Bitcoin est-il un « or numérique » ?

Communauté Rakoon
Par Communauté Rakoon, Cryptomonnaies.
Publié le 24 juin 2021 à 08h39
Bitcoin

L’or est la référence monétaire absolue depuis 2 500 ans. Mais depuis quelques temps, certains estiment qu’il a un équivalent numérique : le Bitcoin. Vivement discutée, cette question mérite qu’on s’y attarde un instant.

La motivation du créateur de Bitcoin, Satoshi Nakamoto, était de créer une forme purement « peer-to-peer » (pair à pair) de monnaie numérique (monnaie dans sa fonction de moyen de transaction1) dont les transactions n’exigent pas la confiance de tierces parties, et dont l’offre ne peut pas être altérée par une autre partie. Autrement dit, Bitcoin permet de rassembler les propriétés de la monnaie physique, mais en mode numérique : anonymat (même si les transactions en bitcoins sont traçables), pas d’intermédiaire dans les échanges, caractère définitif dans les échanges...

Ces propriétés sont combinées avec une logique monétaire à toute épreuve, car le Bitcoin ne peut être manipulé au risque de créer une inflation incontrôlable et préjudiciable à ses détenteurs. En effet, si dans une banque centrale moderne la nouvelle monnaie créée finance le crédit et les dépenses de l’Etat, en Bitcoin la monnaie profite uniquement à ceux qui ont dépensé des ressources et mis à jour le registre (« mineurs »).

Une monnaie numérique aux caractéristiques particulières

En matière de crypto-monnaie, le minage est une opération qui consiste à vérifier des transactions, à sécuriser et effectuer des calculs pour créer de nouveaux exemplaires de la crypto-monnaie. Ce mode de validation dans une blockchain est nommé « preuve de travail » ou PoW (« Proof of Work »). Cette opération est rémunérée, et cette rémunération récompense le mineur (« nœud” du réseau doté d’une puissance informatique et de calcul) qui valide le bloc lors d’une transaction.

Le livre blanc publié en 2009 par Satoshi Nakamoto énonce que la création de nouveaux bitcoins est transparente et prédéterminée à un rythme programmé par le protocole. Ainsi, le nombre de bitcoins en circulation est limité à 21 millions (ou plus exactement à 20 999 999,9769). 50 bitcoins ont été générés environ toutes les 10 minutes pendant les 4 premières années d’existence de la crypto-monnaie, puis cette valeur est passée à 25 BTC le 28 novembre 2012 et à 12,5 BTC le 9 juillet 2016. Depuis le 11 mai 2020, ce sont seulement 6,25 BTC qui sont versés aux mineurs. Tous les 210 000 blocs (soit environ 4 années), la rémunération pour validation d’un bloc décroît donc progressivement.

Bitcoin halving

Nous sommes entrés dans la phase de croissance très faible du nombre de bitcoins : plus de 18,5 millions des 21 millions ont déjà été minés depuis le dernier halving du mois de mai 2020, c’est-à-dire que 89% des bitcoins ont déjà été créés. On prévoit que le dernier bloc avec récompense sera miné vers l’an 2140, avec une récompense d’un satoshi (0,00000001 BTC).

Le « halving » de Bitcoin, ou « Block Reward Halving » (réduction de moitié), est donc le moment où la récompense pour les mineurs est divisée par deux. Le « halving » est aussi l’événement par lequel l’inflation2 de Bitcoin est réduite instantanément de moitié. Par ce mécanisme, aucun détenteur central ne peut manipuler à son gré l’offre de monnaie Bitcoin, cet actif n’étant pas inscrit dans un bilan centralisé mais créé par le réseau de participants selon les règles du protocole.

Graphique représentant le nombre de Bitcoins en circulation en fonction du temps

Bitcoin, un or 2.0 ?

Au-delà de ses caractéristiques nouvelles qui tiennent de son état d’actif numérique et des particularités de la plus célèbre des blockchains (sa décentralisation complète, sa sécurité absolue mais aussi sa « scalabilité » limitée), Bitcoin présente de grandes similitudes avec l’or. Évidemment, outre ces particularités mathématiques et technologiques, très différentes des qualités physiques du métal jaune, la caractéristique de rareté, explique la pertinence de la comparaison de Bitcoin avec l’or.

Pour mesurer les caractéristiques communes de l’or et du Bitcoin, on se réfère au modèle dit stock to flow.

Minute définition : ratio stock to flow

Mesure qui permet d’estimer la rareté d’un métal précieux ou d’un actif rare en divisant le stock total « extrait » disponible par la quantité produite chaque année. Plus ce ratio est élevé, moins le prix du métal ou de l’actif considéré est sensible à la fluctuation de la production.

