La Commission européenne vient d'épingler les géants TikTok et Meta, pour des manquements graves au règlement sur les services numériques. Les plateformes risquent des sanctions financières colossales.

Meta et TikTok sont dans le viseur de la Commission européenne © Bbeiii / Shutterstock.com
Meta et TikTok sont dans le viseur de la Commission européenne © Bbeiii / Shutterstock.com

Ce vendredi, Bruxelles a publié des constats préliminaires accablants à l'encontre de TikTok, Facebook et Instagram. Ces trois mastodontes du web sont soupçonnés d'entraver systématiquement le travail des chercheurs en leur refusant un accès satisfaisant aux données. Meta fait face à des reproches additionnels concernant ses dispositifs de signalement et de contestation. Mais attention, même si le risque d'une amende XXL est réel, rien n'est encore définitif dans cet échange juridique qui s'annonce long.

TikTok et Meta bloquent l'accès des chercheurs aux données publiques, d'après l'Europe

Le premier reproche de la Commission à l'encontre de Meta et TikTok porte sur l'accès à l'information. Concrètement, lorsqu'un chercheur universitaire veut étudier l'impact de TikTok ou Facebook, il doit pouvoir consulter les données publiques de ces plateformes, comme par exemple, quels contenus sont vus par les adolescents, à quelle fréquence, etc.

Or d'après l'enquête de Bruxelles, les trois plateformes auraient volontairement compliqué ce processus en imposant des démarches lourdes et des outils contraignants. Les scientifiques se retrouvent avec des informations parcellaires, incomplètes ou peu exploitables. Il leur est impossible dans ces conditions de mener des études sérieuses sur l'exposition des jeunes aux contenus dangereux ou de mesurer les vrais effets de ces réseaux sociaux.

Cette exigence de transparence figure pourtant noir sur blanc dans le DSA, le règlement européen sur les services numériques. Le texte transforme en obligation légale ce qui relevait auparavant du bon vouloir des plateformes. L'objectif est de permettre à la société civile et aux scientifiques d'ausculter réellement l'influence de ces réseaux sociaux sur notre bien-être collectif, tant psychologique que physique.

La vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge de la souveraineté technologique, Henna Virkkunen, n'y va pas par quatre chemins dans sa déclaration officielle. Elle martèle que les plateformes doivent « responsabiliser les utilisateurs, respecter leurs droits et ouvrir leurs systèmes à un examen minutieux », et rappelle au passage que le règlement européen transforme cette transparence en devoir non négociable. Un signal fort envoyé depuis Bruxelles aux mastodontes californiens et chinois du numérique.

Les outils de signalement de Meta jugés défaillants

Meta, le groupe de Mark Zuckerberg, se trouve dans une position particulièrement délicate. Au-delà du problème d'accès aux données, la Commission reproche à Facebook et Instagram de compliquer sérieusement la vie des utilisateurs qui souhaitent signaler des contenus illégaux. Qu'il s'agisse de matériel pédopornographique ou de contenus terroristes, les mécanismes mis en place imposeraient des étapes superflues et des exigences supplémentaires qui découragent les signalements spontanés.

L'enquête révèle aussi l'utilisation présumée de ce que les spécialistes appellent des dark patterns, littéralement des « modèles sombres ». Ce terme désigne des astuces de design d'interface destinées à manipuler les choix des utilisateurs sans qu'ils s'en aperçoivent vraiment. Le dispositif de signalement devient alors un labyrinthe kafkaïen. Or, le DSA stipule clairement qu'une plateforme perd sa protection juridique si elle ne réagit pas promptement après avoir été alertée sur la présence de contenu illégal.

Le troisième grief majeur tient en l'impossibilité pour les Européens de justifier correctement leurs recours. Quand Facebook ou Instagram supprime une publication ou suspend un compte, l'utilisateur peut théoriquement contester la décision, ou autrement dit faire appel. Mais les formulaires d'appel ne permettraient justement pas d'apporter des arguments détaillés ou des preuves tangibles. Une restriction qui vide de sa substance le droit de contestation garanti par la réglementation européenne.

Si ces manquements sont confirmés, les amendes risquées par les deux géants pourraient grimper jusqu'à 6% du chiffre d'affaires mondial annuel, soit plusieurs milliards d'euros pour Meta, comme pour TikTok.