110 ans plus tard, Albert Einstein marque encore un point. Dans les profondeurs de l'Univers, des astronomes viennent d'observer un phénomène vertigineux, longtemps cantonné aux équations de la relativité générale.

Cette fin d'année est riche en découvertes pour les amateurs d'astronomie. Après la détection du plus long sursaut gamma jamais mesuré, voilà qu'une autre équipe de chercheurs observe la précession de Lense-Thirring.
Théorisé en 1915 par la relativité générale d'Einstein, puis formalisé dès 1918 par deux physiciens autrichiens, Josef Lense et Hans Thirring, ce mécanisme désigne la capacité d'un objet extrêmement massif et en rotation, comme un trou noir, à entraîner l'espace-temps dans son mouvement.
Einstein avait encore raison
« Notre étude apporte la preuve la plus convaincante à ce jour de la précession de Lense-Thirring, un phénomène selon lequel un trou noir entraîne l'espace-temps avec lui, un peu comme une toupie entraîne l'eau autour d'elle dans un tourbillon », explique Cosimo Inserra, de l'université de Cardiff au Royaume-Uni, dans un communiqué.
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont étudié un événement de disruption maréale (TDE) baptisé AT2020afhd, qui se produit lorsqu'une étoile s'approche trop près d'un trou noir supermassif et se fait littéralement déchiqueter par la gravité de celui-ci. Grâce aux capacités combinées des télescopes spatiale Swift de la NASA, sensible aux rayons X, et du réseau de radiotélescopes Very Large Array (VLA), qui capte les ondes radio, ils ont détecté des variations régulières et synchronisées dans les émissions du système.
Ces signaux, provenant à la fois du disque de matière entourant le trou noir et du jet de particules qu'il projette, présentaient un rythme semblable, se répétant environ tous les vingt jours. Ce comportement reflète un léger balancement commun du disque et du jet, interprété comme la signature directe de la précession de Lense-Thirring : en tournant sur lui-même, le trou noir entraîne l'espace-temps environnant, forçant la matière à osciller avec lui.
« C'est un véritable cadeau pour les physiciens, car nous confirmons ainsi des prédictions faites il y a plus d'un siècle », se félicite Cosimo Inserra.

Une meilleure compréhension des trous noirs
Au-delà de la confirmation d'une prédiction d'Einstein, cette observation ouvre surtout une nouvelle fenêtre sur le fonctionnement intime des trous noirs. Jusqu'ici, mesurer leur vitesse de rotation relevait du casse-tête, mais en montrant que la précession de Lense-Thirring peut être détectée directement à travers les variations conjointes du disque d'accrétion et des jets, les chercheurs disposent désormais d'un nouvel outil pour sonder leur rotation.
L'étude permet aussi de mieux comprendre la façon dont les trous noirs se nourrissent et expulsent de la matière. Le lien observé entre le disque et le jet suggère que ces deux structures, longtemps étudiées séparément, sont en réalité étroitement couplées et influencées par la rotation du trou noir lui-même.
« De la même manière qu'un objet chargé crée un champ magnétique lorsqu'il tourne, nous observons comment un objet massif en rotation – dans ce cas, un trou noir – génère un champ gravito-magnétique qui influence le mouvement des étoiles et autres objets cosmiques à proximité », conclut le scientifique.
Sources : Space.com, Science Advances