L’Arcom ne tourne plus autour du pot. Dans une étude dense remise à l’Assemblée nationale, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique estime qu’il est désormais « urgent » de renforcer la lutte contre le piratage en France.

Le piratage sportif, en particulier celui du football, reste le principal moteur des flux illégaux. © Worradirek / Shutterstock
Le piratage sportif, en particulier celui du football, reste le principal moteur des flux illégaux. © Worradirek / Shutterstock

Malgré que le rapport pointe un recul des usages illicites depuis 2021, il met surtout en avant une mutation de l'offre de contenus pirates, avec des méthodes qui se sont complexifiés et qui contournent les outils en place plus vite qu’ils ne peuvent être activés. IPTV illégale, streaming sportif clandestin, sites miroirs proliférants : le régulateur considère que le modèle actuel atteint ses limites et souhaite frapper beaucoup plus fort contre le piratage.

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Le piratage change, les outils doivent suivre

Le rapport commence par dresser un constat contrasté. Oui, la consommation illicite a baissé de 35 % depuis 2021. Oui, l’audience globale des sites de streaming, live streaming, téléchargements directs et autres P2P est revenue à son niveau le plus bas depuis quinze ans. Mais un chiffre résume l’inquiétude de l’Arcom : un internaute sur quatre pirate encore des contenus culturels ou sportifs en 2025.

Le peer-to-peer, autrefois au cœur du piratage, ne représente plus qu’une fraction des pratiques. À sa place, deux usages dominent : le streaming illégal et l’IPTV pirate, désormais utilisée par 11 % des internautes, dont les deux tiers s’y sont mis au cours des trois dernières années. Ces offres tout-en-un, qui proposent pour quelques euros l’accès à des milliers de chaînes et de contenus premium, reposent sur des infrastructures distribuées, des CDN spécialisés, des applications dédiées et des réseaux de revente particulièrement agiles.

Face à cet écosystème mouvant, les outils traditionnels montrent leurs limites. L’Arcom documente l’ampleur du problème : plus de 10 000 demandes de blocage pour le sport depuis 2022, plus de 2300 sites miroirs repérés, et une capacité de contournement quasi immédiate grâce au changement de noms de domaine. L'Arcom note aussi un usage accru des outils de contournement et près de la moitié des consommateurs illicites âgés de 15 à 24 ans y auraient recours.

Pour l’Arcom, la conclusion est simple : « les dispositifs existants se révèlent aujourd’hui insuffisants pour garantir l’effectivité de la lutte contre le piratage ».

Vers une automatisation des blocages : un tournant majeur

Avec une situation qui demande, selon l'Arcom, des mesures "urgentes", arrivent des propositions lourdes de conséquences. Il est nottament question d'automatiser partiellement les blocages, en particulier pour le sport. Aujourd’hui, l’injonction dynamique mise en place en 2021 permet déjà aux ayants droit de faire bloquer des flux pirates pendant la durée d’une compétition. Mais le dispositif repose encore sur des vérifications manuelles. Or, dans un environment où les sites pirates se recréent en quelques minutes, ce modèle ne suit plus la cadence.

Le régulateur recommande donc la mise en place d’un système de blocage en temps réel, sans intervention humaine systématique, sous sa supervision. Un basculement inspiré du modèle italien et de son "Piracy Shield", qui déléguerait la détection aux ayants droit tout en confiant à l’Arcom le contrôle des outils.

Autour de cette réforme centrale, le rapport esquisse un changement de paradigme :

  • Impliquer plus largement les acteurs techniques (DNS, VPN, hébergeurs, stores d’applications, CDN, moteurs de recherche)
  • Donner à l’Arcom de nouveaux pouvoirs coercitifs en cas de non-application des blocages
  • Renforcer les outils pénaux, notamment via une infraction spécifique pour la retransmission illégale d’événements sportifs
  • Simplifier les procédures administratives et moderniser la liste des services contrefaisants.

Le chiffre avancé pour justifier cette accélération frappe : 1,5 milliard d’euros de pertes annuelles pour les secteurs culturel et sportif, auxquels s’ajoutent 400 millions d’euros de manque à gagner pour les finances publiques, selon le rapport.

Un signal politique clair

À travers ce rapport, l’Arcom adresse un message direct au législateur : la lutte contre le piratage doit entrer dans une nouvelle phase, plus rapide, plus technologique, plus transversale. Tout en rappelant que chaque mesure devra être encadrée pour respecter les libertés fondamentales. L’Arcom assume ainsi un positionnement plus offensif qu’à l’accoutumée.

Mercredi, son président sera auditionné par la commission des affaires culturelles. Une étape qui pourrait ouvrir la voie à une réforme d’ampleur et à un durcissement inédit dans la lutte contre l’IPTV illégale en France.

Source : Arcom : les enjeux et les différents instruments de lutte contre le piratage dans les secteurs culturels et sportifs