SpaceX peut encore dormir sur ses deux oreilles ce soir, même si le réveil a failli sonner brutalement dans le désert de Gobi. LandSpace a réussi l'exploit d'envoyer son lanceur Zhuque-3 en orbite ce mercredi, avant de nous offrir un final explosif lors de sa tentative de retour sur Terre.

Zhuque-3 - © LandSpace
Zhuque-3 - © LandSpace

Le sol de la base de Jiuquan a tremblé ce 3 décembre 2025, et ce n'était pas seulement dû à l'excitation des ingénieurs chinois. Les équipes de LandSpace retenaient leur souffle alors que leur immense fusée au méthane s'élançait vers les cieux pour son vol inaugural. Si la mise en orbite s'est déroulée avec la précision d'un métronome, rappelant à tous que la Chine maîtrise parfaitement l'aller, le billet retour s'est avéré plus compliqué à valider. La gravité terrestre, cette vieille ennemie que même Elon Musk a mis des années à apprivoiser, a rappelé ses droits avec fracas. Le premier étage du Zhuque-3, après une descente contrôlée prometteuse, a manqué sa cible finale, terminant sa course en un tas de ferraille fumant plutôt qu'en douceur sur ses pieds.

Un magnifique brouillon pour l'histoire

Il ne faut surtout pas jeter la pierre, ni le débris, à cette entreprise privée qui tente, dix ans après tout le monde, de briser le monopole américain. Ce spectacle pyrotechnique involontaire n'est pas un échec cuisant, c'est un passage obligé, presque un rite initiatique. Les plus taquins se souviendront que les premières fusées Falcon 9 avaient, elles aussi, une fâcheuse tendance à se transformer en boules de feu spectaculaires avant de devenir les taxis de l'espace les plus fiables du monde. Ce crash est en réalité une excellente nouvelle pour l'industrie chinoise : il prouve qu'ils sont passés de la théorie à la pratique, mettant les mains dans le cambouis avec une audace qui manque parfois cruellement ailleurs.

L'ambiance à Jiuquan ressemble d'ailleurs à une fourmilière en ébullition. LandSpace n'est que la première à se casser les dents sur le tarmac, mais ses voisins de pas de tir trépignent d'impatience. Deep Blue Aerospace et Space Pioneer préparent eux aussi leurs propres lanceurs, transformant le désert chinois en un gigantesque laboratoire à ciel ouvert où la casse est permise, pourvu qu'on apprenne vite. La stratégie est claire : lancer, crasher, corriger, et recommencer jusqu'à ce que ça tienne debout. C'est une méthode brutale mais terriblement efficace qui a fait ses preuves outre-Pacifique.​

L'Amérique garde sa couronne, l'Europe prend des notes

Pendant que la Chine balaie les cendres de son ambition du jour, les États-Unis conservent jalousement les clés du club très fermé de la réutilisation. SpaceX continue d'enchaîner les succès avec une routine presque ennuyeuse, tandis que Blue Origin vient tout juste de rejoindre la fête le mois dernier en posant enfin son lanceur New Glenn sans le briser. Pour l'instant, la domination technologique reste une exclusivité américaine, un mur que le Zhuque-3 a ébréché sans parvenir à le faire tomber.

De ce côté-ci de l'Atlantique, on observe cette frénésie avec des jumelles et, disons-le, une certaine lenteur administrative. L'Europe spatiale semble regarder passer le train à grande vitesse de la réutilisation en attendant son propre train de nuit, prévu pour l'horizon 2030. C'est un pari risqué, car la réalité économique est cruelle. Chaque atterrissage raté en Chine rapproche un peu plus Pékin d'une solution viable qui cassera les coûts de lancement pour ses futures constellations géantes. Le monopole américain vacille peut-être légèrement aujourd'hui, mais il ne tombera pas ce soir. La Chine a prouvé qu'elle savait monter ; il lui reste maintenant à apprendre à redescendre sans tout casser.

Source : SCMP