UDF : "Bayrou refuse un monde où toute œuvre devrait être verrouillée"

29 mars 2007 à 09h06
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François Bayrou
Frédéric Lefebvre-Naré, conseiller pour les études et le projet de l'UDF, membre de la campagne de François Bayrou, précise la politique du candidat centriste à la Présidentielle 2007, en terme de technologies de l'information.

AB - Frédéric Lefebvre-Naré, bonjour. Quels sont les principaux axes du programme de François Bayrou en matière de technologies de l'information et de la communication (TIC) ?


FLN - François Bayrou aborde ces technologies dans deux perspectives : pour ce qu'elles apportent à l'égalité des chances, et comme nouveau modèle de développement économique et social.

L'accès à Internet dans des conditions correctes - c'est-à-dire, aujourd'hui, à haut débit - est une question d'égalité des chances : parce que les ressources présentes sur Internet sont devenues essentielles pour les études, les démarches administratives, la culture, l'information, les achats, pour organiser ses déplacements et pour de nombreux autres actes de la vie quotidienne.

Dans une société où la fracture territoriale, quartiers aisés / quartiers défavorisés, zones rurales abandonnées, banlieues... a succédé à la fracture sociale, il faut valoriser la chance que représente Internet pour tous les Français. Et cela commence à l'école.

Cela passe déjà par la familiarisation des enseignants à l'usage éducatif d'Internet, dans leur formation initiale et surtout continue, le développement du brevet d'initiation à Internet pour les primaires, l'équipement généralisé de tous les établissements scolaires.

Cela passe aussi par des solutions techniques pour que le haut débit soit accessible partout. Les solutions sont diverses (WiMax, satellite ...) Ces choix relèvent de l'aménagement du territoire local, donc en premier lieu des collectivités. L'État doit assurer la péréquation des ressources des territoires. On peut imaginer une péréquation économique spécifique pour l'accès au haut débit à l'échelle du territoire national, métropole et outre-mer.

Internet ouvre également la voie à un nouveau modèle de développement par l'innovation. Il y a dans Internet - et on le voit en particulier avec le logiciel libre et les wikis - une capacité de partage du savoir qui refonde l'activité économique elle-même sur des bases de coopération et de gratuité, alors que l'économie industrielle reposait sur l'échange marchand. On connaissait le développement par la puissance, on connaissait le développement par l'économie, on est en train de découvrir le développement par le partage, la liberté et la connaissance. Cette perspective de développement mérite d'être reconnue, encouragée et aidée ; elle mérite d'être défendue contre les menaces que font peser sur elle de grands monopoles ou de grands opérateurs, dont l'intérêt économique est plutôt de tirer une rente de positions acquises, que d'encourager le partage et la diffusion de l'innovation. François Bayrou refuse un monde où tout serait marchand, et où toute œuvre de l'esprit devrait être contrôlée et verrouillée.

AB - Quel est le point de vue de l'UDF sur la brevetabilité du logiciel, l'interopérabilité des dispositifs, la gestion des droits numériques (DRM) ?


FLN - La question du brevet logiciel est très controversée à travers le monde. Parmi les « géants » de ce secteur, les Etats-Unis délivrent des brevets sur les logiciels, l'Inde s'y refuse. La réglementation européenne actuelle (Convention de 1973) prévoit qu'un « programme d'ordinateur » n'est pas en tant que tel, brevetable - mais que l'on peut accorder un brevet à un dispositif technique, par exemple industriel, qui fait appel à des logiciels. Quand une large extension de la brevetabilité a été proposée par les gouvernements européens et la Commission de Bruxelles, le groupe parlementaire où siègent les députés UDF a rejeté cette proposition ; il a été suivi en cela par la quasi-unanimité du Parlement. Le débat a peu évolué depuis.

François Bayrou est conscient des avantages que peut procurer le brevet pour les entreprises qui développent des logiciels - pouvoir protéger ses innovations aide à lever des fonds pour financer leur mise sur le marché. D'un autre côté, la véritable innovation en matière de logiciels se fait presque uniquement dans les PME, dans une démarche d'échanges et de collaboration : l'arme du brevet est souvent inadaptée à cette démarche, et inaccessible tant pour des raisons économiques que de lourdeur administrative.
François Bayrou tient en tout cas à ce que la réglementation permette le développement du logiciel libre - non breveté par définition. Le logiciel libre garantit également l'indépendance des utilisateurs par rapport aux éditeurs. C'est vrai pour chaque citoyen, c'est vrai aussi pour les pouvoirs publics ou d'autres grands utilisateurs qui, en choisissant le logiciel libre, acquièrent une autonomie accrue. C'est en gardant à l'esprit cette défense du logiciel libre que François Bayrou a abordé la question des droits numériques. Il soutient le principe de l'égalité des logiciels libres et des logiciels propriétaires devant d'éventuelles mesures de protection, ainsi que le principe de l'obligation de communication des données.

L'interopérabilité, condition du développement harmonieux de l'ensemble des logiciels, libres et propriétaires, c'est en matière d'œuvres numérisées la possibilité de les faire passer d'un support à un autre, de la faire partager dans le cercle privé. C'est la condition du droit à la copie privée, pour un usage personnel, familial ou amical. Il est regrettable que le gouvernement ait choisi de remettre à l'après élections le Référentiel général d'interopérabilité (RGI), qui aurait pourtant pu être prêt depuis des mois.

La loi DADVSI (droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information) était très en retard sur l'évolution des faits, inapplicable dès le départ, et inappliquée. Elle a démontré l'incapacité du parti au pouvoir, sous la pression de certains grands intérêts, à voir la nature des choses, la nature d'Internet lui-même.

AB - Si François Bayrou est élu, quel soutien apportera-t-il au pôle de compétitivité « logiciels libres et open source » ?

Ce projet de pôle de compétitivité, officialisé fin 2006, semble particulièrement bienvenu et bien fondé. Si François Bayrou a critiqué la façon dont les pôles de compétitivité ont été mis en place, ce n'est pas à cause du reproche de « saupoudrage » que font certains : la créativité peut jaillir de petits ensembles. C'est parce qu'il souhaite que les pôles de compétitivité bénéficient aux PME, alors qu'aujourd'hui 90% de l'effort est capté par de grandes entreprises. Pour François Bayrou, l'ambition des pôles doit être de mettre ensemble les chercheurs et les entrepreneurs, de permettre à des PME d'accéder à des réseaux de recherche, et de bénéficier de transferts de technologie. C'est la logique même dans laquelle se développe aujourd'hui le logiciel libre.

AB - Frédéric Lefebvre-Naré, je vous remercie.
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