Dans le cas de l’or, avec 190 000 tonnes extraites du sol depuis le début de l’humanité (le stock) et 3 100 tonnes produites chaque année (le flux), le ratio stock to flow est de 61,3. Cela signifie que le taux de croissance annuelle de l’offre est de 1,6%, et qu’au rythme actuel de production il faudrait un peu moins de 62 ans pour reconstituer le stock d’or existant dans le monde. Par comparaison, le ratio stock to flow de l’argent-métal est de 22.

Concernant Bitcoin, étant donné que le flux de bitcoins est fixe mais qu’il diminue de moitié tous les quatre ans et tous les 210 000 blocs, le ratio stock to flow vient de doubler en 2020 pour se situer à 52,8. Il y a moins d’un an, avant le dernier halving du mois de mai 2020, ce ratio avoisinait les 24. Ces chiffres montrent que la proposition de Bitcoin comme actif de réserve se rapproche de celle de l’or, et devrait la dépasser dans un futur proche.

Source : Digitalik

Il existe des modélisations de l’évolution du prix du Bitcoin selon ce modèle stock to flow, comme le graphique ci-dessus qui affiche une valorisation à près de 55 000$ d’ici début 2021 et 100 000$ pour la fin de l’année prochaine. Bien sûr, ce genre de modèle arithmétique prédictif a deux limites évidentes :

  • La première est celle de la demande : ce n’est pas parce qu’un actif se raréfie que la demande augmente mécaniquement, et de nombreux altcoins basés sur le modèle de raréfaction de Bitcoin n’ont pas du tout connu le même succès ;
  • La seconde est que ce modèle ne sera de toute façon pas éternellement fiable, à moins que l’expansion monétaire effrénée ne se poursuive et que Bitcoin devienne le seul actif refuge crédible. Dans cette hypothèse, sa valeur pourrait atteindre des prix stratosphériques.

Néanmoins, le modèle est intéressant à suivre est permet de visualiser la valeur potentielle d’actifs à offres limitées, et permet ainsi de mettre en parallèle l’or, placement séculaire de référence, et le Bitcoin, nouvel actif numérique décentralisé.

Crédits : Communauté Rakoon

C’est sur cette base que plusieurs spécialistes s’autorisent à qualifier la crypto-monnaie « d’or digital » ou « or numérique ». Ils qualifient ainsi Bitcoin de métal précieux en version numérique principalement en raison de sa « rareté », mais aussi en raison des caractéristiques propres à chacun de ces actifs (qualités physiques pour l’or, protocole informatique novateur et création d’une valeur décentralisée pour le Bitcoin). En effet, dans les deux cas la limitation de la masse des actifs leur procure un caractère « refuge » unique pour faire face à la dévaluation des grandes devises souveraines qui nous servent pourtant de « valeurs d’ancrage ».

À plus long terme et compte tenu de cette conception intrinsèquement déflationniste du Bitcoin, on peut s’interroger sur son apparent potentiel de valorisation. Mais c’est Nassim Nicholas Taleb (ex-trader et statisticien auteur du célèbre ouvrage « Black Swan ») qui résume le mieux le potentiel de cet actif :

« Bitcoin n’a pas de propriétaire et aucune autorité ne peut décider de son sort. Il appartient à la masse : ses utilisateurs. Et il justifie maintenant d’un historique de plusieurs années, suffisamment pour être pris très au sérieux. Sa seule existence constitue une police d’assurance qui rappelle aux Etats qu’ils n’ont désormais plus le monopole sur le dernier objet que l’establishment contrôle : la monnaie. »

  • Cet article a été rédigé par des membres de la communauté française de Rakoon. Composée de passionnés de la finance de marché et de nouvelles technologies, elle œuvre à la démocratisation de la blockchain et des cryptos dans le monde francophone. Grâce à une modération stricte et à la bienveillance de ses membres, la communauté Rakoon propose un espace d’échanges entre curieux de tous niveaux, et bannit les messages commerciaux qui promettent de « doubler vos bitcoins » ou proposent de « passer en message privé » pour vous faire la proposition de votre vie. La communauté est totalement indépendante vis-à-vis des plateformes de trading testées.
  • Vous pouvez découvrir le groupe Facebook privé de la communauté Rakoon en cliquant ici.

1 Les 3 fonctions de la monnaie sont la fonction de transaction, d’unité de compte et d’actif de réserve
2 Inflation du Bitcoin = 21 millions x nombre de blocs validés / masse monétaire existante

Par Communauté Rakoon
Cryptomonnaies

Composée de passionnés de la finance de marché et de nouvelles technologies, la communauté Rakoon œuvre à la démocratisation de la blockchain et des cryptos dans le monde francophone. Grâce à une modération stricte et à la bienveillance de ses membres, la communauté Rakoon propose un espace d’échanges entre curieux de tous niveaux, et bannit les messages commerciaux qui promettent de « doubler vos bitcoins » ou proposent de « passer en message privé » pour vous faire la proposition de votre vie.

