Métal Hurlant : le retour de la légende

16 octobre 2021 à 11h11
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Metal hurlant SF 2

L’été dernier, la revue Métal Hurlant, initialement fondée dans les années 70, annonçait son grand retour. Après un projet de crowdfunding réussi, le premier numéro a débarqué en septembre dans nos kiosques. Focus sur ce revival d’une institution de la science-fiction en France.

Métal Hurlant (2021)

Collectif

Demandez à n’importe quel membre de la génération X amateur de bande-dessinée : Métal Hurlant a marqué le monde de la science-fiction en France, porté par de nombreux auteurs et autrices iconiques. Philippe Druillet, Moebius, Gotlib, Jacques Tardi, Enki Bilal ou encore Nicole Claveloux sont passés dans ses colonnes, et la revue a même été déclinée dans une version américaine : Heavy Metal.

Arrêtée en 1987, et subrepticement republiée entre 2002 et 2004, on aurait pu croire le temps de Métal Hurlant révolu… C'était sans compter sur l'équipe de rédaction menée par Vincent Bernière (déjà à l’origine du retour des Cahiers de la bande dessinée), qui a décidé de ressusciter le géant. Au programme, comme au bon vieux temps, des interviews et des articles sur des sujets d’anticipation, et bien sûr… de la BD !

« Décaler un tout petit peu le monde tel qu’il est »

Pour cette nouvelle mouture, l’équipe rédactionnelle a mis en place un nouveau concept : un numéro sur deux proposera du contenu nouveau, sur des thématiques actuelles. Les autres numéros permettront, pour les lecteurs qui n’en avaient pas l’âge à l’époque, de découvrir des contributeurs historiques de Métal Hurlant, avec certaines œuvres inédites de ces géants de la bande dessinée. Pour ce premier numéro, on attaque avec du contenu nouveau, centré autour d’une thématique : l’anticipation proche ou near futur.

"E-Balade" de Merwan dans Métal Hurlant #1 © Humanoids, Inc.
"E-Balade" de Merwan dans Métal Hurlant #1 © Humanoids, Inc.

L’occasion pour la revue de présenter de nombreux auteurs, jeunes et moins jeunes, parmi lesquels Mathieu Bablet ou encore Ugo Bienvenu, dignes représentants de la SF moderne en bande dessinée. Au fil des pages, on retrouve également les très talentueux Merwan Chabane, Carole Maurel… et même des auteurs étrangers dont Brian Michael Bendis par exemple.

« La ville a tellement changé, ces dernières années »

Chaque histoire est un récit court en une seule partie : les auteurs doivent donc parvenir à capter notre attention et dessiner un univers cohérent en quelques pages seulement. Un exercice délicat… et pas toujours réussi. Certains auteurs sont partis dans un concept trop compliqué qu'il leur a fallu expliquer pendant tout le récit au détriment d’une histoire vraiment prenante. D'autres pages, au contraire, manquent de contexte et deviennent carrément nébuleuses.

Heureusement, ce n’est pas un constat général. Beaucoup de ces histoires courtes sont à la fois fascinantes et astucieuses, un tour de force quand on ne dispose que de quelques pages. L’équipe rédactionnelle a d’ailleurs décidé de débuter la partie BD avec l’œuvre de Mathieu Bablet, talentueux auteur de Carbone & Silicium, qui ne démérite pas ici non plus.

« Je vais finir par douter de cette histoire de réintroduction du loup en Île-de-France »

Page après page, chaque artiste propose sa vision d'un futur proche. Sera-t-il apocalyptique ? Sur-connecté ? Dévoré par le fanatisme ? Utopique ? Contrairement à ce que l’on pourrait croire, toutes les visions développées ici ne sont pas pessimistes. Merwan Chabane par exemple, imagine avec E-balade une forêt « connectée » où les randonneurs pourraient localiser la faune grâce à leur smartphone. Une sorte de vision écologique ET numérique.

À l'inverse de nombre d'œuvres de science-fiction qui dépeignent des futurs à l'agonie, ici la réflexion des auteurs et autrices emprunte tout un tas de chemins différents pour autant de possibilités imaginées.

« Elle n’était pas humaine, mais sa souffrance était réelle »

En un sens, ce premier numéro de Métal Hurlant donne un peu l’impression de s’aventurer dans une saison de Black Mirror. Certains récits sont terribles, d’autres amusants, d’autres encore, épiques… Les lecteurs, en fonction de leurs sensibilités et des sujets qui les touchent, s'attacheront à différentes histoires. Visuellement, c’est la même chose : le trait varie énormément d’une page à l’autre.

Métal Hurlant, comme à l'époque de ses premières parutions, est aussi l’occasion de découvrir de nouveaux artistes, pour peut-être creuser un peu plus dans leur bibliographie.

"Orpheus" de Jéremy Perrodeau dans Métal Hurlant #1 © Humanoids, Inc.
"Orpheus" de Jéremy Perrodeau dans Métal Hurlant #1 © Humanoids, Inc.

