Alors que le coût de la mémoire vive commence à flamber, on le sait, la situation ne devrait pas revenir à la normale avant 2027 au plus tôt. Mais certains y voient une lueur d'espoir pour la conception d'applications et de logiciels plus optimisés, et donc, de meilleure qualité.

Le prix de la RAM s'envole : une aubaine pour nos logiciels et applications ? ©Shutterstock
Le prix de la RAM s'envole : une aubaine pour nos logiciels et applications ? ©Shutterstock

Anciennement président de Mozilla Europe et aujourd'hui membre de la CNIL et directeur associé chez OCTO Technology, Tristan Nitot partage une réflexion très intéressante. Ce dernier voit dans l'explosion actuelle du coût de la mémoire une chance inespérée de stopper l'obésité logicielle. Cette contrainte économique pourrait enfin forcer les développeurs à nettoyer leur code plutôt qu'à empiler des couches toujours plus gourmandes en ressources matérielles.

Vers des logiciels plus optimisés

Comme nous le rapportions récemment sur Clubic, le marché de la mémoire vive subit une inflation brutale qui alourdit considérablement la facture de nos configurations. Si la RAM se transforme progressivement en composant de luxe, cela pourrait en effet inciter les développeurs à mieux concevoir leurs applications et logiciels.

Dans un billet publié sur LinkedIn, Tristan Nitot pointe la loi de Wirth : les logiciels ralentissent plus vite que le matériel n'accélère. Pendant des années, l'industrie a compensé un code parfois négligé par l'ajout systématique de barrettes de RAM bon marché. L'expert prend pour exemple le légendaire gestionnaire des tâches de Windows NT 4. Initialement développé par une seule personne sans les frameworks modernes, cet outil s'affichait instantanément et tournait avec une empreinte mémoire minuscule. Il affirme ainsi : "Le très simple et indispensable Windows Task Manager de Windows NT 4 (ça ne nous rajeunit pas) faisait 83 Ko à l'époque. Le même, réécrit pour Windows 11 fait 5,3 Mo, soit 64 fois plus. Pour exactement la même chose !"

Les premiers visés par cette nécessaire remise en question sont certainement nos navigateurs web. Google Chrome, notamment, est souvent critiqué pour sa lourdeur. Google privilégie le développement rapide au détriment de l'optimisation, quitte à introduire des options de mise en veille des onglets des années plus tard. Les applications basées sur Electron sont aussi en ligne de mire comme Slack ou Discord, qui prennent l'habitude de consommer la mémoire vive comme s'il s'agissait d'une ressource infinie. Chaque onglet ou conversation devient un processus distinct, accumulant des couches d'abstraction qui saturent rapidement 16 ou 32 Go de RAM. Et on ne parle pas de Photoshop, Android Studio ou Docker...

memoire RAM explosion des prix

Mais dans un tel contexte, l'optimisation pourra-t-elle encore passer au second plan ?

Concrètement, les développeurs pourraient délaisser les solutions de facilité comme Electron au profit d'alternatives bien plus frugales comme Tauri, qui utilise les ressources natives du système plutôt que d'embarquer un navigateur complet. Et puis souvenez-vous, il n'y a pas si longtemps, nos applications quotidiennes étaient proposées en version "Lite" dans certaines régions du monde. Et si ces dernières revenaient en force ? Pour ne pas perdre les utilisateurs bloqués sur des configurations standards de 8 ou 16 Go, les éditeurs comme Microsoft ou Slack devront peut-être proposer des clients allégés, délestés de leurs fioritures graphiques.

C'est un retournement de situation plutôt inattendu. La contrainte technique a toujours poussé les ingénieurs à se dépasser, mais cette fois, le frein est financier. Pour ne pas perdre des utilisateurs incapables de suivre la flambée des prix, les éditeurs devront être en mesure d'accompagner cette crise au risque de voir leurs utilisateurs se diriger vers des alternatives plus optimisées.