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
k33ple4rn1ng

Bitcoin n’en est qu’à ses débuts. Rien ne vous empêche de convertir une partie de votre épargne en BTC et d’en profiter aussi.

sandalfo

Comment peut-on comparer le bitcoin à l’or ? L’or est un métal physique qui a une utilité, le bitcoin n’est qu’une écriture dans un fichier sans aucun sous-jacent et aucune valeur intrinsèque.
Oui notre argent sur nos comptes bancaires est aussi une écriture dans un fichier, mais à la différence du bitcoin elle est contrôlée et surveillée de manière très sérieuse par une banque centrale et des institutions financières. Pour vos bitcoins, si vous perdez votre clef c’est perdu, pas de guichet physique où vous rendre pour prouver votre identité et récupérer votre bien.
De plus le cours est trop volatile, quand de grosses quantités sont achetées ou vendues le cours peut varier très vite. Une monnaie comme l’euro connaît une période de stabilité depuis de longues années : inflation faible, variation mesurées par rapport au dollar.
Et si on vous vole votre clef, on peut détourner vos avoirs en bitcoin, alors qu’i existe plus de gardes fous pour un compte bancaire.
Je pense que de futures monnaies électroniques pourront démontrer leur utilité comme moyen de transaction décentralisé (frais de transaction faibles, liquidité forte, grand nombre de transactions par seconde) et que la blockchain a de l’avenir, mais pas le bitcoin qui ne possède pas ces caractéristiques. Peut être une monnaie avec Proof of Stake à la place de Proof of Work ?

k33ple4rn1ng
  • Le problème des clés perdues sera résolus par des sociétés qui proposeront des services pour ça (une sorte d’intermédiaire en qui l’utilisateur acceptera de faire confiance)

  • La volatilité actuelle des cours est liée au risque perçu. Avec l’adoption du Bitcoin (et donc sa valorisation), la volatilité diminuera

  • Débat ProofOfStake (POS) vs ProofOfWork (POW) est intéressant. Chacun a ses avantages et inconvénients. Il sera intéressant de suivre les développements de ETH2.

  • Pour ce qui est de la comparaison métaux vs crypto… Même si les deux partagent certains aspects (comme la rareté), les deux tellement différents que je trouve l’exercice inutile. les cryptos sont quelque chose de nouveau mais on continue d’essayer de les comparer à ce qu’on connait.

Shaban_Shaame

« Comment peut-on comparer le bitcoin à l’or ? L’or est un métal physique qui a une utilité, le bitcoin n’est qu’une écriture dans un fichier sans aucun sous-jacent et aucune valeur intrinsèque. »

La valeur intrinsèque est une question très intéressante. Je peux rétorquer que l’or n’est en fait qu’un vulgaire caillou (il est juste rare). Le plastique par exemple à beaucoup plus, a mon sense, de valeur intrinsèque. Le plastique peut être malleable souple ou très dur. On peut tirer beaucoup plus de chose du plastique que de l’or. Certes l’or à des propriétés intéressantes comme son inoxydabilité, mais en terme d’utilité intrinsèque ce n’est pas l’objet ou le matériau le plus intéressant. Certains diront c’est parce-qu’il est est beau et qu’on peut faire de joli bijoux. A ça je répondrait c’est pas ce qui est beau qui est cher mais ce qui est cher qui est beau.

Le Bitcoin est certes qu’une écriture dans un fichier donc une donnée. Mais en 2020 nous savons que les données peuvent avoir un très grande valeur, pensez à la valeur de nos données personnelles qui sont monetisées chaque jour. Il suffit aussi de payer la facture chez un notaire pour se rendre compte combien écrire et conserver une donnée dans un livre peut être cher.
Pour moi la valeur intrinsèque du bitcoin réside dans sa valeur notariale. En effet on paie cher un notaire pour avoir la garantie qu’une donnée sera bien conservée et vérifiable en tout temps. Par exemple si j’achète un terrain j’aimerais avoir la certitude que personne ne pourra venir et contester que mon terrain m’appartient. Ainsi plus un réseau de type blockchain offre une garantie de durabilité et de sécurité plus écrire dans ce livre à de la valeur. La valeur intrinsèque réside dans le fait que pour écrire dans ce livre je vais payer un frais à l’ensemble du réseau pour qu’il conserve mon écriture.
Donc l’utilité du bitcoin est de pouvoir écrire des transactions dans ce livre des comptes décentralisé et la valeur de son utilité réside dans le nombre de participants (puissance de calcul) qui accroit sa sécurité et durabilité.