Dans son entretien au début du numéro, l’auteur de science-fiction Enki Bilal explique que dans ses récits, il a finalement toujours parlé du présent. Dans sa trilogie Monstre, il imaginait une secte obscurantiste faisant tomber la tour Eiffel… c’était avant l’attaque du World Trade Center par Al-Qaïda. Et c’est exactement ce que font les auteurs composant ce premier numéro de Métal Hurlant : ils s’inspirent du réel pour raconter le futur proche. Une guerre civile née d’une campagne de pub dans un jeu vidéo, une start-up proposant d’effacer les mémoires ou une télé-réalité macabre sont autant de points de départs des critiques de la société, auxquelles on adhère, ou pas d'ailleurs !

« Imagine vivre dans un monde qu’ils n’auraient pas foutu en l’air »

Même si les regards proposés dans ce premier numéro sont variés, le constat global est quand même celui d’une société en déroute, à la recherche d’un nouveau modèle. On referme Métal Hurlant avec les méninges qui chauffent, et c’est plutôt une bonne chose.

Cette nouvelle mouture a donc de quoi captiver et interpeller. On pourrait toutefois lui reprocher de rester un peu sage, réservant peu de surprise à qui connaît déjà la formule Métal Hurlant. Les prochains numéros nous apporteront-ils un vrai brin de folie ?

Métal Hurlant © Métal Hurlant

Métal Hurlant est édité chez les Humanoïdes Associés.

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Lise Famelart

Experte et passionnée de bande dessinée, Lise est également à l'aise dans la high tech comme un cookie sur le web... ou un poisson dans l'eau (comme disent les anciens).

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Commentaires (6)

raymondp
Hum, je ne suis pas fan de Matthieu Bablet, outre son coup de crayon qui est particulier, j’ai lu shangri-la et c’est une des pires expériences de bande dessinée que je n’ai jamais eue : les méchants sont très méchants et s’en sortent bien, et les gentils souffrent et se suicident à la fin. L’humanité ne vaut pas grand chose, en particulier ce qui ressemble le plus à un homme «&nbsp;normal&nbsp;» (notez les guillemets) : citadin, éduqué, blanc. Les femmes s’en sortent à peine mieux.<br /> J’avais acheté «&nbsp;les cahiers de la bande dessinée&nbsp;» et malgré un article intéressant sur Richard Corben, que j’adore, j’avais trouvé que sur le magazine soufflait un vent de «&nbsp;anarcho-gauchisme&nbsp;» sous jacent qui nous disait que nous vivons sous une dictature qui nous oppresse, discriminante, anti-écologiste et injuste…<br /> Moi qui suis un vieux, qui ait connu des temps bien plus injustes, et qui n’ai jamais fait partie des «&nbsp;privilégiés&nbsp;», je trouve que c’est déplacé de juger la société et nos gouvernants comme cela; avant c’était «&nbsp;moins bien&nbsp;» et ça a toujours été une chance de vivre en france, pour tout le monde.<br /> Les «&nbsp;anciens dessinateurs&nbsp;» de SF Moebius, Druillet, Bilal, n’avaient pas besoin de faire de discours moralisateur pour écrire des histoires intéressantes…<br /> Peut-être que j’achèterai cette BD quand même, pour voir.
danicela
Pour moi Metal Hurlant, c’est surtout la série qui est passée sur France 4 à un moment. Certains épisodes étaient pas mal, d’autres moins.
RGA
Bon, c’est la revue de mon adolescence, jeune élève sous off; qui m’a fait découvrir un monde inconnu, les litho de certaines planches, des auteurs inimaginable - Breccia illustrant Lovecraft!!!.<br /> Même l’hebdo catho «&nbsp;la vie&nbsp;» a trouvé ce nouvel opus "bien sage’, avec sans doute une gourmandise sardonique. En effet, je ne vois rien la dedans qui braverait une commission de censure… Diable, je regrette les années 80. Mais je l’ai acheté, en espérant un salutaire coup de cravache pour le prochain. Mais j’ai bien aimé l’histoire du chat…le graphisme en N&amp;B, le scénario…
Wen84
Donc à priori, ça n’a de metal hurlant que le nom. Après bon, c’est le reflet de notre société actuelle.
marco3522
Ha! Métal Hurlant! Que de souvenirs. Malheureusement ma mère a jeté ma collection, ne me reste que le spécial Alien. Snif! Un très bon dessin animé était sorti également. Introuvable aujourd’hui. Entre Métal, Charlie Mensuel et Pilote on pouvait découvrir d’excellentes BD ( pour pas trop cher) dans les années 80.
keyplus
sniff moi c est mon pere
cyrano66
marco3522:<br /> Un très bon dessin animé était sorti également. Introuvable aujourd’hui.<br /> Si vous faites référence au dessin animé canadien De 1981 avec sa bande sonore cultisme il est possible de le trouver sur des sites de ventes d’occasion.<br /> Même en version BRayimage1125×511 125 KB
Blackalf
J’écoute encore régulièrement Veteran of the Psychic Wars de Blue Öyster Cult. ^^
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