La Direction générale du Trésor alerte, dans une étude, sur les conséquences des addictions des Français envers les réseaux sociaux. Selon l'administration, elle pourrait coûter, à terme, entre deux et trois points de PIB au pays.

Les algorithmes des réseaux sociaux rapportent des milliards mais ruinent notre cerveau, et demain l'économie ? © 13_Phunkod / Shutterstock
Les algorithmes des réseaux sociaux rapportent des milliards mais ruinent notre cerveau, et demain l'économie ? © 13_Phunkod / Shutterstock

Instagram, TikTok et YouTube ont ce don de pouvoir rendre une majorité d'utilisateurs comme dépendante de leurs contenus. Cette attention numérique, qui s'illustre par la publicité en ligne, est une industrie à part entière qui génère beaucoup d'argent, 9 milliards d'euros rien que l'an dernier. Notre cerveau piégé par les algorithmes des réseaux sociaux est devenu une ressource littéralement exploitable. Et cela va nous seulement avoir des conséquences sur la santé mentale des utilisateurs, mais aussi sur la productivité du pays tout entier, comme le révèle la Direction générale du Trésor.

Les algorithmes numériques exploitent vos faiblesses psychologiques pour maximiser les profits

L'économie de l'attention repose sur un principe redoutablement efficace, qui consiste à transformer chaque utilisateur en produit vendu aux annonceurs. Les géants du numérique l'ont bien compris et ont perfectionné cette alchimie à l'aide de techniques que les médias traditionnels n'auraient jamais imaginées. Le défilement infini ou scroll maintient les yeux rivés sur l'écran sans effort conscient de l'utilisateur.

Les algorithmes de recommandation analysent nos moindres gestes pour prédire quel contenu nous fera rester connectés plus longtemps. Ces systèmes apprennent de nos hésitations, de nos scrolls, de nos temps d'arrêt sur une image. Ils créent une dépendance subtile mais puissante, et exploitent les mécanismes neurobiologiques de la récompense.

L'interconnexion des services fait partie des facteurs qui amplifient encore le phénomène. Car oui, nos recherches Google influencent nos publicités YouTube, qui impactent nos recommandations Instagram. Cette toile numérique tisse un portrait comportemental très précis, qui à la fin permet un ciblage publicitaire plus qu'efficace pour les annonceurs.

Les réseaux sociaux dégradent les performances scolaires et la santé mentale des utilisateurs, et vont coûter cher

Paradoxalement, cette industrie génère autant de richesses que de dégâts. En France, la publicité en ligne représente environ 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires direct, sans parler des ventes totales induites de 32 milliards d'euros. Les plateformes stimulent aussi l'innovation, et elles peuvent améliorer la productivité dans certains secteurs d'activité.

Mais cette prospérité cache des coûts cachés considérables. Les recherches scientifiques documentent des effets négatifs sur notre cerveau, particulièrement préoccupants chez les enfants. Une enquête publiée il y a trois ans révèle que les élèves qui utilisent intensivement leur smartphone à l'école obtiennent des scores inférieurs de 30 à 50 points en mathématiques. Ces difficultés d'apprentissage réduiront mécaniquement leur efficacité professionnelle une fois devenus adultes.

© Estimations DG Trésor
© Estimations DG Trésor

L'impact sanitaire complète ce sombre tableau, puisque les utilisateurs les plus intensifs sont touchés par des troubles du sommeil, anxiété et dépression. La Direction générale du Trésor estime même que ces externalités négatives pourraient causer une perte de deux à trois points de PIB à long terme, d'ici 2060. Soit plusieurs dizaines de milliards d'euros de pertes.

L'Europe contre-attaque avec de nouveaux règlements

Conscientes du problème, les autorités européennes sortent l'artillerie lourde. Le Digital Services Act, adopté en 2022, impose aux mastodontes numériques de nouvelles obligations. Meta, Google, TikTok et consorts doivent désormais évaluer les risques de dépendance créés par leurs algorithmes. Plus fort encore, certaines techniques addictives comme le scroll infini sont interdites pour les mineurs.

Le Digital Markets Act complète cette offensive réglementaire en cassant les monopoles numériques. Concrètement, vous pourrez bientôt exporter toutes vos données Facebook vers une plateforme concurrente d'un simple clic. Cette « portabilité » vise à relancer la concurrence et favoriser l'émergence d'alternatives moins prédatrices pour votre attention.

En France, la Commission Écrans pousse encore plus loin en recommandant un âge minimal de 15 ans pour les réseaux sociaux. Une proposition radicale qui reconnaît enfin l'impact spécifique de cette économie sur le développement cérébral des enfants. Car au-delà du bien-être individuel, c'est la productivité économique future du pays qui se joue dans nos smartphones.