En Italie, depuis maintenant de longs mois, la lutte contre l'IPTV pirate s'est transformée en une véritable guerre avec une ampleur incensée. Preuve en est avec la dernière saillie du gouvernement.

Après les amendes, les blocages automatisés et les campagnes de moralisation, le gouvernement, par la bouche de son ministre des Sports, évoque désormais le "name and shame" pour dissuader les utilisateurs. Jusqu’où ira-t-on pour faire peur aux "pirates" ?
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Un grand spectacle de répression
Depuis plus d’un an, l’Italie a souhaité s'ériger comme modèle européen de la lutte antipiratage. Sous l’impulsion de l’AGCOM (l’autorité des communications) et des grands diffuseurs comme DAZN ou Sky, le pays a mis en place le fameux "Piracy Shield", un dispositif capable de bloquer en quelques secondes les flux IPTV illégaux.
Sur le papier, le système devait être la solution miracle. Dans la réalité, il a surtout montré les limites d’une approche purement technique, entre les blocages abusifs (souvenez-vous l'affaire du blocage de Google Drive), les nombreuses critiques et la répression qui monte crescendo depuis des mois. Pour cause, depuis le déploiement du Piracy Shield, les autorités ont graduellement ajouté d’autres outils à leur arsenal, on pense bien sûr aux amendes administratives et autres poursuites civiles, et aux récentes campagnes publiques de dissuasion.
Comme relaté dans nos colonnes, récemment, une base de données contenant plus de 2 200 noms d’abonnés à des services IPTV a été saisie par la police. Ces utilisateurs ont reçu chez eux des lettres d’amende, certaines accompagnées d’une "proposition" de DAZN leur réclamant 500 € supplémentaires pour éviter d’éventuelles poursuites pour préjudice économique. Une double peine, donc. Mais pour le ministre italien des Sports et de la Jeunesse, Andrea Abodi, ce n’est visiblement pas encore suffisant.
"Name and shame"
Lors d’un événement consacré à l’inclusion numérique, le ministre a franchi une nouvelle étape avec une saillie pour le moins osée.
« Nous devons être conscients que l’achat d’un abonnement illégal, le piratage, revient à soutenir des économies criminelles. Il faut comprendre que nous devenons tous complices de ce crime […] Je crois que les noms de ceux qui achètent ces abonnements pourraient bientôt être publiés. Ce n’est pas une question de vie privée, c’est un crime. J’espère que les gens comprendront qu’il vaut peut-être mieux dépenser quelques euros de plus et éviter les ennuis. »
Par ses mots, le ministre explique que le piratage n'est pas seulement un délit économique, mais un acte immoral, assimilé à une trahison envers le sport et la société et un soutien donné aux organisations qui font vivre ces pratiques illicites. Andrea Abodi va même jusqu’à raconter que son propre fils avait essayé l’IPTV pirate, avant qu’il ne le "raisonne".
L’illusion du tout-répressif
En s’attaquant frontalement aux consommateurs, l’Italie semble oublier que le piratage prospère avant tout sur l’échec de l’offre légale. Prix des abonnements cumulés, fragmentation des droits, expériences utilisateurs parfois médiocres… les raisons de basculer vers des solutions alternatives ne tiennent pas toujours du "crime organisé", contrairement à ce que la rhétorique gouvernementale laisse entendre.
Plutôt que de s’enfermer dans une logique de punition publique, on pourrait imaginer une réflexion sur la valeur perçue du sport, l’accessibilité des contenus ou la simplification de l’offre. Mais cette approche ne produit ni buzz politique, ni satisfaction immédiate pour les ayants droit.
Pour l'heure, la menace de publier les noms des utilisateurs d’IPTV pirates relève davantage de la communication… Bonne ou mauvaise, à vous de juger. Mais force est de constater que les autorités italiennes cherchent à créer un climat de peur parmi les utilisateurs.
En fin de compte, que l’on condamne ou non le piratage, il devient difficile de ne pas voir la dérive et de penser que tout cela va peut-être un peu trop loin. Quand la lutte contre une infraction mineure se transforme en une croisade morale, les dérives ne sont jamais loin… À force de vouloir faire un exemple, l’Italie risque de créer un précédent dangereux, où le droit à la vie privée cède la place à la peur d’être montré du doigt.
Et si la prochaine étape consistait à afficher le nom des pirates directement à la mi-temps de matches de Série A, entre deux publicités ? Bien sûr, je lance ça sur le ton de l'ironie… mais qui sait ?!
Source : Torrent Freak