Bruxelles ne lâche plus Shein d'une semelle. Après le tollé suscité par la découverte de produits à caractère pédopornographique sur sa plateforme, la Commission européenne exige des comptes immédiats et brandit la menace de sanctions financières colossales.

Aujourd'hui, l'enjeu change d'échelle. © Shutterstock
Aujourd'hui, l'enjeu change d'échelle. © Shutterstock

L'étau se resserre dangereusement autour du géant de la « fast fashion ». Alors que nous évoquions très récemment la possibilité d'une suspension pure et simple de la plateforme en France, l'affaire prend désormais une tournure continentale. Ce n'est plus seulement une question de concurrence déloyale ou de droits de douane, mais bien de sécurité publique et de protection des mineurs, un terrain sur lequel l'Europe refuse désormais de transiger depuis la mise en route de son arsenal législatif.

Ultimatum pour le géant chinois

La Commission européenne a décidé de frapper vite et fort. D'après les informations relayées par nos confrères des Echos, l'exécutif européen a adressé une demande formelle d'informations à l'entreprise, la sommant de s'expliquer sur ses défaillances en matière de modération. Bruxelles pointe spécifiquement du doigt la présence de ces produits illicites dans le catalogue et demande à comprendre comment le système de recommandation de l'application a pu propulser de tels articles vers les utilisateurs.

Ce n'est pas une simple invitation à discuter. La Commission exige de savoir comment Shein compte se mettre en conformité avec les règles de protection des consommateurs. L'entreprise doit fournir des détails précis sur ses algorithmes et ses équipes de modération. La découverte de ces poupées n'est que la partie émergée de l'iceberg : c'est toute la mécanique de validation des produits tiers sur la marketplace qui est aujourd'hui sur la sellette.

Le DSA, ou la fin de l'impunité numérique

Pour Shein, classée très grandes plateformes en ligne dans le cadre du Digital Services Act, la période de grâce est terminée. Ce statut impose des devoirs de vigilance accrus, notamment sur l'évaluation des risques systémiques liés à ses services. Rappelons-le, l'État français s'attaque déjà à d'autres plateformes d'e-commerce pour des motifs de sécurité, mais la procédure européenne change l'échelle du risque pour l'entreprise chinoise.

L'affaire ne semble être que le début d'une joute réglementaire. © Shutterstock
L'affaire ne semble être que le début d'une joute réglementaire. © Shutterstock

Si les réponses fournies ne satisfont pas Bruxelles, ou si Shein tente de jouer la montre, la sanction sera mathématique. Le DSA permet à la Commission d'infliger des amendes pouvant grimper jusqu'à 6% du chiffre d'affaires mondial de la société. Pour un groupe qui génère des dizaines de milliards, l'addition pourrait être historique. L'Europe teste ici la solidité de son règlement face à un acteur qui a bâti son empire sur une opacité savamment entretenue.

Entre une pression médiatique intenable et une régulation européenne qui montre les crocs, Shein va devoir rapidement choisir : revoir de fond en comble son modèle de modération ou préparer son chéquier pour une amende qui se chiffrera en milliards.

Source : Les Echos