré tout bien présente, et les années qui suivent viennent confirmer l’importance du sujet. Durant la décennie suivante, de nouvelles fonctionnalités émergent sur les iPhone, mais aussi sur les smartphones Android, ce qui les rend bien plus accessibles.

En 2010, par exemple, Apple intègre la fonctionnalité Touch Typing. Cette dernière permet de positionner son doigt sur un clavier virtuel et de le glisser sur la surface du téléphone à la recherche de la bonne lettre. Cette dernière n’est tapée que lorsque le doigt se retire de l’écran.

En 2011, Android se dote d’Enhanced Web Access, un logiciel de navigateur vocal très attendu par certains publics. L’OS Ice-Cream Sandwich se révèle également une bonne surprise. On y retrouve :

  • Une fonctionnalité de touch typing ;

  • L’agrandissement des polices directement depuis le système ;

  • La possibilité de configurer son smartphone sans avoir à demander une aide extérieure, une fonctionnalité tout simplement indispensable !


La même année, côté iOS, l’arrivée de Siri change la donne. Cet assistant personnel à commande vocale, certes loin d’être parfait, est tout de même une avancée considérable. Capable de lancer des appels, de se faire dicter des SMS, de lancer des recherches, de trouver des itinéraires et des points d’intérêt, il ouvre la porte à tout un univers de possibilités en ce qui concerne l’accessibilité des smartphones. Bien vite, il sera d'ailleurs copié par ses concurrents.


En 2012, Android poursuit son évolution et inclut les fonctionnalités Braille Support et Screen Magnification (agrandissement de l’écran). Du côté d'Apple, on développe l’AssistiveTouch qui peut être activée via Siri. La fonctionnalité s’adresse à tous ceux qui ne peuvent interagir facilement avec les boutons d’un téléphone. Ils peuvent désormais se servir de plusieurs doigts ou de gestes pour lancer certaines actions (régler le volume, faire des captures d’écran, redémarrer le smartphone et bien d’autres).

Chaque année apporte son lot de perfectionnements, tous destinés à rendre les smartphones plus simples d’utilisation :

  • Sur iOS, on développe notamment Triple Click, Braille Screen, Magnifier, Face ID, Smart Invert Colors, Shortcuts, Live Listen, etc.

  • Sur Android, on développe Accessibility Shortcuts, Color Correction, Text-to-Speech Output, Captions et bien d’autres.


Google comme Apple prennent la question au sérieux. Avec l'aide des associations et des personnes porteuses de handicap au cours de leur process de développement, les deux firmes émettent régulièrement des préconisations et des guides à destination des développeurs pour les sensibiliser à la question, encore largement méconnue du grand public.


Les années 2020, un âge d’or pour créer des smartphones plus accessibles ?


Les années 2020 sont marquées par une forte volonté d’inclusion. Un âge d’or pour l’accessibilité ? Google et Apple font, en tout cas, tous les efforts nécessaires. Le P.-D.G. de la firme de Mountain View pense d’ailleurs qu’une fonctionnalité conçue pour être accessible a une résonance bien plus large. Chez Apple, on va même plus loin : depuis longtemps, l’accessibilité y est perçue comme un droit humain fondamental.


La crise sanitaire a contribué à mettre la problématique de l’accessibilité en avant en jouant le rôle de révélateur. En effet, les confinements successifs ont amplifié les besoins en connexions. Durant la pandémie, plus de 782 millions de personnes ont surfé sur le Web pour la première fois. Or, aujourd’hui, plus de la moitié du trafic internet mondial provient des mobiles.


Avec la pandémie, les besoins en accessibilité au sens large ont été mis en lumière comme jamais auparavant, et en particulier pour les personnes porteuses de handicap. Dans l’Hexagone, la prise de conscience s’est, comme partout ailleurs, considérablement accrue. Par exemple, un rapport paru récemment prône l'accessibilité téléphonique d’ici 2024 afin que tous les Français sans distinction puissent contacter les entreprises et les services publics.

© Pexels
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Les besoins en applications et appareils mieux pensés concernent également les personnes touchées par l’illectronisme. En France, près de 17 % des habitants n’ont pas les compétences pour être à l’aise avec les outils numériques. Autant de bonnes raisons de poursuivre le développement de smartphones plus accessibles.


Heureusement, et même si le sujet mériterait d’être encore plus visible, il y a de véritables progrès dans ce sens. En 2022, on constate que les fonctionnalités créées sont de plus en plus fines. Chez Google comme chez Apple, elles répondent à des besoins de plus en plus précis.

Avec l’arrivée du système Android 13, Google a ajouté de nouvelles fonctionnalités en faveur de l’accessibilité comme :

  • L’épinglage de fenêtres dans les appels de groupe : cette option permet notamment aux personnes sourdes et malentendantes de voir le traducteur de langues des signes en permanence ;

  • L’assignation de sons à des notifications ;

  • La mise en avant de programmes disponibles avec audiodescription ;

  • Des suggestions d’émojis en fonction du contexte d’une conversation textuelle.