Shaban_Shaame

« Oui notre argent sur nos comptes bancaires est aussi une écriture dans un fichier, mais à la différence du bitcoin elle est contrôlée et surveillée de manière très sérieuse par une banque centrale et des institutions financières. Pour vos bitcoins, si vous perdez votre clef c’est perdu, pas de guichet physique où vous rendre pour prouver votre identité et récupérer votre bien. »

C’est une question d’indépendance financière. Ici la comparaison avec l’or reste vrai, si vous possedez de l’or et que vous les égarez ou que quelqu’un vous le vole il n’y a pas de guichet qui vous rendra ce que vous avez perdu. Certes il y a des assurances mais c’est c’est un autre domaine on peut aussi assurer ses avoirs crypto. L’idépendance financière à les deux coté de la médaille, soit vous gerez vous même votre bien, soit vous déléguez cette gestion à une banque par exemple. L’avantage de gérer sois même un comme garder son or sur soi donne l’avantage de pouvoir en disposer à bon gré. Le fait de le déléguer évite d’assumer les risque de vols mais laisse aussi à la merci de facteur externes, par exemple la banque pourra ponctionner voir même séquestrer votre avoir.

philouze

En fait la Blcokchain du BTC, en proof-of-work, n’est pas infaillible, elle repose juste sur une logique d’inflation de complexité qui met d’emblée en concurrence « ceux qui pourraient être ses hackers ».
En gros, on peut dire qu’on a renversé la logique du black-hat : on a « acheté » ceux qui auraient été les pirates, qui deviennent des mineurs, et qu’on paye en BTC.

Ceux que ça intéressent peuvent se référer aux articles qui expliquent ce qu’est exactement le consensus, le hash, la proof-of-work.

Cette preuve d’unicité est la plus brutale, absurde mais il faut le reconnaitre pour l’instant fonctionnelle, avec d’énormes travers : une consommation d’énergie énorme , une consommation de processeur énorme.Uniquement destiné au consensus, et une énorme lenteur, ainsi qu’un cout de transaction élevé.

Mais les ordis quantiques ainsi que les supers- processeurs, au départ destinés à l’IA arrivent. Qu’un seul de ces types décide de sortir ces machines du labo pour miner du BTC et le château de carte s’effondre :

Ce proc est typiquement la faille du BTC, car le gain en minage dépassera très rapidement le cout de ce genre de proc, qui est à lui seul 200x plus puissant que tout un super ordinateur, sur des calculs finalement très proches de ce que représente un Hashing.

Et là, on va très vite comprendre pourquoi un BTC n’est pas de l’or…

sandalfo

Je suis d’accord pour la comparaison blockchain / cadastre et notaires.
Sauf que dans le cadastre il y a un sous-jacent, le bien immobilier.
Ce que je critique n’est pas le principe de la blockchain, qui me semble utile, mais son application dans le bitcoin : une blockchain lente, chère et vorace en énergie. Je suis sûr qu’on peut faire beaucoup mieux comme crypto, avec beaucoup plus de transactions par seconde, des frais minimes et peu de consommation énergétique (PoS). La crypto qui réunira ces conditions avec pourquoi pas une volatilité faible (stablecoin) sera très utile économiquement, donc aura de la valeur.

Kratof_Muller

Les prévisions donnant le bitcoin à 100 000 seraient éphemeres et suivies d’un gros dump… Au tarif d’un dollar fixe biensur … Mais qu en serait il si l inflation venait à etre démasquée ? Le dollar prendrait sa valeur réelle, soit environ 10% de son prix et effectivement à ce titre le BTC pourrait valoir 100 000$ !

Metaphore54

Je ne suis pas fan du bitcoin à cause de la volatilité du cours et de la consommation électrique pour le miner.

Pour le reste sa valeur reflète la confiance dans cette monnaie, reste à voir si il y a une bulle spéculative et si oui quand va t-elle éclater.

Akteur_Mineur

Etes-vous conscient que le risque que vous évoquez touchera le Bitcoin… En dernier ? Si jamais de telles machines existent un jour, il sera tellement plus facile de faire tomber toute la cryptographie des l’ensemble des SI. Par exemple avant d’attaquer le Proof of Work de Bitcoin, il sera beaucoup plus aisé de craquer tous les mots de passe de la planete. Toutes les banques toutes les entreprises toutes les administrations, les codes numcléaires, bref. Tout cela sera craqué avant Bitcoin qui est de fait plus difficile a mettre a défaut que tous ces systèmes du fait de sa décentralisation et 11 ans de preuve de travail … La prochaine fois que vous utiliserez cet argument, pensez à tout cela.