Apple veille aussi à ce que ses iPhone soient toujours plus accessibles, comme le montrent les dernières nouveautés de la marque :

  • Contrôle des Apple Watch depuis les smartphones ;

  • Sous-titres automatiques dans FaceTime ;

  • Temps de réponse à Siri plus long.


La firme souhaite cependant aller plus loin. Ainsi, les iPhone apportent désormais un accompagnement pour interagir plus facilement avec l’environnement immédiat. Ils sont, par exemple, en mesure de détecter des portes et de lire des inscriptions qui s’y trouvent. Une fonctionnalité on ne peut plus prometteuse.


Récemment, Apple et Google, mais aussi Amazon, Meta et Microsoft ont uni leurs forces au sein du Speech Accessibility Project. L’objectif de ce projet de recherche est d’améliorer les technologies de reconnaissance vocale afin que les personnes souffrant de difficultés d’élocution puissent les utiliser plus facilement.


Derrière leur volonté de rendre les technologies plus accessibles, les géants de la tech souhaitent également contribuer à créer un monde plus inclusif et plus représentatif. En témoignent notamment les récents efforts de Google pour prendre en compte toutes les couleurs de peau dans ses applications, mais aussi le nouvel iOS 16 qui donne aux utilisateurs quatre choix de genre.


Accessibilité mobile : quelles perspectives pour l’avenir ?


La technologie transforme nos vies, et des mastodontes tels qu’Apple ou Google ont réellement le pouvoir de faire en sorte que personne ne soit mis de côté. En tout cas, cette question ne date pas d’hier. Dans le monde entier, des lois ont été créées afin de donner à l’accessibilité la place qu’elle mérite, comme le Disabilities Act de 1990 aux États-Unis et la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées de 2006. La Web Accessibility Initiative du World Wide Web Consortium a également émis depuis longtemps des recommandations pour la conception d’applications plus inclusives.


Que l’on parle d’accessibilité au sens large ou de celle, plus spécifique, de nos smartphones, la problématique se doit d’être intégrée aux réflexions et aux développements futurs. En effet, on estime aujourd’hui que 73 % de la population globale est touchée par un handicap, qu’il soit temporaire ou permanent, léger ou lourd. Près de 9 personnes sur 10 possèdent un smartphone, ce qui fait de l’accessibilité mobile un sujet crucial. Le marché est tout simplement trop vaste pour être ignoré.

Si la prise en compte de la question affectait auparavant la rapidité des développements de produits et d’applications, tout cela a désormais considérablement évolué :

  • Les tests d’accessibilité peuvent être automatisés à 57 % ;

  • Les moteurs de règles sont plus avancés ;

  • Le machine learning a également changé la donne.

Capture d'écran Php © © Pixabay / Pexels

La technologie est donc mûre pour permettre à nos smartphones d’être plus accessibles. Et les idées ne manquent pas. Dans un futur proche, on évoque par exemple :

  • La mise en place de logins universels pour que chacun puisse accéder à ses réglages d’accessibilité depuis n’importe quel appareil ;

  • La possibilité d’interagir avec les smartphones au moyen de gestes et même d’un tracking optique ;

  • De plus grandes interactions entre les wearables et l’Internet des objets ;

  • Des GPS Walking Assistance mieux adaptés aux besoins des personnes malvoyantes ou aveugles ;

  • Des applications en réalité augmentée enfin accessibles aux personnes porteuses de handicap, et bien d’autres avancées.


Si Apple et Google sont bien sûr investies dans ces réalisations, il reste toutefois des problèmes plus terre à terre à régler. En premier lieu, et il s'agit d'un enjeu de taille, il faut convaincre les développeurs d’applications tierces de jouer le jeu de l’accessibilité et de prendre en compte les outils déjà mis en place au sein des smartphones dans leurs créations. En second lieu, les fonctionnalités déjà développées peuvent encore être améliorées. Certains retours évoquent par exemple des problèmes de surchauffe ou une expérience utilisateur perfectible.


Mais focalisons-nous sur le positif : s’il y a encore beaucoup de progrès à faire en matière d’accessibilité mobile, la question est de plus en plus (et de mieux en mieux !) prise en compte. Le fait que des firmes importantes telles qu’Apple ou Google investissent sur le sujet montre bien son importance.


De nombreuses pistes existent pour permettre à tous d’accéder plus facilement aux smartphones et de bénéficier des apports de cette technologie. Si les géants de la tech sont déjà bien avancés sur le sujet, les développeurs tiers ont également leur pierre à apporter à l’édifice. La voie est donc ouverte, et l’avenir de l’accessibilité des smartphones est, sans aucun doute, prometteur.

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Commentaires (9)

nicgrover
« 7 % de la population adulte âgée de 18 à 65 ans ayant été scolarisée en France est en situation d’illettrisme, soit 2 500 000 personnes en métropole. » https://www.anlci.gouv.fr/Illettrisme/Les-chiffres/Niveau-national<br /> ’<br /> Cela fait une population qui sait lire mais sans comprendre ce quelle lit mais en matière d’utilisation de smartphone je pense que l’on pourrait avoir des surprises.<br /> Il y a quelques années j’enseignais les arts Appliqués en BEP et BAC Pro et j’ai eu une élève qui était proche de l’illettrisme aussi lors des examens divers (BEP, BAC…) elle avait mis au point deux à trois systèmes de lecture/compréhension afin de dépasser son handicap et cela fonctionnait puisqu’elle est allé en BTS compta pour fiir comptable quelques années après.<br /> Comme quoi rien n’est rédhibitoire…
ERICP444
Très bon article, relativement complet sur toutes les possibilités et les évolutions de l’accessibilité des plates-formes que son Android et iOS.
xeno
c’est un peu hors sujet.<br /> Le smartphone c’est devenu pour moi un cauchemar.<br /> Autant le comparer à une laisse, on ne peu pratiquement plus rien faire sans être obligé d’avoir une application pour accéder à ses services, bancaire, e-mail et bien d’autres.<br /> C’est devenu pour moi une aberration.<br /> Cela devrait être pris en charge lorsque cela deviens une contrainte.
jbobby
Il a les personnes « en situation de » handicap ou les 2 genres supplémentaires (ce dernier point représente environ 0,2% de la population si je me souviens bien : 1 personne sur 500 de sources concordantes). Il y a aussi les personnes âgées (20% des français ont plus de 65 ans) et là il suffit de les regarder manipuler un smartphone pour voir le très long chemin à parcourir.
papy6
Avec nos smartphones nous sommes tous des aliénés …
Nmut
En fait, « l’ergonomie » des smartphones tant vantée n’en est pas une. C’est juste une adaptation des habitudes informatiques pour le tactile. Je n’ai jamais compris pourquoi les ergonomes n’ont jamais mis leur nez ou au moins freiné certaines mauvaises habitudes, j’ai même rencontré une fois un ergonome qui s’extasiait devant l’ergonomie d’IOS… C’est fou de confondre une interface jolie et une interface ergonomique, surtout pour un pro.<br /> Bref, c’est en voyant les non habitués aux outils informatiques (les « vieux » ou les jeunes enfants) que l"on voit qu’il y a du boulot. La curiosité, l’envie et la vitesse de mémorisation des enfants pallie les difficulté, mais chez nos anciens, la peur de l’outil et la difficulté d’adaptation ajoutée à l’ergonomie incohérente ne leur permet pas d’utiliser correctement un smartphone.
mcbenny
Je serais intéressé si tu pouvais développer ton idée sur la potentielle non-ergonomie d’iOS.<br /> Juste un truc très perso sur la différence entre ergonomie et habitudes.<br /> Mon « handicap » c’est d’être gaucher. J’ai toujours eu accès à des ciseaux pour droitiers. Je sais les utiliser. Je me fais mal aux doigts mais je les utilise naturellement. J’ai déjà essayé des ciseaux pour gauchers, et je suis incapable de les utiliser. Ils me glissent entre les doigts. Vraiment.<br /> Ils sont peut-être plus ergonomiques pour moi, mais mon habitude (même si elle peut être changée) est telle que je ne peux pas les utiliser.<br /> C’est grave docteur ?
jbobby
Mon expérience d’iOS date un peu alors je vais peut être donner des exemples qui ne sont plus d’actualité. Pendant un appel, on peut (pouvait?) par erreur retourner à l’écran d’accueil, et le mode téléphone se résume alors à une petite barre verte peu lisible et peu pratique. Autre exemple, le panneau de contrôle pour activer entre autres le mode avion. Activer le mode avion, et donc couper le mode téléphone de son téléphone, ne devrait pas se faire aussi facilement d’autant que ça peut passer inaperçu. La lisibilité des zones interactives est aussi insuffisante même avec l’option ad-hoc. Etc etc. Tout ça ne pose pas de problème à nous les habitués de la technologie, mais donnez ça à un nouveau venu et vous aurez de nombreux « gags »
Nmut
Les smartphones sont un cas d’école, il y a pas mal de ressources sur internet, tu peux en trouver facilement.<br /> Et bien sûr, l’habitude est AUSSI un facteur de bonne ergonomie, mais il doit être minimisé au maximum pour diminuer la pénalité pour les nouveaux « entrants ».<br /> Pour ton cas avec les ces ciseaux, je ne suis pas ergonome physique mais plutôt intéressé par les interactions homme-machine, et plus spécialement aux problèmes de sécurité liés aux interfaces informatiques, le problème gaucher-droitier est plus sur la façon d’appréhender globalement un écran (ou la culture joue plus que le pbm droitier-gaucher) que d’utiliser des ciseaux!
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